DIPLOMATIE - Quelle sera la riposte de l’UE à Minsk? Les dirigeants européens vont discuter ce lundi 24 mai au soir de nouvelles sanctions contre le Bélarus après l’interception d’un avion reliant Athènes à Vilnius et l’arrestation d’un militant d’opposition qui ont suscité une vague d’indignation.
Le sommet des Vingt-Sept prévu jusqu’à mardi 25 mai en présentiel à Bruxelles devait être consacré aux tensions avec la Russie, aux relations avec le Royaume-Uni post-Brexit, en passant par la reprise du tourisme en prévision des vacances d’été et la coordination face au Covid-19, ainsi qu’à la lutte contre le réchauffement climatique.
Mais le déroutement forcé du Boeing 737-800 de la compagnie Ryanair faisant la liaison entre deux pays membres de l’UE et de l’Otan, et qui transportait de nombreux ressortissants européens, s’est imposé au programme.
“L’incident ne restera pas sans conséquences”
“L’incident ne restera pas sans conséquences”, a averti le président du Conseil, Charles Michel, chef d’orchestre du sommet, appelant à une enquête de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), organisme rattaché à l’ONU.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a prôné des sanctions contre les responsables de ce comportement “scandaleux et illégal”. Le chef de la diplomatie Josep Borrell, dans une déclaration au nom des 27, a aussi évoqué des sanctions et réclamé une enquête internationale sur “la violation des règles” du transport aérien.
La France, comme la Lituanie, a suggéré une “interdiction de l’espace aérien” du Bélarus. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a parlé de “terrorisme d’Etat”, Dublin et Paris dénonçant un acte de “piraterie”. La Belgique a souhaité que la compagnie bélarusse Belavia ne soit plus autorisée à atterrir dans l’UE. L’Otan, qui veut une “enquête internationale”, doit réunir mardi ses ambassadeurs.
Les accusations européennes ont été rejetées comme “sans fondement” par le Bélarus, qui a assuré avoir agi dans la légalité en interceptant ce vol commercial après une alerte à la bombe finalement mensongère. Moscou, allié et seul soutien du président bélarusse Alexandre Loukachenko, a jugé “choquantes” les réactions des Européens, relevant que les Etats occidentaux se sont par le passé rendus coupables “d’enlèvements, d’atterrissages forcés et d’arrestations illégales”.
L’opposant bélarusse à bord, Roman Protassevitch, 26 ans, ancien rédacteur en chef de l’influent média d’opposition bélarusse Nexta, a été arrêté dimanche avec sa compagne à la suite de l’atterrissage d’urgence à Minsk. Selon la figure de l’opposition bélarusse en exil en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, il risque la “peine de mort”, que le Bélarus est le dernier en Europe à appliquer.
Unanimité requise pour de nouvelles sanctions
L’OACI a avancé que l’atterrissage forcé “pourrait être une violation de la Convention de Chicago”, qui protège la souveraineté de l’espace aérien des nations.
L’UE se préparait, avant même ces événements, à renforcer les mesures déjà prises contre le régime bélarusse. Josep Borrell avait indiqué le 10 mai espérer une décision sur un élargissement des mesures “dans les prochaines semaines”. Il devait se traduire par une extension à plusieurs dizaines de personnes de la liste des responsables et entités visés, selon des diplomates, alors que l’unanimité des 27 est requise pour de nouvelles restrictions.
Le responsable européen devrait proposer un nouveau “paquet de mesures, au delà de simples sanctions individuelles”, selon une source diplomatique qui évoque, entre autres possibilités, “l’interdiction d’atterrissage de Belavia (la compagnie biélorusses) dans les aéroports européens” ou “la suspension des transits y compris terrestres de la Biélorussie vers l’UE.”
Au total, quelque 88 personnes, dont Alexandre Loukachenko, et sept entités ont déjà été sanctionnées par une interdiction de voyager dans l’UE et un gel des avoirs pour la répression de l’opposition et la présidentielle du 9 août 2020, jugée “truquée” par les Européens.
Mais malgré ces mesures européennes et américaines visant le président bélarusse et de hauts responsables, Loukachenko n’a donné aucun signe de compromis face au mouvement de contestation, renforçant au contraire la répression.
Les Vingt-Sept vont également aborder la question du regain de tensions avec Moscou, après les sanctions russes prises fin avril contre des responsables européens en rétorsion à des mesures prises par Bruxelles en mars pour protester contre l’arrestation de l’opposant Alexeï Navalny.
Ces sanctions sont intervenues après une série d’expulsions réciproques de diplomates russes et européens, sur fond d’accusations d’espionnage, de cyber-attaques ou d’ingérences dans des élections. Les dirigeants européens doivent charger Josep Borrell de rédiger un rapport pour établir la stratégie européenne à adopter face à la Russie.
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