En tant 'que prof de hors contrat', je ressens une inégalité profonde envers mes élèves de terminale - BLOG

Je pense qu’il est important de souligner que, comme ce sont seulement les élèves des établissements hors contrat qui passeront les épreuves, la stigmatisation peut être rapide. Il y a un manque d’anonymat inadmissible. Il y a une inégalité de traitement contraire aux valeurs de la République.

ENSEIGNEMENT — Je suis professeure principale en Design et Arts Appliqués pour l’école Suger, qui est un établissement privé sous contrat, et hors contrat pour certaines sections (dont la mienne), à la suite d’une ouverture récente.

J’aimerais témoigner en réaction à la décision du ministère de l’Éducation nationale d’annuler la majorité des épreuves du Baccalauréat pour les élèves d’établissements sous contrat (qui n’en passeront que deux), mais d’avoir conservé ces mêmes épreuves pour les lycéens des établissements hors contrat (qui en passeront huit).

J’aimerais faire entendre ma voix de professeure “hors contrat”, et exposer mes sentiments.

 

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Un sentiment d’inégalité profonde

Tout d’abord, je ressens pour mes élèves un sentiment d’inégalité profonde pour plusieurs raisons:

  • le confinement de 2020 était rude pour tous les élèves, hors contrat ou sous contrat;
  • Les difficultés liées à la crise sanitaire sont également les mêmes pour tout le monde.

Malgré une situation semblable, les décisions sont différentes.

Les élèves du sous-contrat ne passeront que deux épreuves sur huit et vont donc pouvoir obtenir leur Baccalauréat avec leurs notes de contrôle continu. Ils n’ont donc que peu de choses à réviser, alors que les élèves du hors contrat devront tout revoir, dont certaines choses du programme de première. Les révisions vont être plus qu’intenses, car le programme de terminale est bien trop riche pour être révisé en plus de celui de première.

D’ailleurs, lors de la réforme, Mr Blanquer avait bien prévu un échelonnement de ces épreuves de mars à juin, ce qui ne peut être le cas, puisqu’elles sont reportées en juin à présent.

Je pense qu’il est important de souligner que, comme ce sont seulement les élèves des établissements hors contrat qui passeront les épreuves, la stigmatisation peut être rapide. Il y a un manque d’anonymat inadmissible.

Il y a une inégalité de traitement contraire aux valeurs de la République.

Un profond mépris pour ma position professionnelle

Il faut de plus savoir que les établissements hors contrat accueillent des élèves dont la situation personnelle les empêche d’être intégrés au système classique. 

Ces élèves arrivent dans nos écoles avec des problématiques différentes, qui vont du trouble de la concentration, à la maladie longue et lourde en passant par des suites de harcèlement scolaire, des phobies scolaires ou juste le besoin d’un apprentissage dans un milieu différent. Parfois, ces situations naissent d’ailleurs dans les établissements auxquels Mr Blanquer fait totalement confiance.

Ces élèves ne peuvent en aucun cas suivre les programmes dans une classe de 30 personnes. Aucun professeur ne peut, par manque de temps, mobiliser les compétences éducatives et pédagogiques nécessaires à la mise en œuvre de situations adaptées. Enfin je soulignerai que la plupart de mes collègues enseignent dans le même établissement, à la fois avec des classes sous contrat de l’état et hors contrat, c’est le cas du professeur de français, de maths, de physique…

De plus, ces deux épreuves de spécialité repoussées au mois de juin n’ont jamais été notées au Bac, puisque cette année nous expérimentons la nouvelle formule de cet examen national.

Le profond mépris du ministère de l’Éducation pour ma position professionnelle est très décourageant. En tant “que prof de hors contrat”, la République pense que je ne suis pas capable de juger, de noter, et met en doute le fait que j’ai une posture et une éthique commune avec elle. 

J’espère réellement que le ministère de l’Éducation va changer d’avis et choisir de nous respecter. J’espère aussi que les gens de l’extérieur vont nous entendre et nous défendre. Nos élèves et nous-mêmes ne méritons pas tant d’injustice. 

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