Ce livre est la clé pour désamorcer les tensions de la rentrée, même au sujet des vaccins

Qui dit retour au bureau, dit retour des prises de bec.

LIVRE - À la cantine, à la photocopieuse, autour d’une cigarette ou à la machine à café: ce mois de septembre ne marque pas seulement le retour de nombreux Français sur leur lieu de travail, il signe aussi le retour des discussions entre collègues et, conséquence sine qua non, des prises de bec au bureau.

À temps pour la rentrée, un livre est peut-être la clé pour s’en dépatouiller. Il s’intitule De la gentillesse et du courage. Écrit par le magistrat et politologue italien Gianrico Carofiglio, connu notamment pour son travail dans la lutte contre la mafia à Bari, il paraît en français ce jeudi 2 septembre, aux Arènes.

Sorti au mois de septembre 2020 en Italie, l’essai a rencontré un franc succès, comme en témoignent les 100.000 exemplaires vendus en deux mois. Son pitch? Apprendre à désamorcer tout conflit, grâce à trois armes: la gentillesse, le courage et le doute.

La charge de la preuve

À partir de citations philosophiques, d’exemples dans l’actualité ou de théories des arts martiaux, l’essayiste appuie sa réflexion et offre ainsi un manuel, non pas pour remporter un duel verbal, mais pour mieux trouver du sens à un dialogue et écouter l’autre, y compris dans un contexte cynique ou complotiste.

Dans son manifeste, Gianrico Carofiglio prend un exemple, celui du front antivaccination. Bien antérieur à l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 et aux manifestations en cours en France, il s’appuie, selon l’écrivain, sur quatre arguments: “les médecins et la science se sont souvent trompés, des études scientifiques démontrent la relation entre vaccins et autisme, la vaccination sert les intérêts des laboratoires pharmaceutiques” et enfin, “démontrez-nous que les vaccins ne sont pas nocifs”.

Ces réponses éludent “de manière insidieuse, structurée et manipulatrice” ce que le politologue appelle “la charge de la preuve”. Dans le système italien, elle est notamment inscrite au Code civil et stipule que “celui qui veut faire valoir un droit en justice doit prouver les faits qui en constituent le fondement”. L’idée? Démontrer que nos décisions se fondent sur des faits, et non sur des conjonctures.

L’art de douter

Pour l’auteur, le dernier argument des antivax est un parfait exemple de l’inversion de la charge de la preuve, en même temps qu’ils “manipulent aussi les preuves pour les faire correspondre à leur clé de lecture”. L’absence de preuves étant à leurs yeux “une preuve décisive”. 

“Face à ce type d’affirmations, le débat contradictoire est souvent inutile”, écrit l’Italien. Comment en démordre? Quelle est exactement l’affirmation? Sur quels indices se fonde-t-elle? “Comme dans les procès pénaux, les questions sont l’outil fondamental pour démontrer les assertions et reconstructions fausses ou erronées, et rechercher des vérités possibles et acceptables”, poursuit l’auteur. 

Pour désamorcer la situation, une seule solution: poser des questions à son interlocuteur. L’art de douter, selon l’écrivain, est un outil essentiel de la pensée civique pour s’opposer à toute forme d’exercice opaque. “Les sociétés en mesure d’accepter l’incertitude féconde découlant d’une interrogation systématique du pouvoir sous toutes ses formes sont aussi celles capables d’évoluer”, observe Gianrico Carofiglio.

Les points d’interrogation? “Jamais trop”

Quelles formes doivent-elles prendre? Dans notre cas, il y en a une. Il s’agit des questions dites “divergentes”. “Est-ce que tu peux m’en dire un peu plus sur ce que tu viens d’affirmer? Comment as-tu appris cette information? Qu’est-ce qui te freine dans l’idée d’envisager cette autre manière de voir les choses?” Ce sont des questions ouvertes, admettant des réponses variées, parfois inattendues. Elles offrent de “nouvelles ententes” et “postulent une disponibilité au débat”. En d’autres termes, “elles permettent d’engager un dialogue et non une simple polémique”, écrit le magistrat.

À l’inverse, mieux vaut prescrire les questions dites “convergentes”, le genre de question qu’un professeur pose à son élève lors d’une évaluation et qui n’attend qu’une seule et unique bonne réponse. Elles révèlent “l’indisponibilité complète du locuteur à un dépassement constructif du désaccord”.

À éviter aussi, les pseudo-questions teintées d’agressivité et qui en appellent à des réactions de la même teneur. Ça ne mène à rien. Gianrico Carofiglio persiste: “Même dans un contexte de vif désaccord, la bonne question doit rester une question. C’est-à-dire que dans son fond comme dans sa forme, elle doit viser à obtenir une réponse, à faire avancer la discussion.” Comme le dit le philosophe allemand Victor Klemperer: “On n’emploie jamais trop de points d’interrogation.” Cette rentrée, plus que jamais.

“De la gentillesse et du courage” de Gianrico Carofiglio est disponible en librairie à partir du jeudi 2 septembre.

À voir également sur Le HuffPost: Le télétravail peut vite devenir plus facile avec ces 3 bureaux insolites

Enregistrer un commentaire

0 Commentaires