Il y a un an, mon mari a eu le Covid et nous avons vécu 11 jours d'angoisse - BLOG

Sébastien (<i>mon conjoint, NDLR</i>) est malade depuis 9 jours. Il coche toutes les cases des symptômes. Je ne sais plus quoi faire pour l’aider, le soulager. La peur s’est infiltrée et prend désormais toute la place chez moi. A l’aide!

COVID - Nous sommes fin mars 2020. J’avais déjà eu le sentiment de perdition quand je pensais que tout allait très mal… Cette sensation où mon ventre rentre à l’intérieur de lui-même, qu’il est comme dévoré dedans, que l’air manque un peu plus alors que toutes les vannes sont grandes ouvertes! Cette sensation d’engloutissement, de débordement, qu’une lame de fond se prépare… on la sent, on ne la voit pas encore, mais les vibrations s’intensifient.

Comment vais-je faire? On ne se prépare jamais vraiment face à quelque chose qu’on ne connaît pas. Le coronavirus. Depuis une semaine, on se croirait propulsé dans un film catastrophe: ville déserte, centres commerciaux dévalisés, population confinée, infos en boucle. Virologues, infectiologues et épidémiologistes sont les nouvelles voix que l’on écoute pour savoir, apprendre, comprendre, avaler cette actualité jalonnée de nouveaux mots qui nous concernent tous désormais: épidémie, symptômes, contagion, réanimation, coma, mort, guerre… L’asphyxie s’intensifie.

La vague est là, prête à déferler

Sébastien (mon conjoint, NDLR) est malade depuis 9 jours. Il coche toutes les cases des symptômes. Je ne sais plus quoi faire pour l’aider, le soulager. La peur s’est infiltrée et prend désormais toute la place chez moi. À l’aide! Qu’est-ce qu’on peut faire en plus des 4 dolipranes par jour? 51 ans, en bonne santé, sportif, pas de comorbidité, il s’affaiblit de jour en jour. Normalement, c’est lui le pilier et moi le roseau. 30 ans que cela dure. Les rôles s’inversent… enfin, bonjour l’état du pilier… percuté de plein fouet, il s’effrite… mais tient le choc! Pas le choix! Nous en avons traversé des tempêtes, mais là, nous ne sommes plus vraiment à la barre, malgré tous nos efforts pour garder le cap.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

J’ai appelé le 15… à la fois soulagée et terrorisée, car je sais que s’il part, je n’aurai plus de nouvelles pour le meilleur ou pour le pire. J’ai vu à la télé ces reportages où les familles sont effondrées, séparées de l’être cher sans aucune nouvelle. Et l’idée que Sébastien puisse vivre cette séparation seul achève de m’affoler… Finalement, après avoir écouté sa respiration au téléphone, le Samu estime que le départ n’est pas nécessaire. Je respire et en même temps, je reste très dubitative quant au diagnostic: j’ai mon mari en face de moi qui a déjà perdu 7kgs en 9 jours, l’ombre de lui-même, et après l’avoir écouté parler sur deux phrases au téléphone pour évaluer sa reprise de souffle, pas d’hospitalisation… deux visions… vraiment!

Ce qui compte là tout de suite maintenant, c’est qu’il n’y a pas de départ, pas de voyage, pas d’éloignement, pas de séparation, pas de rupture… ouf! Et soudain, j’ai une révélation: mais heureusement que je ne suis pas malade et dans le même état que lui!!!! Comment ferions-nous? Qui s’occuperait de nous? Notre fils de 16 ans? Les parents de mon mari qui sont vulnérables face au virus???? D’ailleurs, nous sommes chacun dans une partie de la maison et la peau de mes mains ressemble à celle du poulet grillé tellement je les lave et hydroalcoolise toutes les demi-heures. Précaution ou parano? J’hésite!

Vivre au rythme des symptômes et de l’angoisse

Pas une journée ne ressemble à la précédente. Il n’y a plus de rythme, plus de repère avec le confinement et la maladie. Dès que je me réveille, tout ce que j’ai mis de côté pendant la nuit m’assaille en une seconde et revoilà la boule au ventre et la nausée… Pas du tout envie de rester au lit alors que j’ai tout le temps! Ce que je veux, c’est m’assurer que je n’ai pas de symptômes, connaître la température de Sébastien, notre nouvelle coloc! Hyper envahissante! Nous vivons désormais au rythme de la courbe de température: je note, je compare, j’analyse. Attention, au 3e bip du thermomètre, la température de 14 h sera de? C’est comme ça toutes les 4 heures.

Et comme ce n’est pas assez stressant, il y a d’autres petites surprises: de la toux (elle lui prend le peu d’énergie qu’il lui reste et le laisse sans air), de l’essoufflement (plus de 3 min pour passer de la position couchée à assise et plus de 5 min à s’en remettre. Aller aux toilettes, c’est pire que faire un marathon quand tu ne sais pas courir!), de la douleur articulaire et musculaire (dos, ventre, jambes, tête, nuque, des courbatures que mes pauvres massages peinent à soulager), des maux tête (à se la taper contre les murs), des diarrhées (le doliprane ne favorise pas la constipation apparemment). Je le force à manger et à boire, car l’épuisement à raison de tout… et cerise sur le package, le goût et l’odorat sont altérés; mes pâtes sentent le pneu et le Coca a un goût de gasoil!!!

Le cocktail de symptômes varie tous les jours et les effets aussi! Comme ça, nous ne pouvons tirer aucune conclusion et savoir si l’état s’améliore ou se dégrade… Comme Sébastien est très essoufflé, j’ai voulu rappeler le Samu, mais il n’a pas voulu. C’est où le curseur “C’est grave”? Ah, c’est moins pire?? Voilà où nous en sommes à J+10 alors que la vague arrive. Paumés, flippés.

Au 11e jour

L’espoir est dans le thermomètre. C’est mon mantra du jour! 39° a fichu le camp et 38° semble sur le départ. Mais tout le monde n’a pas fait ses valises: fatigue, toux, maux de tête, toute la clique continue le squat! Épuisement total. Et soudain, alléluia! 37° est de retour et pour de bon! comme ça, sans prévenir, retour à la normale comme si de rien n’était… La fièvre quitte son lieu de prédilection, mais le laisse dans un sale état. Mais bon, comme il n’y a pas d’état des lieux, pas de réclamation possible!

Alors oui, le stress disparaît, mais nous ne crions pas encore victoire. Sébastien a perdu 8 kilos, son organisme est carencé, épuisé, douloureux. Maintenant, il faut récupérer et se protéger pour ne pas attraper une maladie étant donné que l’organisme est à plat. Au programme, c’est objectif santé, bonne santé: arriver à manger, s’hydrater, se lever, marcher, dormir. 8 jours après, Sébastien a repris le sport avec son coach en visio à deux à l’heure, mais cela a certainement contribué à accélérer sa remise en forme en douceur pour éliminer toutes les toxines accumulées pendant ces 11 jours de lutte contre lui-même…

Nous sommes fin mars 2021. 3e vague en vue! Il y a encore des Sébastiens aux quatre coins de la France. Avoir eu le Covi-19 il y a un an nous exonère d’un nouveau stress face à l’épidémie toujours présente. Pourtant, nous restons très vigilants malgré tout avec masque et gel à portée de main. Aujourd’hui, Sébastien va bien. Il a récupéré la forme et les formes, est vacciné depuis peu, a repris le sport et une vie “comme avant”. Enfin… à deux détails près: il a toujours des crises inflammatoires de temps à autre avec des douleurs éphémères dans le dos, le ventre et les jambes. Et de légères pertes de mémoire alors que rien ne lui échappait auparavant. Comparé à d’autres, il s’en sort bien. Alors à ceux qui doutent ou qui réfutent l’existence ou la gravité du Covi-19, je vous souhaite de ne pas devenir un Sébastien. Nous en connaissons tous un aujourd’hui et cela devrait suffire à nous sensibiliser aux risques de la maladie, donner l’envie de nous protéger et protéger les autres. Personne n’aurait parié sur une 3e vague un an après le début de la pandémie. Mon nouveau mantra: rester humble et solidaire face au virus.

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