Appliquer la stratégie "Zéro Covid" en France et en Europe? Ces scientifiques sont pour

Se confiner sans attendre dès les premiers cas recensés de Covid-19 ou de variants, ou de remontée des indicateurs épidémiques, présente des avantages pour ces spécialistes.

CORONAVIRUS - Frapper vite et fort pour retrouver rapidement une vie normale: c’est la stratégie dite du “Zéro Covid” adoptée par plusieurs pays d’Asie et d’Océanie. À Auckland, 2 millions de Néo-Zélandais ont entamé ce lundi 15 février un confinement de trois jours à cause de trois cas recensés de Covid-19.

Cette stratégie vise à réduire à zéro la circulation du coronavirus dans une région ou un pays, grâce à des mesures strictes prises dès que des cas apparaissent, combinées à un contrôle drastique des foyers d’infection (tester, tracer, isoler). Parallèlement, la vie normale peut se poursuivre dans les zones où le virus ne circule pas.

Mais cette stratégie est-elle applicable en Europe? De plus en plus de spécialistes plaident en tout cas pour. “Viser l’objectif zéro Covid constitue un moyen clair de traverser la pandémie en minimisant les dégâts”, expliquent dans une tribune publiée le lundi 15 février dans le journal Le Monde un groupe de scientifiques internationaux, des sociologues ou encore des économistes.

“L’avantage est triple pour les pays qui l’ont adoptée”, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Chine, Taïwan et le Vietnam, assure à l’AFP le professeur et épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’Université de Genève.

“La situation actuelle n’est pas acceptable”

“Sur le plan sanitaire, ils sont les champions du monde incontestés pour le faible nombre de décès par habitant, et sur le plan social, la vie a repris ses droits: bars, restaurants, activités culturelles et sportives, écoles et universités sont normalement ouverts, les gestes barrières quasi-inexistants”, ajoute-t-il.

 

“Sur le plan économique enfin, Taïwan et la Chine ont connu des croissances positives de leur PIB en 2020”, ajoute le Pr Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève. Il juge l’option “Zéro Covid” nettement préférable à la “stratégie de mitigation de la plupart des pays occidentaux”, laquelle “organise, entre deux vagues, le ‘vivre avec’” le virus. ”‘Vivre avec le virus’, ça veut dire quoi? La situation actuelle n’est pas acceptable, elle crée trop d’incertitudes sur le long terme”, approuve Martin McKee, professeur de santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

“On essaie en vain de contrôler l’épidémie, il y a sans cesse des résurgences et donc des confinements supplémentaires, et personne ne peut rien planifier, pour partir en vacances, se marier ou investir dans la création d’un restaurant”, déclare-t-il à l’AFP. Et “plus le virus circule, plus on s’expose à l’apparition de mutations. On ne peut pas continuer avec une troisième, quatrième, quinzième, vingtième vague”, insiste le Pr McKee, persuadé que le “Zéro Covid” est “la seule alternative”.

 

Mais cette stratégie est-elle transposable d’un bout à l’autre du monde? “Ce serait plus difficile en Europe”, estime un spécialiste australien, le Pr Archie Clements, épidémiologiste à l’université Curtin de Perth. “Il y a plusieurs raisons: la mobilité bien plus importante en Europe, la densité de population des villes bien plus élevée, la dépendance de l’économie européenne aux voyages transfrontaliers et le fait que l’Europe est une destination de voyage majeure”, dit-il à l’AFP. “En Australie et en Nouvelle-Zélande, nous avons des avantages naturels qui ne sont pas reproductibles ailleurs, en particulier notre isolement et l’absence de frontières terrestres”, ajoute-t-il.

Ne pas répéter les “erreurs passées”

Ce type d’arguments ne convainc pas les Européens partisans du “Zéro Covid”. “Lorsque le Royaume-Uni enregistre une plus forte mortalité que l’Allemagne, la Suisse ou la France, on ne dit pas que l’insularité est la raison de sa piètre performance”, note le Pr Flahault, tout en concédant que cette stratégie impliquerait des contrôles aux frontières dans l’espace Schengen.

“Taïwan ou le Vietnam ont une densité de population importante”, relève pour sa part le Pr McKee. Il rejette également une autre théorie parfois mise en avant, selon laquelle les Asiatiques se plieraient plus docilement que les Européens à ces mesures-choc: “C’est une vision assez impérialiste”.

Que la stratégie “Zéro Covid” soit ou pas importable, il est de toute façon “trop tard pour cela en Europe”, où le virus et ses variants circulent très fort, juge le Pr Clements. “L’Europe a manqué l’occasion d’adopter une stratégie de type Zéro Covid à la fin du premier confinement” et a “préféré profiter de l’été” en “laissant filer la circulation du virus”, fait valoir le Pr Flahault.

Il souhaite “que nos démocraties ouvrent un véritable débat” pour éviter de “répéter les erreurs passées”: “Plusieurs pays européens arriveront à une décrue épidémique notable dans quelques semaines et devront bien se poser la question.”

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