Covid-19: des cartes et courbes pour comprendre l'épidémie de coronavirus

SCIENCE - Une situation “si fragile qu’un rien peut la faire basculer”. C’est ce qu’a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal mercredi 17 février à propos de l’évolution de l’épidémie de coronavirus.

Alors que les courbes et cartes de l’épidémie de Covid-19 montrent un plateau, voire une légère baisse pour certains indicateurs, l’exécutif ne veut surtout pas donner l’impression que la partie est gagnée.

Et il y a de bonnes raisons à ce choix: l’influence des variants, le faible recul sur les chiffres récents et certaines situations locales appellent effectivement à la prudence, malgré ces indicateurs plutôt rassurants.

Pour mieux le comprendre, Le HuffPost fait le point sur l’épidémie de Covid-19 avec des cartes et courbes dédiés.

Les courbes globales du Covid-19 en France

Si l’on regarde les principaux indicateurs de suivi du coronavirus scrutés par le gouvernement, la plupart vont dans le bon sens depuis quelques jours. Notamment le taux d’incidence, de positivité, ainsi que le nombre d’hospitalisations et le taux de reproduction (R effectifs), détaillés sous ce graphique résumant la situation.

Voici une description des principaux indicateurs suivis:

  • Taux d’incidence: c’est le nombre de cas détectés pour 100.000 habitants. Il est très utile, car il donne un état des lieux de l’épidémie en quasi-temps réel (quelques jours de décalage pour l’apparition des symptômes, voire avant leur apparition pour les cas contacts). Mais il est dépendant des capacités de dépistage.
  • Taux de positivité: c’est le nombre de tests positifs par rapport aux tests totaux effectués. Il permet de “contrôler” le taux d’incidence. S’il y a beaucoup de cas dans un territoire (taux d’incidence), mais que cela est uniquement dû à un dépistage très développé, le taux de positivité sera faible. À l’inverse, s’il augmente, cela veut dire qu’une part plus importante des gens testés sont positifs, mais surtout que les personnes contaminées qui ne sont pas testées, qui passent entre les mailles du filet, sont potentiellement plus nombreuses.
  • Taux d’occupation des lits de réanimation par des patients Covid-19: C’est un chiffre scruté, car il permet de savoir si les hôpitaux sont capables de gérer l’afflux de patients. Il est très utile, car il y a peu de risque de biais: il ne dépend pas du dépistage et les occupations de lits sont bien remontées aux autorités. Son désavantage: il y a un délai important entre la contamination et le passage en réanimation, d’environ deux à trois semaines. 
  • Décès à l’hôpital: Comme les réanimations, c’est un indicateur plutôt fiable, mais avec un délai important.

Sur ces différents indicateurs, seul le taux d’occupation en réanimation n’est pas à la baisse. Pour quelles raisons? Difficile à expliquer. L’évolution de la météo, des comportements, ou encore le début des vacances scolaires peuvent avoir un effet. De même, évidemment, que les mesures drastiques déjà en place actuellement, dont la fermeture des lieux culturels, des restaurants, bars et centres commerciaux, ou encore le couvre-feu à 18 heures.

Cette dernière mesure a été mise en place progressivement en fonction de l’incidence des départements. Aujourd’hui, les différences entre chaque groupe de départements semblent gommées.

Cartes du taux d’incidence et de positivité par département

Quand les tendances sont si légères, le diable se cache souvent dans les détails et donc au niveau local. Sur la carte ci-dessous, on peut ainsi voir l’évolution du taux d’incidence sur les trois dernières semaines, en pourcentage, par département (le menu permet de remonter le temps pour comparer la situation depuis le mois de décembre).

Pour des raisons techniques, les territoires ultramarins ne sont pas visibles sur nos cartes, mais sont accessibles dans le moteur de recherche en haut à gauche.

Mais seul, ce baromètre peut être parfois trompeur. Le taux de positivité permet de limiter les biais. C’est pour cela que nous avons également mis au point une carte de France basée sur le taux d’incidence et de positivité. Chaque département est coloré en fonction de l’évolution de ces indicateurs. La première carte (bouton “tendances”) permet de voir l’évolution dans le temps du taux d’incidence et de positivité. En clair, de savoir si la situation s’améliore ou se détériore dans chaque département.

Comme ces taux dépendent des remontées du dépistage, nous avons choisi de mettre en avant uniquement les baisses et hausses des deux taux pendant plus d’une semaine. 

La seconde carte (bouton “indice global”) montre l’état d’un département par rapport aux seuils de vigilance et d’alerte mis au point par le gouvernement lors du déconfinement en mai dernier. Par rapport à la seconde vague, une grande partie des départements ne sont plus au-delà des deux seuils d’alerte. Mais on voit que la situation reste compliquée dans une majorité de départements.

Comme on le voit, seul le Finistère est redescendu en dessous du seuil d’alerte pour les taux d’incidence et de positivité. Pour autant, il y a une baisse des deux indicateurs dans de nombreux territoires et une hausse claire dans seulement trois: le Pas-de-Calais, le Nord et la Nièvre.

Courbes du taux d’incidence et de positivité par département

Si la carte ci-dessus est pratique pour voir en un coup d’oeil la situation actuelle et la tendance globale par département, il peut être également utile de regarder plus en détail l’évolution dans un département précis. C’est justement ce type d’évolution qui est scrutée par les autorités pour prendre des mesures locales, comme l’avancée du couvre-feu à 18h.

Nous avons donc mis au point un graphique permettant de comparer l’évolution du taux d’incidence et de positivité dans le temps, par départements. Ici aussi, il faut se garder de conclusions hâtives: une hausse ou une baisse doit se confirmer pendant plusieurs jours et, surtout, se voir répercuter sur les autres indicateurs.

Quand on regarde les trois départements cités plus haut (Nord, Pas-de-Calais et Nièvre), on voit effectivement que l’épidémie progresse sur place. Dans d’autres départements, comme Paris, le taux d’incidence ne baisse pas vraiment, mais la positivité oui, ce qui rend l’épidémie difficile à lire.

Quoi qu’il arrive, ces tendances sont récentes et il faut les interpréter avec prudence. Et les mettre en parallèle aux indicateurs hospitaliers, plus stables et moins sujets à des biais liés au dépistage.

Carte des réanimations par département

L’un des indicateurs les plus stables est le nombre de personnes qui entrent en réanimation. C’est également celui que suit avec attention le gouvernement, car le taux d’occupation de ces lits est primordial: il faut éviter une saturation qui, en plus des morts provoqués par le Covid-19, engendrerait des conséquences en cascade sur le reste du système de santé.

La carte ci-dessous résume la tendance en termes de nombre de lits en réanimation occupés par des patients Covid-19, sur les 7 et 14 derniers jours. Les choses sont loin d’être aussi claires que pour l’incidence et la positivité, logiquement.

Courbes des réanimations et hospitalisations par départements

Le principal inconvénient de cet indicateur, c’est qu’il y a un gros décalage temporel. “Pour les cas sévères, on a estimé qu’il se passe environ deux semaines entre l’infection et l’admission en réanimation. Donc l’impact d’une mesure contraignante ne sera visible que 14 jours après”, explique au HuffPost Samuel Alizon, directeur de Recherche au CNRS, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses.

Afin de pouvoir suivre cette évolution justement, voici un graphique permettant de voir le nombre de personnes hospitalisées ou en réanimation pour cause de coronavirus, dans chaque département.

On voit ici que ces courbes suivent généralement celle du taux d’incidence avec deux à trois semaines de décalage, notamment dans les départements les plus touchés.

Un variant qui peut tout faire basculer

Si l’on s’arrête à ces différents indicateurs, on peut se dire effectivement que la possibilité d’une échappatoire augmente de jour en jour. Et qu’à condition que la tendance continue, le mois de février pourrait bien se passer.

Malheureusement, le variant anglais change la donne. Si ce n’est pas un “nouveau virus”, c’est par contre une épidémie dans l’épidémie. On sait en effet que ce variant, 501Y.V1, est plus contagieux que les souches classiques du Sars-Cov2. Logiquement, quand il apparaît dans un pays, il finit par y être majoritaire.

Et même si ses mutations ne le rendent pas plus mortel, le fait qu’il soit plus contagieux est déjà un énorme problème, car cela change la courbe de l’épidémie. Imaginons qu’avec les mesures actuelles, couvre-feu compris, le taux de reproduction du virus, le fameux “R effectif”, soit de 0,8. Cela veut dire qu’une personne infectée en contamine en moyenne 0,8. Donc, l’épidémie baisse.

Mais avec un variant, disons, 50% plus contagieux (les estimations fluctuent entre 35% et 75%), les choses changent. Si le coronavirus classique, avec les mesures actuelles, a un R de 0,8, celui du coronavirus 501Y.V1 (variant anglais) se situerait autour de 1.2. Et là, l’épidémie progresse. Exponentiellement.

Une question de temps et de R

Mais alors pourquoi l’épidémie régresse-t-elle en France alors que le variant y est de plus en plus présent? Selon al dernière étude complète de Santé publique France (une nouvelle actualisée devrait être connue sous peu), il représentait 14% des infections, avec une progression de 50% par semaine (ce qui est plus lent que ce que l’on a vu en Angleterre ou au Portugal). Plusieurs solutions sont possibles.

La plus optimiste est que les mesures actuelles font que, variant ou pas, le R est inférieur à 1. Cela voudrait dire, en gros, soit que le variant est moins contaminant que prévu, soit que les restrictions actuelles sont aussi efficaces que le confinement de mars 2020. Peu probable, même si ce n’est pas impossible: une partie de la population est déjà immunisée, les masques sont courants, les Français connaissent les risques et font certainement plus attention. On sait également que des mesures très strictes, comme ce que l’on a vu au Royaume-Uni et au Portugal, permettent de gérer l’épidémie, même quand le variant est dominant.

L’autre possibilité, malheureusement plus probable pour l’instant, c’est qu’avec les mesures actuelles, le coronavirus “classique” soit en baisse... mais que le variant soit en hausse. C’est exactement ce qui se passe au Danemark, comme le rapporteScience Magazine. Alors que le pays est confiné depuis Noël, le nombre de cas a énormément chuté... mais le nombre de cas de variants augmente.

Cela veut dire qu’avec le confinement danois, le R du coronavirus classique est inférieur à 1, mais que le R du variant est supérieur à 1. Mais comme pour le moment, le variant est encore minoritaire, le nombre de cas global baisse.  Aujourd’hui, le R est encore inférieur à 1 au Danemark. Mais il augmente depuis la mi-janvier. Alors que les mesures n’ont pas changé. 

L'évolution du R au Danemark

Actuellement, le variant anglais représente un peu moins de 50% des cas de coronavirus au Danemark. Chaque semaine, la part de cette nouvelle souche augmente de 50%, comme en France.

En clair, la situation danoise est assez similaire à ce qui se passe en France, à quelques détails près. Nous avons deux semaines de retard concernant la prépondérance du variant, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

Par contre, le taux de reproduction général du virus en France est loin d’être aussi faible qu’au Danemark, où il a atteint un plus bas de 0.6 à la mi-janvier. Dans l’Hexagone, il était supérieur à 1 jusqu’à récemment et vient tout récemment de descendre juste en dessous.

Si le R est supérieur à 0.8, l'épidémie de coronavirus, après avoir régressé, augmentera à nouveau une fois le variant anglais suffisamment dominant dans le territoire, alertent les autorités de santé danoises.

Le 5 janvier, le Statum Serum Institut, l’équivalent danois de Santé publique France, expliquait, pour justifier le maintien du confinement, qu’il fallait réduire le R à 0.7 pour espérer ne pas voir l’épidémie augmenter au fur et à mesure de la progression du variant. Dans les autres scénarios, les cas de coronavirus augmentent à nouveau au bout d’un certain temps.

Reste maintenant à voir si les modèles ont vu juste. Ces derniers jours aux Pays-Bas, où la part de variant est importante (elle serait de 60% selon une récente estimation), les cas de coronavirus sont repartis à la hausse après plusieurs semaines de baisse. Les prochains jours et semaines aux Pays-Bas, au Danemark et en France seront décisifs.

À voir également sur Le HuffPost: comprendre les mutations du coronavirus en 2 minutes

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