Je suis bisexuelle et chrétienne. Voici comment j'ai fini par m'accepter - BLOG

Pour une jeune femme qui apprenait à se connaître et explorait sa sexualité, il était terrifiant d’entendre dire qu’il n’y avait pas de place au paradis pour moi parce que j’étais bisexuelle. Je cachais à présent cette facette de ma personnalité. Je regardais avec envie les femmes ouvertement <i>queer</i>, leur assurance, leur courage d’aimer celles qu’elles aimaient.

LGBT - C’était le jour de la Gay Pride à New York, en 2017. Je venais d’arriver d’Afrique du Sud, à l’âge de 22 ans. J’avais décidé d’assister à un office du soir dans une grande église évangélique, car j’avais entendu beaucoup de bien des services qui s’y tenaient. Dans la queue, j’ai fait la connaissance d’un étudiant du Kansas, et observé les gens qui attendaient leur tour.

Des hommes et des femmes queer faisaient la queue avec nous. Vêtus de couleurs arc-en-ciel, ils brandissaient des drapeaux et discutaient de l’office qui allait commencer. Je me souviens de mon émerveillement en voyant des homosexuels bienvenus dans cette église, et assez à l’aise pour assumer ouvertement leur orientation sexuelle.

J’étais en partie jalouse. Je mourais d’envie de me tenir à leurs côtés et d’agiter un drapeau arc-en-ciel, de déclarer que moi aussi, j’étais queer, bisexuelle et fière de l’être. Je me demandais si je participerais à la marche des fiertés l’année suivante avec les amis queer que je me serais fait à l’église. Cela me donnait l’espoir d’accepter ma propre sexualité, comme première étape avant d’être acceptée par une communauté de fidèles.

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À peine entrée, j’ai été accueillie à bras ouverts par les hôtes et hôtesses, qui nous ont guidés jusqu’à nos sièges, au balcon. J’ai attendu avec impatience le début de l’office, jusqu’à ce qu’enfin un homme âgé entre sur scène et commence à prêcher.

Pas les bienvenus à l’Église

Il a parlé de l’homosexualité comme d’un péché, de notre “société gauchisante” qui détruisait le caractère sacré du mariage en l’autorisant pour les couples gays. J’en suis restée stupéfaite. Les gens autour de moi ont commencé à hocher la tête, à ponctuer le sermon de “Amen, pasteur!” L’étudiant à côté de moi, celui du Kansas, restait de marbre. Puis j’ai vu des gens dans le public se lever et quitter la salle, certains en secouant la tête, d’autres même en larmes.

Le pasteur a continué, et je suis restée assise là, incapable de bouger, mais décidée à ne pas écouter un mot de plus. J’étais dans une colère noire. Je n’en revenais pas de ma naïveté, d’avoir pu croire que cette église accueillerait la communauté LGBTQ+. Qu’elle m’accueillerait, moi.

Nous n’étions pas les bienvenus dans cette église. Nous n’étions pas les bienvenus à l’Église.

Je n’ai pas grandi dans une famille pratiquante. Ma mère disait que les chrétiens passaient leur temps à juger les autres, et qu’il ne suffisait pas d’aller à la messe tous les dimanches pour devenir quelqu’un de bien.

À 12 ans, j’ai commencé à aller au catéchisme à l’église baptiste du bout de la rue. Ma mère m’y déposait tous les dimanches matins et venait me chercher à la fin. J’ai aussi rejoint des clubs de jeunes et commencé à lire la Bible, même si j’avais du mal à l’interpréter.

Je ne vivais pas dans une ville conservatrice et, dans mon collège, une poignée d’élèves assumaient leur homosexualité. J’ai toujours su que j’aimais les filles car, en grandissant, quand je regardais Disney Channel, je m’entichais aussi bien de Selena Gomez que des Jonas Brothers. C’était perturbant pour moi, qui ne savais pas vraiment ce que signifiait le terme “bisexuel”.

À la fac, je n’avais plus honte de faire des remarques sur les filles que je trouvais attirantes, ni de parler de mes relations avec des femmes. Être bisexuelle me semblait tout à fait normal, et je me sentais acceptée par mon petit cercle d’amis.

Tout a changé après mon diplôme, quand j’ai commencé à m’impliquer davantage dans mon église. J’entendais les sermons de mes pasteurs sur la condamnation des homosexuels, qui iraient tous en enfer à cause de leur orientation.

Pour une jeune femme qui apprenait à se connaître et explorait sa sexualité, il était terrifiant d’entendre dire qu’il n’y avait pas de place au paradis pour moi parce que j’étais bisexuelle. Je cachais à présent cette facette de ma personnalité. Je regardais avec envie les femmes ouvertement queer, leur assurance, leur courage d’aimer celles qu’elles aimaient.

Un soir, en priant, j’ai demandé à Dieu pourquoi Il m’avait créée ainsi. Souhaitait-Il que l’on me haïsse?

On m’a appris qu’on ne pouvait pas être un chrétien queer, que c’était l’un ou l’autre. Dieu ne vous accepterait jamais si vous étiez les deux.

Honte et culpabilité

J’étais rongée par la culpabilité et la honte. Je ne pouvais m’empêcher de fondre en larmes chaque fois que je m’imaginais arriver un jour face à Dieu et être repoussée du paradis. Je me détestais, et je me demandais s’Il me détestait aussi.

Je ne voulais pas vivre. Je me souviens d’avoir pensé que je préférerais mourir plutôt que de ressentir ça.

À l’époque, je ne connaissais aucun chrétien qui s’affichait queer, et j’avais trop peur pour les chercher activement parmi les fidèles de mon église, au cas où quelqu’un apprenne que j’étais bisexuelle et le répète aux pasteurs. Dès que le sujet de l’homosexualité était abordé parmi mes amis, je me figeais et gardais le silence.

À 23 ans, j’ai commencé à fréquenter une autre église. C’est là que j’ai rencontré Natalie, une lesbienne assumée, bénévole à l’église. Elle était la première amie, dans mon entourage religieux, avec laquelle je me sentais assez à l’aise pour parler de ma bisexualité, et nous discutions pendant des heures de Dieu et de l’homosexualité.

Tout le monde savait qu’elle était lesbienne. Elle était aimée, acceptée, et les pasteurs ne l’avaient pas rejetée. Elle n’avait pas eu autant de chance dans d’autres églises, et elle a évoqué ses difficultés pour en trouver une aussi accueillante que la nôtre. Voir Natalie acceptée par la congrégation m’a donné le courage d’admettre que j’avais été créée exactement comme Dieu l’avait voulu.

Je n’avais jamais appartenu à une église comme celle-ci, et je savais que ce n’était pas la norme dans la communauté chrétienne. Dans une étude conduite en 2013 par Pew Research, 73% des queers décrivent l’intolérance des églises évangéliques envers les personnes LGBT, et 29% des adultes LGBT déclarent ne pas se sentir les bienvenus dans une communauté religieuse.

C’est en partie pour cela que je n’assumais pas ma bisexualité. J’avais vu d’autres queers subir énormément de souffrance de la part de leur église en raison de leur sexualité. On leur disait que s’ils priaient suffisamment fort, Dieu ferait changer leurs désirs, et que, même s’ils étaient les bienvenus à l’église, on n’accepterait jamais leurs “choix de vie”.

Je me souviens d’un pasteur qui me disait qu’“aimer ne revient pas à accepter”, que l’on peut aimer tout le monde sans les accepter, ni eux ni leurs choix. On devrait pourtant pouvoir trouver l’amour et l’acceptation dans une communauté religieuse, surtout quand on s’efforce de conduire les gens à Dieu!

Apprivoiser l’idée que je n’étais pas une abomination m’a donné le courage de me mettre en quête d’autres chrétiens comme moi, des queers croyants qui ne souhaitaient pas “guérir leur homosexualité” à coups de prière mais cherchaient plutôt refuge au sein des communautés de fidèles, où ils pouvaient exister en tant qu’homosexuels parce qu’ils ont été créés à l’image de Dieu.

L’aide des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont joué un grand rôle dans mon cheminement, en me permettant d’explorer des contenus chrétiens queer, et de trouver des alliés chrétiens qui militent contre l’homophobie qui gangrène les églises évangéliques.

Je me suis rendu compte qu’il existait tout un groupe de chrétiens pratiquants qui aimaient Jésus sans pour autant croire que l’homosexualité est un péché.

Je pouvais tout à fait trouver une communauté chrétienne qui m’aimerait et m’accepterait, puisque je voyais sur les réseaux sociaux d’autres chrétiens queer assister à des offices menés par des pasteurs gays et lesbiens, et même transgenres.

C’était une facette de la chrétienté que je n’avais jamais rencontrée mais elle était là, bien réelle, et cette découverte fut la plus grande validation que j’ai jamais reçue concernant ma sexualité.

Le documentaire 1946: The Mistranslation That Shifted a Culture (“1946: L’Erreur de traduction qui a fait basculer toute une culture”), qui doit sortir prochainement, se penche sur la façon dont le mot “homosexuel” a été mal traduit et ajouté à la Bible, et comment un seul mot a influencé le mouvement anti-gay que tant d’églises américaines soutiennent si fermement.

Entendre qu’une petite erreur de traduction avait provoqué tant de division dans la communauté chrétienne m’a d’abord mise en colère, mais cela m’a permis de me rapprocher de mes amis chrétiens comme jamais auparavant. J’étais suffisamment forte dans ma foi et mon rapport à Dieu pour savoir que rien de ce qu’on pouvait me dire ne m’empêcherait d’être celle que j’étais.

En tant que bisexuelle blanche cisgenre, je n’ai jamais eu assez d’assurance pour m’exprimer, de peur d’être ostracisée par l’Église. Je n’imagine même pas ce que ressentent les personnes queer de couleur ou transgenres dans ce genre de situation.

Je ne peux que parler de ma propre expérience et continuer d’espérer que chaque personne queer et transgenre se sente un jour inconditionnellement aimée et acceptée par toutes les organisations religieuses.

Admettre que toutes les personnes que je vais rencontrer ne vont pas m’accepter – tout en sachant que le Seigneur m’aime et m’accepte, quoi qu’en pensent les autres – a été plus épanouissant et réconfortant que je n’aurais jamais pu l’imaginer.

J’aime Jésus, et je sais au fond de mon cœur qu’Il est amour et miséricorde. Je n’ai jamais été aussi heureuse, aussi en paix avec la personne que je suis. Dieu me connaît. Il connaît mon cœur, mes désirs. Voilà tout ce qui m’importe sur ce chemin que je continue de parcourir vers l’amour et l’acceptation de soi.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Charlotte Marti pour Fast ForWord.

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