La fermeture des théâtres n'empêche pas cette compagnie de se produire

Mounira Barbouch et Louise Legendre dans la pièce

THÉÂTRE - Le théâtre, une activité essentielle? Pour Ahmed Madani, directeur artistique de la Madani Compagnie, cela ne fait pas de doute. Alors malgré la fermeture des théâtres – qui n’ont pas rouvert leurs portes depuis le 30 octobre dernier – le metteur en scène a tout mis en œuvre pour continuer de se produire devant un public un peu différent qu’à l’habitude.

Rosny-sous-Bois, Nancy, Montceau-les-Mines... Depuis le mois de novembre, les 3 acteurs de la pièce “J’ai rencontré Dieu sur Facebook” parcourent la France pour jouer ce spectacle créé en 2018 qui évoque le destin d’une jeune fille recrutée par un djihadiste. D’ici le mois de mai, en tout 60 représentations auront lieu dans des collèges et lycées qui, eux, continuent d’accueillir des élèves, recense la compagnie contactée par Le HuffPost. Pour ce faire, le décor, les lumières, les costumes et la musique sont passés à la trappe, et le spectacle réadapté à un public plus jeune que celui des salles de théâtres traditionnelles.

Amener le théâtre dans les écoles

“Hormis le texte qui est écrit et les intentions de jeu qui sont posées, les déplacements et les actions sont à réinventer à chaque fois puisque l’aire de jeu varie de salle en salle”, raconte Ahmed Madani dans une note d’intention. “Comment dans ce contexte, le théâtre peut-il naître dans un dépouillement d’effet technique, sans lumière, sans son, sans aucun effet de mise en scène? Voilà pour notre équipe un enjeu passionnant.”

Pour rendre cette tournée nationale possible, la Madani Compagnie a pu compter sur la quasi totalité des théâtres où elle devait se produire pour trouver des collèges et lycées partenaires. “Tous se sont démenés pour maintenir ces représentations avec une envie commune de maintenir une activité artistique pour la jeunesse”, assure la compagnie francilienne.

D’autant qu’une fois la pièce terminée, s’ouvrent des discussions entre les acteurs, les élèves et leurs enseignants autour des thématiques de la religion, des rapports parents-enfants, de la manipulation sur les réseaux sociaux ou de l’embrigadement de jeunes gens dans des mouvances religieuses qui
prônent le terrorisme, toutes évoquées dans “J’ai rencontré Dieu sur Facebook”.

Outre ce spectacle, la Madani Compagnie a également vu les demandes de représentations grossir pour sa pièce “Au non du père”, qui se joue uniquement en établissements scolaires. Les 60 dates initialement prévues sur la saison vont finalement atteindre le nombre de 108, à la demande d’enseignants soucieux de maintenir un lien avec la culture pour leurs élèves en cette période de crise.

Dans la même lignée, de nombreuses troupes de théâtre, de danse ou de cirque ont repensé leur façon de travailler et de se produire. À Cergy, la compagnie Théâtre en stock joue derrière une grande plaque de Plexiglas transportable dans les écoles, les bibliothèques ou les Ehpad, raconte Le Parisien. “Les élèves ne viennent plus au théâtre, alors c’est le théâtre qui va à eux”, résumait au MondeSylvestre Gozlan, responsable éducation artistique et culturelle à La Villette, dont certaines pièces sont aussi “déplacées” en milieu scolaire. Tandis que dans le sud de la France, la Compagnie de l’Éclair se produit devant les détenus de la prison de Draguignan.  

Si Emmanuel Macron parlait à l’été dernier “d’enfourcher le tigre” pour que le monde de la culture continue de vivre et incitait les artistes à “donner un peu de leur temps” pour intervenir dans les écoles, il semble avoir été entendu. 

“La crise sanitaire nous amène à réinterroger les formes du théâtre, les lieux de sa pratique, les manières de rencontrer le public”, développe Ahmed Madani. “Si rendre le théâtre accessible au plus grand nombre reste une utopie, tant le contexte social et culturel d’aujourd’hui est éloigné de celui du projet de théâtre populaire initié par Jean Vilar, il n’en reste pas moins qu’interroger la manière dont nous exerçons notre art est une façon de réfléchir profondément à la notion ‘d’activité essentielle’ qui est au cœur du débat sur la fermeture des théâtres.”

Avignon, la lumière au bout du tunnel

Car si ce spectacle à la croisée du théâtre et de la médiation est “une bouffée d’air frais” pour l’équipe artistique menée par Ahmed Madani, reste que la situation du spectacle vivant est plus que préoccupante. La troupe a vu tomber à l’eau les 60 dates d’une nouvelle création intitulée “Incandescences” dont la première, prévue à l’automne dernier, n’a jamais pu avoir lieu.

Le monde de la culture est à l’arrêt depuis le 30 octobre dernier, quand le deuxième confinement a entraîné la fermeture de tous les lieux de spectacles – déjà largement éprouvés par une année 2020 compliquée. Depuis si les répétitions de théâtre, de danse ou de stand-up sont autorisées (de la même façon que les tournages des films), les quelque 1,3 million d’emplois que rassemble le secteur de la culture avancent sans horizon.

Alors qu’une réouverture des musées et monuments en priorité avait un temps été évoquée, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot - hospitalisée depuis ce mercredi 24 mars après avoir été testée positive au Covid-19 - avait finalement déclaré le 12 mars militer “pour une ouverture globale” de tous les lieux de culture à la même date, mais sans indiquer de calendrier pour l’heure.

Petite lumière au bout du tunnel pour le théâtre, le festival d’Avignon s’est dit “raisonnablement optimiste” à l’idée de proposer une 75e édition “exceptionnelle” du 5 au 25 juillet. Son directeur artistique Olivier Py a assuré lors d’une conférence de presse cette semaine qu’il travaillait sur trois scénarios, avec différentes jauges et des espaces fermés comme de plein air pour que ce rendez-vous estival se tienne coûte que coûte.

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