Afghanistan: Le Drian n'exclut pas un dialogue avec les talibans s'ils sont plus "inclusifs"

Jean-Yves Le Drian lors d'une conférence de presse avec le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, le 25 juin 2021 

DIPLOMATIQUE - Alors que les talibans qui ont repris le pouvoir en Afghanistan s’affairent à constituer un nouveau gouvernement, la communauté internationale s’interroge sur les liens qu’elle est amenée à avoir avec les nouveaux dirigeants.

Interrogé ces derniers jours, notamment sur RTL, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian a jugé qu’il revenait désormais aux talibans de “faire la preuve” de leur nouvelle respectabilité. “Nous souhaitons simplement que ce nouveau pouvoir montre qu’il a changé par rapport aux talibans de la fin des années 90, c’est-à-dire qu’il rejette le terrorisme, qu’il n’accueille pas Al-Qaïda”, a-t-il dit,

Dans une autre interview, cette fois donnée à franceinfo, le ministre évoque l’impératif d’un gouvernement “inclusif”. “Il faut un gouvernement, vraiment inclusif et représentatif, qui montre que les talibans ont changé. La meilleure preuve de ce qu’ils annoncent serait de faire en sorte qu’il y ait un gouvernement de transition, qui montre que les talibans veulent respecter le droit, mettre fin aux violences et faire en sorte que les populations civiles se sentent en sécurité”, a-t-il détaillé.

Un usage du terme “inclusif” qui a suscité de nombreuses réactions dans la classe politique. Les députés LR, Ian Boucard et Pierre-Henri Dumont, tançant la “naïveté” du ministre, quand l’élue socialiste Valérie Rabault a estimé qu’il fallait que la communauté internationale se mette d’accord pour ne pas reconnaître le pouvoir taliban.

La sénatrice PS Laurence Rossignol y a vu elle de son côté une façon de faire de la “realpolitik”, “sur le dos des femmes”, notant que les déclarations de Jean-Yves Le Drian rappelaient celles du département d’État américain qui a appelé lundi les talibans à former “un gouvernement uni et inclusif”.

Olivier Faure, premier Secrétaire du PS,  ou l’ancienne secrétaire d’Etat, Jeannette Bougrad, lui ont emboité le pas. Quand Jordan Bardella, numéro du Rassemblement national a simplement commenté d’un “affligeant” la déclaration de Jean-Yves Le Drian.

Changer d’image

Depuis qu’ils ont lancé leur offensive en Afghanistan, les talibans s’efforcent d’atténuer leur image ultra conservatrice et notamment matière de droit des femmes. 

Deux jours après leur prise du pouvoir, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan ont tenu mardi à Kaboul leur première conférence de presse. “Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger”, a assuré un de leur porte-parole, Zabihullah Mujahid, devant la presse à Kaboul, assurant que les femmes seraient également autorisées à travailler “dans le respect des principes de l’islam”.

Il a affirmé que les talibans avaient appris de leur premier passage au pouvoir et qu’il y aurait de “nombreuses différences” dans leur manière de gouverner, même si en termes d’idéologie et de croyances, “il n’y a pas de différence”.

Sous leur précédent régime, les jeux, la musique, la photographie et la télévision étaient interdits. Les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public et les homosexuels tués.

Un autre porte-parole taliban, basé à Doha, Suhail Shaheen, a également affirmé à Sky News que le port de la burqa, un voile qui recouvre tout le corps et le visage, avec une grille en tissu au niveau des yeux, ne serait plus cette fois-ci obligatoire pour les femmes, ajoutant qu’il y avait “différents types” de voile.

 L’Élysée en attente

Dans ce contexte d’incertitude, “il est trop tôt pour fixer le niveau de représentation” de la France à l’avenir, a précisé de son côté l’Élysée, alors que de nombreux pays ont évacué leur personnel diplomatique après l’entrée des talibans dans la capitale afghane.

Lors de leur première période de contrôle du pays, entre 1996 et 2001, la France avait été représentée par un chargé d’affaires qui faisait la navette entre Islamabad et Kaboul.

L’Élysée a souligné que la question de la reconnaissance du régime taliban par Paris ne se posait pas car “la France reconnaît les pays, pas les régimes”. 

Alors que l’Allemagne a annoncé avoir suspendu son aide au développement à l’Afghanistan, la présidence a par ailleurs indiqué que les projets de développement étaient “de fait” stoppés en raison de la situation actuelle et de l’impossibilité de se déplacer dans le pays. Prenant la parole dans la matinée, le Premier ministre britannique a lui estimé que les talibans seraient “jugés sur les actes, pas les paroles”.

À voir également sur Le HuffPost: Face aux talibans, les Afghanes partagées entre craintes et résignation

Enregistrer un commentaire

0 Commentaires