Le livre que j'ai écrit vient d'être interdit. Je me bats désormais pour le proposer au plus grand nombre d’enfants possible - BLOG

L’autrice à la bibliothèque Piedmont Avenue Branch d’Oakland, en Californie, montre aux élèves de l'école primaire de Piedmont une photo du

LGBT - Le mois dernier, j’ai été sidérée de voir que mon livre One of a Kind, Like Me/Único como yo faisait la une du News Reporter du comté de Columbus, en Caroline du Nord, et que la commission scolaire local l’avait interdit sous prétexte qu’il n’était pas “adapté au jeune public”.

Ce livre sur un petit garçon qui se déguise en princesse, s’inspire d’une histoire vraie: celle de mon fils Danny, aujourd’hui adulte. Quand un étudiant a lu le livre aux écoles primaires du district, certains parents se sont dit “troublés et contrariés”. Ils se sont plaints sur les réseaux sociaux et ont fait part de leurs préoccupations aux responsables de l’école. Une mère a dit que sa fille était un peu perdue et avait demandé pourquoi Danny “voulait être une fille alors qu’il était un garçon”. L’école s’est excusée d’avoir “manqué son objectif” et déclaré que cela ne se reproduirait plus.

Mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai lu ce qu’un membre du conseil scolaire avait dit: “Les questions d’identité de genre ne sont absolument pas adaptées aux élèves de cet âge, et nous en sommes tous conscients. Nous sommes consternés et vous prions d’accepter nos excuses; vos enfants n’auraient pas dû être exposés à quelque chose qui n’est pas de leur âge.”

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Heureusement, je n’étais pas la seule mère à être scandalisée par cette déclaration. Les membres de Serendipitydodah/Home of the Mama Bears, un groupe Facebook privé de plus de 27.000 mamans d’enfants LGBTQ+, étaient également mécontents.

La fondatrice du groupe, Liz Dyer, a pris des mesures immédiates. Elle a publié une réponse cinglante, exprimant sa tristesse et sa déception face aux actions du district et soulignant à quel point elles mettent en danger la santé et la sécurité des enfants. De nombreuses autres mamans du groupe ont également répondu, me faisant savoir qu’elles me soutenaient. Je dois admettre que j’ai été intimidée par les parents du comté de Columbus, mais le soutien des Mama Bears m’a encouragée à écrire ma propre réponse.

Ce qui s’est passé dans le comté de Columbus n’est pas un cas isolé. Des restrictions binaires complètement dépassées sur le genre imprègnent toute notre société. Les établissements scolaires du pays, y compris les écoles primaires, sont souvent des environnements hostiles pour les jeunes LGBTQ+, en particulier les jeunes LGBTQ+ des minorités ethniques. Le message du comté de Columbus est identique à celui qu’envoient une myriade de législateurs qui menacent d’interdire le sport aux jeunes transgenres, de leur refuser des soins vitaux et même d’obliger les fonctionnaires à pousser les enfants à faire leur coming-out auprès de leurs parents.

Ce message dit clairement une chose: les enfants comme le mien ne sont pas les bienvenus. En interdisant mon livre, vous me dites qu’un enfant comme le mien n’a pas sa place dans vos écoles ou vos communautés. Ceci concerne le comté de Columbus… et tout le pays.

La couverture du livre de l’autrice, inspiré d’une histoire vraie: celle de son fils aujourd’hui adulte.

Quand j’ai vu des parents et des membres du conseil scolaire utiliser des termes comme “politique d’identité de genre” et “agenda gay” pour dénigrer le livre et l’élève qui l’a lu, ça m’a fait mal. Ces termes alimentent la peur de la différence et déshumanisent les personnes concernées. Le livre a été choisi et lu par un étudiant Latinx, qui a adoré le fait qu’il soit bilingue (espagnol et anglais).

Quand j’étais enfant, aucun livre n’existait pour m’aider à comprendre mon identité métisse. Quand je suis devenue mère, mon enfant, Danny, n’avait pas plus de livres auxquels se raccrocher. Danny a dû faire face à la solitude, à l’isolement et aux mauvais traitements infligés par les enfants et les adultes. Ce livre, inspiré d’une histoire vraie, est un acte d’amour. Mon “intention” est de rendre le monde meilleur pour les enfants comme le mien et leurs familles.

Après l’interdiction du livre, j’ai réfléchi avec Robert Liu-Trujillo, l’illustrateur du livre, à la meilleure manière de réagir. Robert est également parent et profondément préoccupé par le manque de diversité dans les livres pour enfants. Il s’efforce de combler cette lacune par l’illustration et l’écriture. Il a écrit: “J’ai grandi en pensant que la lecture n’était pas amusante et qu’elle ne s’adressait pas à moi, parce que je n’ai jamais vu un livre qui parlait d’un enfant dont la vie ressemblait à la mienne. Pas de livres sur les enfants métisses, pas de livres sur les parents divorcés, pas de livres sur les enfants dont les parents sont homosexuels, etc. Cela m’a profondément affecté et donné envie de me détourner de la lecture. Aucun enfant ne doit ressentir ça en 2021.”

Tous les enfants sont perdants lorsqu'on leur signifie qu’il faut craindre les différences plutôt que les accepter.

Les parents qui refusent les livres sur la diversité sont sans doute convaincus de le faire pour protéger leurs enfants, alors qu’ils créent un monde intolérant. En tant que parent, je n’ai pas soutenu mon enfant tel qu’il était tout de suite. J’avais peur et j’ai parfois souhaité qu’il change. J’ai dû revoir ma conception du genre, et j’apprends encore. J’aurais peut-être été un meilleur parent et Danny aurait pu avoir une enfance plus heureuse s’il y avait eu des livres sur les enfants comme lui.

Mon livre n’est pas le seul. Lorsque j’ai fait une recherche sur Google sur les livres interdits, je suis tombée sur le nom d’un autre auteur, Alex Gino. Son livre primé, George, qui raconte l’histoire d’une jeune fille transgenre, figure en tête des livres interdits depuis qu’il est sorti. J’ai contacté Alex, qui m’a répondu: ”Ça fait mal de penser que nos vies font peur au point que certains pensent devoir en protéger leurs enfants. Le résultat, c’est que les enfants transgenres et non-conformes au genre ne sont pas représentés, et que les enfants cisgenres pensent que nous ne comprenons pas leur monde.”

Les livres LGBTQ+ sont les plus susceptibles d’être interdits. Lorsque c’est le cas, la plus grande injustice commise l’est envers les enfants LGBTQ+. Certains sont effrayés parce qu’ils ne savent pas que d’autres enfants comme eux existent. Beaucoup ne sont pas acceptés par leurs familles; l’école est donc leur seul refuge. Tous les enfants sont perdants lorsqu’on leur signifie qu’il faut craindre les différences plutôt que les accepter.

Comme l’explique Robert Liu-Trujillo, “un enfant n’a pas besoin de savoir ou de comprendre tout ce qui se trouve sur la couverture d’un livre ou dans ses pages pour l’apprécier. Lorsqu’un enfant se reconnaît dans un livre, il peut avoir le sentiment d’être enfin compris. Et pour un enfant qui n’a jamais rencontré quelqu’un comme le personnage principal de One of a Kind, Like Me, c’est un moyen sûr d’apprendre et de comprendre qu’il y a des enfants comme Danny, et que ce n’est pas seulement toléré mais génial.”

L’enfant de l’autrice, Danny Moreno, en 1993. Danny aimait se déguiser en princesse et dessiner.

Certains adultes pensent qu’un livre sur un petit garçon qui se déguise en princesse est “inadapté”. Je ne suis pas d’accord. C’est de la discrimination, sous couvert d’inquiétude.

Le livre a été utilisé dans de nombreuses écoles primaires pour tous les niveaux. Lorsque j’ai parlé du livre avec des enfants, ils m’ont posé des questions et fait part de leurs opinions. Ce que j’ai vu, c’est de la curiosité, pas de la confusion. Les enfants en savent déjà beaucoup sur le genre et ont besoin de nous pour les aider à comprendre les stéréotypes, le harcèlement lié au genre, etc. Les enfants transgenres, non binaires et de genre non-conforme ont besoin de livres qui parlent d’eux et aident leurs camarades à les comprendre. Le fait est qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre l’amour et l’acceptation.

Le Dr. Julie-Ann Scott-Pollock dirige le programme UNCW Storyteller qui a fait connaître le livre aux écoles du comté de Columbus. L’objectif du programme est d’encourager la lecture et de montrer à quoi ressemble l’université. J’ai parlé avec elle de la façon dont les élèves utilisent la lecture à voix haute pour éveiller l’intérêt des enfants. UNCW Storyteller propose plusieurs livres montrant différents types de diversité. Les étudiants ont organisé huit lectures pour les écoles primaires des comtés de Hanovre et de Columbus, One of a Kind Like Me/Único como yo arrivant en tête des livres préférés de plusieurs écoles du comté de Hanovre. Jusqu’aux lectures dans le comté de Columbus, aucun parent ne s’était plaint.

Ce n’est pas la première ni, j’en suis sûre, la dernière fois que l’argument de l’âge est utilisé par des adultes pour priver les jeunes d’une éducation indispensable. Deux semaines après l’interdiction du livre, le conseil scolaire a supprimé le programme d’éducation sexuelle pour les élèves de troisième, craignant qu’il soit “inadapté”. Ils ont pris cette décision sans examiner les données d’une enquête montrant que la plupart des élèves ont grandement bénéficié du programme. Un membre du conseil sanitaire, dont la fille a suivi le cours, a qualifié la décision d’“injuste envers les élèves”. Je suis complètement d’accord.

L’autrice avec Telly Tse, directrice générale de l’Association des enseignants de Californie (CTA), et Ingie Williams, assistante administrative du service des droits humains de la CTA. L’Association a sélectionné le livre dans le cadre de ses recommandations de lecture pour l’année 2017-2018 et l’autrice a participé à l’une de ses conférences à Torrance, en Californie, en mars 2018.

L’interdiction de mon livre a ravivé ma détermination à le proposer au plus grand nombre d’enfants possible. Robert Liu-Trujillo et moi-même sommes prêts à partager notre histoire et nous nous engageons à promouvoir des organisations comme Youth OUTright, Campaign for Southern Equality, Equality North Carolina, Southerners on New Ground et Transgender Law Center. Ces organisations font un travail essentiel pour offrir des espaces sûrs et repousser les projets de loi qui attaquent les jeunes transgenres en Caroline du Nord et ailleurs. Ils ont besoin de notre soutien à tous.

Il existe des enfants transgenres, non binaires, queer et de genre non-conforme. Ils ont toujours fait partie de nos écoles, de nos communautés et de nos familles. Ils sont là et tenter de les rendre invisibles ou de légiférer sur leur existence n’y changera rien. Aujourd’hui plus que jamais, ils ont besoin et méritent des écoles qui les soutiennent.

Les gens veulent plus de livres sur la diversité, pas moins. Nous sommes non seulement confrontés à une pandémie mais aussi à une épidémie de haine et de violence qui menace de nombreuses communautés. Plutôt que de protéger nos enfants de la différence, nous, les adultes, devons faire preuve d’empathie et d’amour, et leur servir d’exemples. Les livres sur la diversité et l’inclusion peuvent nous y aider.

Remarque: l’autrice souhaite remercier Danny Moreno pour l’avoir encouragée et aidée à publier cet article.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Karine Degliame-O’Keeffe pour Fast ForWord.

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