COUPLE - Un parcours semé d’embûches. L’arrivée des variants du Covid-19 n’aide pas les couples binationaux. Depuis le mois d’août 2020, le ministère des Affaires étrangères avait mis en place un système de laissez-passer, leur permettant de se retrouver. Selon des informations de Franceinfo, 2570 documents de ce type ont pu être délivrés.
Avec les nouvelles restrictions, la France a mis en suspens le processus. Résultat, les couples binationaux sont une nouvelle fois dans l’impasse. Parmi les motifs impérieux pour autoriser les déplacements hors des frontières françaises et pour y revenir, être marié ou pacsé n’y figure pas.
Pourtant, des pays comme la Belgique ont su trouver une solution pour satisfaire les demandes. Les motifs impérieux sont remplacés par “essentiels” et le regroupement familial en fait partie.
La sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam a demandé à Gérald Darmanin d’envisager un assouplissement des règles. “La liste des motifs impérieux doit impérativement être élargie pour inclure la possibilité de visite ou de retour d’un conjoint ou partenaire ou enfant auprès du parent français”, peut-on lire dans la question qu’elle lui a adressée.
#fermeturedesfrontières#familles binationales. Ma question écrite à @GDarmanin Les #motifsimpérieux doivent nécessairement être revus afin d’inclure, comme partout en Europe, la possibilité de retrouver son conjoint ou son enfant. Un peu de bienveillance SVP🙏 #LoveIsNotTourismpic.twitter.com/flIxlR3HaD
— Joëlle Garriaud-Maylam (@senateurJGM) February 9, 2021
Cette situation est d’autant plus difficile pour les couples binationaux qui avaient trouvé en ce laissez-passer une solution pour enfin passer du temps ensemble.
Une situation vécue comme une injustice
Le sentiment d’injustice est largement présent dans le mouvement “Love is not tourism”. Pourquoi certaines célébrités comme Kylie Jenner ont-elles pu venir sans embûches jusqu’à Paris? Pourquoi ne pas considérer une relation avec son conjoint étranger comme un motif impérieux?
Toutes ces questions, Léa en couple avec un Canadien depuis juin 2019, se les pose. Ça fait plus de cent jours qu’ils ne se sont pas vus. “Tout ce qu’on peut ressentir, c’est de l’injustice, de l’impuissance, et de l’incertitude. Comme si cette période n’était pas assez difficile. Impossible de se projeter, de prévoir quoi que ce soit, d’avoir une date à laquelle se raccrocher. Mais on fait aller. On patiente. On n’a pas le choix”, explique-t-elle au HuffPost LIFE.
C’est aussi le sentiment partagé par Charlotte, en couple depuis dix ans avec un Franco-turc. “Il est extrêmement difficile d’accepter et de respecter de telles limitations dans notre liberté de se déplacer sans savoir jusqu’à quand elles seront appliquées: un mois? Deux mois? Six mois? Un an? Je ressens ces nouvelles mesures comme une punition et n’en comprends pas leur légitimité. En effet, se soumettre à un test PCR négatif, tel qu’il était imposé ces derniers mois, me semblait être une solution judicieuse pour assurer une sécurité sanitaire. Nous savions que tous les passagers dans l’avion étaient négatifs et qu’ils ne représentaient aucun danger pour aller sur un autre territoire national. Pourquoi alors fermer totalement les frontières avec les pays hors Union européenne?”, partage-t-elle.
Aujourd’hui, cette situation pèse sur leur santé. Charlotte confie avoir du mal à se concentrer sur sa thèse. Pour la première fois, elle envisage de consulter un psychologue pour l’épauler dans cette période compliquée.
Loin des yeux, encore plus près du cœur
Malgré tout, les deux jeunes femmes ne semblent pas désespérer. Certains couples préfèrent se concentrer sur le côté positif de leur relation. Ces longs mois de séparation les rassurent, leur couple tient et il en sort chaque jour plus fort, même si parfois la rupture n’est pas loin. Flore et son compagnon américain, avec qui elle est depuis deux ans et demi, ont déjà pensé à se séparer. “Cela nous mène à traverser des montagnes russes émotionnelles régulièrement. Nous avons également failli rompre il y a six mois de cela, non pas par manque de sentiments, mais au contraire à cause de l’insoutenabilité de ne jamais pouvoir être auprès de la personne que l’on aime, et ce pour une durée indéterminée et totalement hors de notre contrôle. Cela génère de grandes frustrations qui ont bien failli nous coûter notre couple et ma santé mentale”, détaille la jeune femme.
Avec le temps, les amoureux deviennent plus forts et s’épaulent quotidiennement avant les jours meilleurs. “Après ces phases de doutes, nous sommes à présent dans un renforcement de notre relation”, poursuit-elle. ”À force de se serrer les coudes, cela nous a rapprochés et nous sommes devenus une ‘équipe’ pour y faire face à deux. Il faut toujours que l’un des deux reste fort et puisse porter le couple lorsque l’autre perd un peu espoir, et cela alterne selon les moments de faiblesse réciproques. Tant que les deux ne baissent pas les bras en même temps, je pense que nous pourrons tenir.”
Pour se retrouver, les couples ont pris l’habitude d’utiliser les moyens de communication comme FaceTime ou encore Skype pour se voir. Ces longs moments d’échange, même à distance, aident à renforcer le lien qui les unit.
“La pandémie et le fait de ne pas se voir à renforcer notre amour et notre détermination à vivre ensemble”, rapporte Nicolas, en couple avec une Péruvienne depuis fin 2017.
“On essaye de faire des ‘petites soirées’ à distance, chacun se fait son petit repas avec sa bouteille de vin, ou on regarde des films ensemble. Je viens d’acheter un appartement, comme je le rénove, on s’appelle pour décider ensemble de la peinture ou les meubles de cuisine que l’on veut. Pour son anniversaire ou les fêtes, je lui envoie des petits cadeaux chez elle sur des sites de magasins qui se trouvent à Lima. On essaye de passer le temps comme ça en faisant le maximum de choses de la vie quotidienne ensemble malgré la distance”, raconte le Français.
Se fixer un objectif pour mieux combler le manque
Mais les discussions se compliquent lorsqu’il faut aborder une date de retrouvailles. Dans la plupart des cas, les couples ne se projettent pas. Pour Matis, Français, et Irani, Mexicaine, en couple depuis septembre 2018, avoir un but leur permet de tenir. “Il est impératif de faire des projets, et nous voulons nous réunir en France pour l’été de cette année”, confie Irani.
Ces projections renforcent leur envie de se revoir, mais amplifient les inégalités qui peuvent exister au sein d’un couple. Vivre en France n’est pas la même chose que vivre au Mexique, surtout quand sa conjointe est infirmière en réanimation.
“L’incertitude qui entoure chaque projet de retrouvailles tend à rendre encore plus aiguës les questions relatives aux asymétries (de revenus, de vulnérabilité à des politiques migratoires) que nous nous efforçons de dépasser, tout du moins de prendre en compte pour mieux les vivre. En un sens, ce renforcement constant des contraintes nous force à communiquer, à partager nos doutes et nos angoisses, et à ne pas foncer tête baissée, ce qui est plutôt sain, je pense. Il nous pousse également à nous organiser davantage, à anticiper les revirements de situation, à baliser tant que nous pouvons. L’existence d’une démarche administrative de laissez-passer, quant à elle, tend à nous faire regarder notre relation d’une manière plus formelle”, rajoute Matis.
De nombreux couples n’arrivent pas à tenir la distance. Devant la difficulté à rester optimistes, ils se séparent.
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