Derrière "Un triomphe", l'histoire vraie d'un atelier de théâtre hors norme en prison

Un Triomphe retrace l'histoire de prisonniers qui vont tout faire pour se produire dans les plus prestigieux théâtre de France avec leur adaptation de la pièce

CINÉMA - Quand la culture s’invite dans le milieu carcéral, les résultats sont parfois étonnants. Le film Un Triomphe avec Kad Merad à l’affiche sort en salle ce mercredi 1er septembre. Pour raconter le lien entre cette fiction et l’histoire vraie qui avait fait l’objet d’un documentaire en 2005, le réalisateur Emmanuel Courcol et le comédien Jan Jönson, qui a inspiré l’intrigue, se sont confiés au HuffPost.

Le long-métrage raconte l’histoire d’un comédien qui veut redonner un sens à son parcours professionnel et personnel. Il va alors prendre la décision d’animer un atelier de théâtre dans une prison. Étienne, joué par Kad Merad, ne recule devant rien, ni les règles strictes que lui impose l’administration pénitentiaire ni les doutes exprimés par les détenus qui ne s’estiment pas assez cultivés pour jouer devant un public.

Il est déterminé à leur faire apprendre En attendant Godot de Samuel Beckett, une pièce qui symbolise l’attente et l’absurde, une métaphore de la vie quotidienne en prison selon lui. Le principal pour le comédien c’est de révéler le talent caché de ces prisonniers et de montrer aux spectateurs qu’eux aussi peuvent devenir acteurs.

L’intrigue du film est inspirée de l’histoire de Jan Jönson, un comédien qui avait œuvré à Kumla, une prison de haute sécurité en Suède dans les années 1980. Cependant, contrairement au film d’Emmanuel Courcol, l’occasion de rencontrer des détenus s’est présentée à lui un peu par hasard lors d’une représentation théâtrale.

“La différence avec ce film, c’est essentiellement la raison pour laquelle le personnage d’Étienne arrive en prison pour donner des cours de théâtre”, explique le suédois de 73 ans au HuffPost. “Pour ma part, j’étais en train de réciter un monologue devant un public, mais dès les premières répliques, un spectateur se mettait à me répondre, ce qui est assez inhabituel au théâtre. À la fin de la représentation, il est venu me parler pour me demander de venir jouer dans la prison où il travaillait en tant que directeur”.

“Beckett est mon héros”

Jan Jönson accepte et se retrouve à devoir faire une représentation en prison. Alors qu’il se produisait devant des dizaines de personnes, certains l’insultent et ne l’écoutent pas. Mais la fin de la pièce, plusieurs prisonniers viennent le voir en le remerciant. “Il y a cet homme qui m’avait fait un doigt d’honneur et qui est revenu vers moi à la fin de ma prestation en m’offrant une rose et en me remerciant”, déclare Jan Jönson en souriant.

“Plusieurs d’entre eux m’ont ensuite demandé de leur faire des cours de théâtre. J’ai dit que je ne savais pas si je pouvais leur donner des leçons, mais que j’allais leur lire une pièce de Samuel Beckett. L’un des détenus m’a alors répondu ‘Beckett est mon héros’”. Au bout de 3 mois, le comédien suédois a réussi à choisir 5 détenus pour ces ateliers qui ont duré une année. Malgré des réticences de la part de l’administration pénitentiaire, qui sont aussi mises en scènes dans le film, la troupe a pu partir en tournée et se produire sur les planches de plusieurs théâtres suédois.

Le réalisateur d’Un Triomphe, quant à lui, a voulu s’accorder quelques libertés dans son film. “C’était intéressant de partir d’une histoire vraie, car cela donne une caution au film. J’ai voulu garder le fil de l’histoire, avec une fin similaire. Toutefois, tous les personnages sont fictionnels, y compris le comédien interprété par Kad Merad”, explique Emmanuel Courcol au HuffPost. Sa volonté n’était pas de reproduire l’entièreté de l’histoire de Jan Jönson à la façon d’un “biopic”, mais bien de s’en inspirer pour remettre au goût du jour des pratiques qui ont encore lieu actuellement en France. En effet, six détenus d’une prison s’étaient produits sur la scène du Théâtre Paris-Villette en 2017, une première dans l’Hexagone.

Un tournage à la prison de Meaux

Un Triomphe a d’ailleurs été tourné dans la prison de Meaux, où des ateliers de théâtre ont été mis en place. Le lieu a permis aux acteurs de se rendre compte du quotidien du milieu carcéral lors du tournage, selon le réalisateur. Alors que Kad Merad n’était pas disponible pendant plusieurs mois, Emmanuel Courcol a dû attendre avant de commencer à tourner son film. Pendant ce temps, il rencontre la coordinatrice culturelle de la prison qui propose des cours de théâtre aux détenus. “Durant 8 mois, j’ai suivi un des ateliers et nous les avons filmés. Cela a beaucoup nourri le scénario de mon long-métrage”, explique-t-il. 

Avec une panoplie d’acteurs talentueux tels que Pierre Lottin, Sofian Khammes, David Ayala et Lamine Cissokho, Un Triomphe arrive à mettre en perspective les problèmes du milieu carcéral français et l’importance de la culture dans la réhabilitation des personnes. Le réalisateur affirme d’ailleurs que la Suède a “toujours eu un temps d’avance sur la France”, et qu’il n’était finalement pas si difficile d’adapter en 2021 une histoire datant des années 1980. Avec un Kad Merad flamboyant, que beaucoup avait apprécié dans la série Baron Noir, Emmanuel Courcol réussit à adapter une histoire suédoise tout en y reflétant les problèmes de la société française contemporaine.

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