En Polynésie, Macron reconnaît "la dette" de la France sur les essais nucléaires mais...

Emmanuel Macron lors de son discours à Papeete en Polynésie Française, le mardi 27 juillet. (Photo by Ludovic MARIN / AFP)

POLITIQUE - Pour son dernier jour à Papeete, Emmanuel Macron a enfin abordé l’un des sujets de crispation entre Papeete et Paris: les essais nucléaires français effectués dans les années 1960 et à propos desquels le président de la République a reconnu que la France avait “une dette” à l’égard la Polynésie française. Une déclaration jugée insuffisante par certains élus qui réclamaient des excuses.

“J’assume et je veux la vérité et la transparence avec vous”, a affirmé le chef de l’État en s’adressant aux responsables polynésiens au dernier jour de sa première visite dans l’immense archipel. Reconnaissant que ce dossier sensible affectait “la confiance” entre Papeete et Paris, il a notamment annoncé que les victimes de ces essais, dont certains souffrent de cancer, devaient être mieux indemnisées.

“La nation a une dette à l’égard de la Polynésie française. Cette dette est le fait d’avoir abrité ces essais, en particulier ceux entre 1966 et 1974, dont on ne peut absolument pas dire qu’ils étaient propres”, a-t-il déclaré, applaudi par l’assistance.

“Ce que je veux briser aujourd’hui, c’est le silence”

Après avoir mené 17 essais nucléaires au Sahara, la France avait transféré en 1966 son champ de tir en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, où elle procéda en 30 ans à 193 nouveaux essais, d’abord atmosphériques, puis souterrains. Le dernier a eu lieu le 27 janvier 1996 après la décision du président Jacques Chirac de reprendre les tirs malgré le moratoire décidé trois ans plus tôt par son prédécesseur, François Mitterrand.

Les conséquences de ces essais nucléaires sur la population sont longtemps restées tabou, mais la parution d’une enquête pointant dans un livre l’impact sanitaire sous estimé a ravivé la colère locale. Avant et pendant la venue d’Emmanuel Macron, plusieurs manifestations ont été organisées par des associations et élus indépendantistes, qui réclamaient des excuses officielles du chef de l’État. Ce qu’ils n’ont pas obtenu, même si Emmanuel Macron a eu l’occasion de discuter brièvement avec les manifestants.

“Il y a un doute qui s’est installé avec la République, avec la France. Ce doute il est lié au nucléaire”, a reconnu Emmanuel Macron. Il a cependant écarté tout “mensonge” de l’État sur les risques que représentaient les essais, plaidant la méconnaissance sur ce point à l’époque. “Trop longtemps l’État a préféré garder le silence sur ce passé. Ce que je veux briser aujourd’hui, c’est le silence. Je veux que tout le monde sache ce qui était su alors et ce qui est su aujourd’hui”, a assuré le président.

Mais d’excuses véritables, aucune. Emmanuel Macron a déclaré “assumer pleinement” et défendu le choix fait par le général de Gaulle, puis poursuivi par ses successeurs, de doter la France de l’arme nucléaire, notamment pour protéger la Polynésie française. Mais, a-t-il ajouté, “je pense que c’est vrai qu’on n’aurait pas fait ces mêmes essais dans la Creuse ou en Bretagne. On l’a fait ici parce que c’était plus loin, parce que c’était perdu au milieu du Pacifique”.

Ces déclarations, très attendues sur place, n’ont pas été bien accueillies. “Il n’y a aucune avancée dans ce discours, que de la démagogie (...) Ce ne sont encore que des mensonges d’État qui continuent et ne vont pas permettre d’apaiser la souffrance ni une juste réparation”, a regretté le père Auguste Uebe-Carlson, président de l’association 193, une des principales sur les essais nucléaires, sur la chaîne Polynésie la 1ère.

Mais le président de la Polynésie, l’autonomiste Édouard Fritsch, s’est félicité qu’Emmanuel Macron veuille “enfin que la vérité soit mise sur la table” après “25 ans de silence”.

Améliorer les indemnisations

Sur la question sensible des indemnisations, Emmanuel Macron a annoncé une amélioration du traitement des dossiers alors que le nombre de personnes indemnisées pour avoir contracté des maladies radio-induites reste “particulièrement faible”, selon le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. 

Il a par ailleurs confirmé que les archives sur les essais “seront ouvertes”, à l’exception des données militaires les plus sensibles. Deux avancées qui étaient réclamées par les associations de lutte contre les essais nucléaires.

Ces annonces interviennent cinq ans après la reconnaissance, par le président François Hollande lors d’une visite en 2016, de “l’impact sur l’environnement et la santé” de 30 années d’essais. Il avait alors pris une série d’engagements, dont certains ne sont pas encore concrétisés comme l’ouverture d’un Centre de Mémoire des essais nucléaires.

Dans son discours entamé et conclu par quelques mots en polynésien, Emmanuel Macron a loué le “pacte unique intime sensible entre la République et la Polynésie française” malgré les “heures sombres et les morsures de l’Histoire”. “Il y a un en même temps” car “vous êtes à la fois profondément polynésiens et profondément patriotes”, a-t-il ajouté, en assurant qu’il défendrait leur volonté de “résister” pour “faire revivre et transmettre” leur culture.

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