Albert Dupontel revient avec "Adieu les cons" et tire à vue sur la classe politique

CINÉMA - “Dire qu’un film est le meilleur, c’est gênant.” Son triomphe aux César n’a pas changé Albert Dupontel, cinéaste qui aime appuyer là où ça fait mal et se défie toujours des prix et récompenses, comme il le confie à l’occasion de la réouverture des salles.

Le roi de la comédie acide et absurde n’a pas assisté en mars à la grand-messe du cinéma français où sa “tragédie burlesque” “Adieu les cons”, qui ressort mercredi 19 mai pour la réouverture des cinémas, a remporté sept statuettes, dont celles du “meilleur film” et du “meilleur réalisateur”.

“Je trouve ça gentil d’être désigné ‘le meilleur’ en termes de goût, mais ça me gêne. Et devant cette perplexité, je suis prudent. C’est pour ça que je suis discret”, explique l’acteur et réalisateur de 57 ans dans un entretien à l’AFP. À la course à pied, au tennis, c’est bien qu’il y ait un meilleur. Mais, en termes de goût, c’est très personnel et c’est plus difficile. C’est comme sa sexualité, ou sa religion, il faut respecter ça.”

Une compétition “permanente” et “infantile”

Il ajoute: “Au mieux ce que je fais est intéressant, mais pas plus”. Albert Dupontel trouve “infantile” la “compétition permanente” qui commence dès l’école, tout en comprenant que le cinéma ait “besoin une fois par an d’une émission pour parler de lui”. Il n’a pas la télé et n’a pas regardé la cérémonie.

Satire sur la “difficulté de s’aimer dans un monde répressif et anxiogène”, “Adieu les cons” a attiré 700.000 spectateurs en salles, en un peu plus d’une semaine, avant que le dernier confinement ne suspende sa carrière... ″Être artiste, c’est essayer d’élever le niveau de conscience, quitter un peu sa vanité de reconnaissance, de box-office, et dire voilà ce que moi je vois” du monde, relativise Dupontel. 

Dans l’immédiat, les César permettent de donner un “coup de spot” sur la ressortie du film, une rencontre aussi drôle que touchante d’un homme qui ne voulait plus vivre (Albert Dupontel lui-même) avec une femme condamnée par une maladie (Virginie Efira), sous le patronage d’un vieil aveugle (Nicolas Marié).

“Que la culture rouvre, c’est super parce que les gens vont pouvoir se confronter à eux-mêmes. Ce que n’aiment pas les dominants, qu’ils soient politiques, religieux ou marchands... Quand on réfléchit, on peut ensuite désobéir. Et ça ne serait peut-être pas plus mal”, relève cet anticonformiste de toujours, dont le Panthéon va des Monty Pythons à Chaplin en passant par l’écrivain George Orwell.

Emmanuel Macron dans le viseur

Dans les colonnes du Parisien, Albert Dupontel n’hésite pas à s’en prendre à la classe politique actuelle, notamment au regard de la gestion de la crise. “Ceux qui nous dirigent sont dans un déni, explique-t-il. Ils gèrent une crise économique plus qu’une crise sanitaire. Ils veulent être plus forts que la réalité. Macron a eu cette phrase magnifique: ‘Ce n’est pas un échec, mais ça n’a pas marché [à propos de l’application StopCovid, NDLR]’Il faudrait mettre ça dans un film.”

Il poursuit: “Le pouvoir attire des personnalités très égotistes et, depuis la médiatisation, très narcissiques. Les grands Narcisse sont terrifiants parce qu’ils communiquent aux autres l’amour qu’ils ont d’eux-mêmes. La majorité des gens ont des doutes sur eux-mêmes, eux n’en ont aucun: dans quelques semaines, Macron va défendre un bilan impeccable.”

Pas question pour lui de voter pour l’élection présidentielle de 2022. “Je n’ai jamais compris le schéma droite-gauche. La crise qu’on traverse aujourd’hui mériterait un gouvernement d’unité nationale, pas des mecs qui s’empoignent à l’Assemblée nationale parce que chacun veut résoudre la crise avec son idéologie”, précise-t-il, avant d’expliquer qu’il aimerait voir les décideurs descendre dans les cales [du bateau qui coule] pour boucher les trous.

La mondialisation l’inquiète, elle “veut nous transformer en ‘travailleurs consommateurs’. Ces images de gens masqués, entassés les uns sur les autres dans des métros, qui partaient travailler – ou plus vraisemblablement se faire exploiter - sont tellement flagrantes.”

Un nouveau scénario en cours

Lui attend avec impatience de retrouver son “protocole” personnel : trottinette puis séance de ciné à la pause de midi. Ou encore mieux, ”à 9 heures du matin, quand il n’y a personne... Mater des films, m’isoler dans le noir, j’adore ça.” “Aller au cinéma, c’est une soumission joyeuse. C’est aller voir des gens plus grands que soi, quitter ses chips, sa bière, son canapé et s’enfermer dans un endroit où on va voyager”, poursuit-il.

Pendant les six mois de fermeture, ce rituel a été suspendu et le réalisateur de “Bernie” et “Au Revoir Là Haut” en a profité pour boucler une “version zéro” du scénario de son prochain film. Un travail “long et laborieux, comme d’habitude” chez cet artisan de l’image, perfectionniste et angoissé. Le résultat, intitulé “Second tour” s’attaque au pouvoir politique, avec l’histoire d’un candidat aux élections qui semble “lisse comme un galet” mais révèle ses fêlures.

Une “fable politique” par un réalisateur qui n’a jamais voté, mais dénonce, assis pour la promotion de son film dans un salon d’hôtel à un jet de pierre de l’Élysée, le “fameux ego humain des dirigeants qui est en train de foutre en banqueroute la planète”. Aujourd’hui, de quoi rêve le grand vainqueur des César? Adapter Victor Hugo, “Les travailleurs de la mer”, “une histoire magnifique sur l’amour sublime”, ou bien faire un film sur Napoléon, un personnage “fou, mais fascinant”.

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