RÉSEAUX SOCIAUX - Facebook a-t-il joué malgré lui un rôle dans le violent assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump en janvier? C’est ce qu’affirme une ancienne employée de l’entreprise dimanche 3 octobre.
Frances Haugen est une ancienne ingénieure de Facebook, assignée, à sa demande, au département “intégrité civique” (Civic Integrity) qui s’intéressait aux risques que pouvaient poser certains utilisateurs ou certains contenus pour le bon déroulement d’élections. Après avoir quitté l’entreprise en mai, elle avait fait fuiter des documents issus de recherches internes à l’entreprise et potenciellement embarrassants: certains portaient par exemple sur les études en cours sur Instagram et sa version pour enfants, un projet désormais en suspens.
Ce dimanche, la lanceuse d’alerte est apparue pour la première fois à visage découvert dans un entretien accordé à la chaîne américaine CBS, avant une audition mardi par la commission au Commerce du Sénat américain. Et elle a évoqué le rôle involontaire mais réel de Facebook dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.
Des algorithmes de protection trop vite supprimés
Selon elle, la raison est à chercher du côté des algorithmes mis en place par Facebook. Avant le scrutin présidentiel américain de novembre 2020, le réseau social les avait modifiés pour réduire la diffusion de fausses informations. Mais selon la lanceuse d’alerte, “dès que l’élection a été terminée”, le groupe les a reconfigurés comme avant, “pour donner la priorité à la croissance plutôt qu’à la sûreté”, a-t-elle soutenu dans son entretien à l’émission “60 Minutes”, sur CBS.
C’est à la suite du retour aux anciens algorithmes que de nombreux utilisateurs de Facebook se sont servis de la plateforme pour se mobiliser en vue des événements du 6 janvier, qui ont mené à l’intrusion au Capitole, explique l’ancienne employée.
“Il y avait des conflits d’intérêt entre ce qui était bon pour le public, et ce qui était bon pour Facebook”, a insisté Frances Haugen, et le groupe, “une occasion après l’autre, choisissait de privilégier ses intérêts, c’est-à-dire faire plus d’argent”.“J’ai vu pas mal de réseaux sociaux, et la situation chez Facebook était sensiblement pire que ce tout ce que j’avais pu voir avant”, a dit l’ingénieure, passée par le site de rencontres Hinge, mais aussi Yelp ou Pinterest.
Facebook se défend
Avant la diffusion de l’interview de la lanceuse d’alerte, Facebook a tenté de limiter les dégâts en accordant un entretien à la chaîne CNN avec le vice-président du groupe Nick Clegg.
La responsabilité “de l’insurrection” sur le siège du Congrès “incombe aux personnes qui ont infligé les violences et à ceux qui les ont encouragées, dont le président (Donald) Trump”, a rétorqué Nick Clegg.
Le vice-président de la plateforme a jugé “trop facile de chercher une explication technologique à la polarisation politique aux Etats-Unis”. Il a toutefois reconnu que Facebook devait essayer de “comprendre comment (il) contribue aux contenus négatifs et extrême, aux discours haineux et à la désinformation”.
“Personne chez Facebook n’est malveillant”, a estimé la lanceuse d’alerte. “Mais les intérêts ne sont pas alignés.”
Pour elle, Mark Zuckerberg, co-fondateur et PDG de Facebook, n’a jamais cherché à faire de Facebook une plateforme haineuse, “mais il a permis que des choix soient faits”, favorisant la diffusion de contenus haineux.
“Les actions de Facebook montrent clairement qu’il ne se réformera pas seul”, a réagi le sénateur démocrate Richard Blumenthal, membre de la commission du Sénat dans un communiqué. “Nous devons envisager une régulation plus stricte.”
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