Le grand oral, épreuve inédite du bac 2021 inspiré du "colloquio" qui stresse les lycéens italiens

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ÉDUCATION - C’est la deuxième et dernière épreuve à laquelle les élèves de terminale doivent se confronter à partir de lundi 21 juin pour décrocher leur baccalauréat: le grand oral. Après l’épreuve de philosophie sur laquelle ils ont planché jeudi 17 juin, cette épreuve-phare du bac nouvelle formule, instauré par le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, n’est pas sans inquiéter certains élèves et suscite de nombreuses critiques. 

Le grand oral concerne les élèves de terminale en voie générale et technologique. D’une durée de vingt minutes, il se résume à une présentation orale et à un échange avec un jury.

Pendant l’année scolaire, les candidats préparent avec leurs professeurs deux questions liées à leurs enseignements de spécialités. Le jury en sélectionne une. 

Après un temps de préparation, l’élève présente sa réponse, qui doit être le fruit d’une “réflexion personnelle”, selon le ministère. Le jury lui demande ensuite d’approfondir certains points ou l’interroge sur d’autres notions. L’élève termine en expliquant son projet d’orientation.

En Italie, la présentation d’un mémoire

Cet oral serait en fait inspiré du “colloquio”, l’examen qui fait trembler les jeunes Italiens.

Nos confrères du HuffPost Italia nous expliquaient en effet en 2018 que cet examen est “très stressant” et que “les étudiants en sont terrifiés”. Il s’agit d’un grand oral pluridisciplinaire faisant partie des quatre épreuves de l’“esame di maturità”, l’équivalent de notre baccalauréat, qui vient conclure cinq années de lycée.

Si cet oral obligatoire est une telle source de stress pour les lycéens italiens, ce n’est pas seulement parce que justement, il se déroule à l’oral, mais aussi parce qu’il compte pour 30% de leur note à l’examen.

En quoi consiste cet oral en Italie? Le lycéen doit tout d’abord présenter un court mémoire sur le sujet de son choix, mais celui-ci doit être pluridisciplinaire et illustrer son parcours scolaire. Selene Gagliardi, contributrice du HuffPost Italia, se souvient par exemple que lorsqu’elle l’a passé en 2008, elle a choisi le thème de la musique. “J’ai donc cité tous les sujets évoqués pendant l’année qui parlaient de musique, la poésie de Leopardi pour le cours d’italien, l’amitié de Debussy avec les poètes maudits pour le cours de français, la musique de Kandinsky pour le cours d’art, etc.”, raconte-t-elle au HuffPost

30% de la note totale en Italie, 10% en France

Ensuite, un jury composé de sept personnes (trois professeurs internes, trois externes et le président du jury) pose des questions libres portant sur les matières de leur choix. C’est peut-être la partie la plus compliquée de l’oral, car “les étudiants doivent revoir tout ce qu’ils ont étudié au cours des neuf derniers mois et chaque professeur peut poser une question qui n’est pas liée à celle de son collègue. Par exemple, mon professeur d’italien m’a interrogée sur Dante Alighieri, mon prof d’anglais à propos de James Joyce et mon professeur d’histoire sur la Seconde Guerre mondiale”, poursuit Selene Gagliardi. Pour cet exposé, l’élève peut s’aider d’un support multimédia.

Enfin, ces enseignants proposent à l’élève de corriger certaines erreurs qu’ils ont repérées dans ses examens écrits.

Cet oral dure en moyenne une heure et compte donc pour 30% de la note totale. Les élèves sont notés, en plus du colloquio, sur des épreuves écrites et sur un contrôle continu prenant en compte leurs cinq années de lycée. 

Que les lycéens français se rassurent toutefois... Cet oral ne compte “que” pour 10% de la note totale du bac 2021. Car cette année, le contrôle continu compte pour 82% de la note finale. Les 18% restant sont répartis entre l’épreuve de philosophe (8%) et le grand oral (10%).  

Pourquoi un grand oral

En France, l’exercice doit permettre aux candidats d’apprendre à s’exprimer en public, “de façon claire et convaincante”. “Cette compétence est fondamentale” pour la vie personnelle et professionnelle, soulignait début mai Jean-Michel Blanquer. Le grand oral est cependant loin de faire l’unanimité.

“Une évaluation orale est légitime mais le mode opératoire proposé est très difficile à défendre”, estime Pierre Merle, sociologue spécialiste des questions scolaires, contacté par l’AFP, critiquant le manque d’entraînement des élèves à l’épreuve, qui pénalise surtout ceux issus de milieux défavorisés. “Il n’est pas possible de combler en quelques séances de préparation en classe des différences syntaxiques, lexicales et linguistiques, qui se sont creusées sur des années”, explique-t-il.

En outre, la préparation au grand oral a été très inégale cette année, en raison des perturbations liées à la crise sanitaire. “Il y a beaucoup de crainte parce que de nombreux élèves ne s’estiment pas assez préparés”, indique Antonin Nouvian, secrétaire général du Mouvement national lycéen (MNL).

Pour les rassurer, le ministère leur permet exceptionnellement de garder sous les yeux le brouillon préparé pour l’exposé. “L’aménagement proposé fait fi des inégalités de préparation qui s’expriment dans toute l’épreuve”, proteste dans un communiqué le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire.

“Prestation orale”

Le jury évaluera sur 20 points la “prestation orale” du candidat, soit sa capacité à capter l’attention, sa gestion du temps, la qualité de ses connaissances et de son argumentation. Il notera également sa capacité à réagir aux questions ou à reformuler si nécessaire. 

Pour Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-Unsa, l’exercice est “trop fondé sur la capacité à s’exprimer à l’oral”, plutôt que sur celle à mener un travail dans la durée. 

La partie concernant le projet d’orientation est également pointée du doigt. “L’objet même de l’épreuve met en difficulté de nombreux élèves, puisqu’on leur demande d’avoir un discours construit et cohérent sur un choix d’orientation qu’ils ne maîtrisent pas”, souligne Pierre Merle. Difficile en particulier pour les élèves moyens de se projeter puisqu’ils sont moins sûrs d’obtenir leurs premiers choix de formation.

Bien que peu présente dans l’enseignement français, la valorisation de l’expression orale demeure l’objectif premier de cette nouvelle épreuve, comme l’avait lui-même souligné Jean-Michel Blanquer: “Avec le grand oral du baccalauréat, on a envoyé un signal à tout le système scolaire, qui est de s’entraîner à parler”.

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