Cette remarque sur le physique d'Hoshi est l'illustration même du sexisme

Hoshi, ici au mois d'avril 2018.

SEXISME - “Elle est effrayante.” Ce commentaire désobligeant, il a été prononcé par le chroniqueur de musique Fabien Lecoeuvre à l’antenne de la webradio indépendante Arts-Mada, ce mardi 6 avril, pour qualifier la chanteuse Hoshi.

“Quand est-ce qu’on va nous sortir des filles sublimes? Quand vous regardez Hoshi, par exemple, qui a un talent incroyable, indiscutable, vous mettez un poster de Hoshi dans votre chambre vous? [...] J’ai rien contre cette fille qui est géniale. [...] Mais qu’elle donne ses chansons à des filles sublimes, comme des Vanessa Paradis, Vartan, Françoise Hardy”, a-t-il demandé.

Sur le plateau, personne n’intervient. Personne ne le coupe, comme vous pouvez le voir dans la séquence ci-dessous partagée par l’interprète de “Ta Marinière” sur Twitter. “On lui offre un poster ou un miroir”, écrit cette dernière, non sans colère.

Depuis la publication du tweet, plus de 15.000 personnes ont aimé sa réponse. Des centaines d’internautes lui ont exprimé son soutien. Parmi eux, des célébrités. C’est le cas de la chanteuse canadienne Coeur de Pirate qui se dit “fou raide que personne aie rien dit en onde” que l’on pourrait traduire par “c’est dingue que personne n’ai rien dit à l’antenne”. 

Sur Instagram, même son de cloche. “Amour sur toi”, écrit en story Camélia Jordana à l’égard de la jeune femme. “Fabien Lecoeuvre, honte à vous. Vous êtes à vomir. C’est vous le monstre, le laid, l’erreur. C’est les pin up qu’on accroche aux murs pour faire joli, pas les artistes”, lance Clara Luciani à son tour.

“Moi j’veux bien un poster de toi”, ajoute Amel Bent.

Devant l’avalanche de commentaires, l’ancien acolyte de Patrick Sébastien n’a pas tardé à s’exprimer. Dans un message public adressé à Hoshi sur Twitter, il dit présenter “mille excuses pour ces propos maladroits sortis de leur contexte et qui ont pu [la] blesser”.

Mais voilà, il n’en démord pas. Selon, lui, il “relatait simplement une différence d’époque où les maisons de disques et les publics faisaient beaucoup plus attention aux physiques des artistes qu’aujourd’hui”. Il ponctue son tweet de deux émojis: deux mains en forme de prière et un coeur.

Hoshi n’en revient pas. “Mais c’est une blague en fait? Vous êtes encore en train de parler de mon physique, dénonce-t-elle sur le réseau social. Hallucinant. C’est à cause de gens comme vous que des jeunes abandonnent leur rêve, pas à cause des maisons de disque.”

Depuis, pas un mot. La situation, elle, est révélatrice des commentaires sexistes sur le physique dont sont victimes les femmes au quotidien. Elle n’est pas sans rappeler un sondage de l’Ifop, qui avait choqué de nombreux élus en septembre dernier. Dans la foulée de la journée de la jupe, il interrogeait les Français sur le port, par les filles et uniquement par les filles de certains vêtements à l’école. Cela donnait à penser, selon les détracteurs de l’institut de sondages que les femmes sont tenues pour responsables, à travers leurs vêtements, du regard que portent sur elles les hommes.

“L’intime est politique”

Ces injonctions ne datent pas d’hier. Dans une interview publiée sur le site de Libération en 2011, Rokhaya Diallo en faisait déjà le constant, expliquant que “peu de femmes de plus de 45 ans présentent des émissions ou alors elles sont souvent attaquées sur leur physique”. “Il y a toujours cette injonction d’être belle, mince. Sinon, c’est difficile d’exister. On a reproché à Martine Aubry de ne pas correspondre à l’image d’une féminité ouverte, englobante, quand on a encensé Royal qui était, elle, ‘bien lookée’. Il n’y a pas d’équivalent pour les hommes”, constatait-elle, dix ans en arrière.

La journaliste ajoutait: “Dans le travail, je trouve les rapports plus sexués qu’ailleurs, par exemple dans les pays anglo-saxons où l’indifférenciation est plus marquée. Pour moi, le sexisme n’est pas un truc d’Arabes de banlieues, comme certains ou certaines ont voulu le faire croire. Il ne faut pas se servir du féminisme pour justifier cela. Le reste de la société n’est pas composée de gens très civilisés qui seraient eux exempts de tout sexisme.”

Lors du premier confinement, la doctorante et spécialiste de la représentation du corps féminin Sophie Barel a souligné un phénomène similaire dans les colonnes du magazine Cheek, concernant les pressions extérieures autour du physique des femmes. Citant Simone de Beauvoir, elle rappelle que “l’intime est politique”.

D’après la chercheuse, “la culture de l’injonction et de l’oppression aux corps féminins traverse largement le temps et l’espace, et les murs de nos maisons n’y sont pas moins perméables. Il faut rester belles, quoiqu’il arrive, comme si notre fonction première était d’être désirables.” Les propos de Fabien Lecoeuvre en sont l’énième preuve.

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