Les vaccins à ARN messager vous posent question? Recul, phase III... ce qu'il faut savoir

Les études montrent que l'injection des vaccins à ARN messager ne pose pas de problèmes à court terme. Mais comment mesure le risque qu'un effet indésirable se produise dans quatre ou vingt ans? 

VACCINS - Quel recul avons nous sur les vaccins à ARN messager? Voilà la questions que plusieurs lecteurs du HuffPost nous ont adressée, inquiets pour leur état de santé dans quelques années, s’ils décident de se faire vacciner maintenant.

Les vaccins de Pfizer et Moderna, les plus injectés en France, sont aussi ceux qui suscitent le plus d’interrogations, car ils fonctionnent à l’aide de l’ARN messager. Leur technologie était inconnue du grand public avant la pandémie de Covid-19. 

C’est la première fois que des vaccins à ARN messager sont déployés aussi massivement, et ils ont été inventés relativement récemment, contrairement aux autres vaccins qui reposent sur 200 ans de progrès scientifique. 

Faut-il pour autant craindre des effets secondaires à long terme avec les vaccins à ARN messager, à cause d’un éventuel manque de recul sur les procédés et les ingrédients utilisés? Face à ce questionnement légitime, Le HuffPost a rassemblé études et avis scientifiques sur le sujet. 

Une technologie trop récente? 

Dans une vidéo publiée sur Instagram le 3 août, le Président de la République, qui répond aux internautes au sujet des vaccins indique que “l’ARN messager est une découverte française datant de 1961”. Et d’ajouter: “Cela fait donc 50 ans que les scientifiques du monde entier travaillent sur cette technologie”, explique Emmanuel Macron, en t-shirt et en selfie pour s’adresser aux plus jeunes. 

“Vous êtes médecin, épidémiologiste, biologiste, Monsieur le Président?” rétorque une internaute. Emmanuel Macron n’a certes aucune formation scientifique, mais Le HuffPost a retrouvé les études dont parle le Président. L’ARN messager a bien été découvert en 1961 par deux Français François Gros et François Jacob, comme l’attestent ces archives des travaux initialement vérifiés et publiés dans Nature

30 ans de recul sur l’efficacité et la dangerosité

Les vaccins à partir de cette découverte sont arrivés un peu plus tard, mais ils n’ont pas été inventés avec le Covid-19. “Les vaccins à ARN sont le résultat de plus de trois décennies de recherche”, rappelle un communiqué du département médical du Massachusetts Institute of Technology (MIT), mis en ligne le 8 juin 2021. 

“De nombreux travaux scientifiques démontrent que les vaccins à ARN fournissent une réponse immunitaire sûre et durable”, confirme par exemple cet article de recherche parue le 27 mars 2019 dans la revue Frontiers in Immunology (bien avant l’épidémie). Les travaux et le consensus scientifique général autours des vaccins ARN confirment que cette technologie n’est pas dangereuse.

Une phase III inachevée, synonyme de manque de données? 

Mais qu’en est-il des vaccins à ARN développés précisément contre le Covid-19? Si les autorités de sûreté du médicament de la France (ANSM), de l’Europe (EMA), des États-Unis (FDA), l’OMS et plus de 90 pays du monde entier considèrent que les vaccins ARN sont sûrs, ils se basent sur les données d’une phase III qui n’est pas encore terminée, peut-on régulièrement entendre chez les plus réticents.

Effectivement, les essais de phase III de Moderna et de Pfizer, entamés en juillet 2020 devraient se prolonger au moins deux ans après la deuxième dose pour “évaluer la protection et l’innocuité à long terme”, résume Moderna, dans un communiqué datant du 21 décembre.

Ces procédures sont habituelles dans la conception de tout médicament”, précise l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), interrogé par le HuffPost. Si les patients des essais de phase III sont encore surveillés, c’est avant tout pour mesurer la durée de l’immunité.  

 La balance bénéfices-risques, gouvernail des autorités sanitaires

Le prolongement de la phase III permet également de recenser d’éventuels effets indésirables tardifs. Mais en réalité, les agences nationales et internationales considèrent qu’il y a très peu de chances que cela arrive. Elles estiment qu’elles ont eu suffisamment de données pour trancher sur la balance “bénéfices-risques” des vaccins contre le Covid-19: tous les produits qu’elles ont autorisés apportent beaucoup plus de bien que de mal, selon ces institutions.

Cette règle “bénéfices-risques” prévaut pour tout médicament, pandémie ou non. Le doliprane (mortel après 6 comprimés) ou la pilule -dont le risque de provoquer un AVC est de 1 à 10  sur 10 000- sont aussi autorisés, du moment que ces effets indésirables sont identifiés et qu’ils sont très largement moins fréquents que les effets désirés. 

Un an de recul sur la phase III 

En réalité, on dispose déjà d’un peu de recul sur les vaccins ARN. Parce que cela fait maintenant un an que les patients des essais de phase III ont été vaccinés. Si un effet grave et fréquent avait été détecté, il aurait provoqué une suspension de l’autorisation conditionnelle de mise sur le marché, délivrée par l’Agence européenne du médicament (EMA). 

Par ailleurs, les CHU, les centres de pharmacovigilance et l’ANSM surveillent quotidiennement tout événement pouvant entraîner une suspicion d’effet indésirable inconnu grave. Au moindre doute, vous pouvez vous-même signaler un symptôme, il sera examiné. 

Que va-t-il se passer 2 ou 5 ans après l’injection? 

Dernière interrogation: malgré tous ces éléments garantissant la sécurité des vaccins, on ne sait pas ce qu’il se passe, 2 ou 5 ou 20 ans après le schéma vaccinal. C’est vrai. Mais la quasi-totalité des effets secondaires des vaccins apparaissent “huit semaines après l’injection”, précise le MIT. 

En effet, la prise de ce médicament se fait en une fois, et n’est que très rarement répétée (lors de rappels, très sporadiques). Et l’ARN des vaccins a une durée de vie de “quelques heures à quelques jours au maximum”, dans notre organisme, avant d’être dégradée et de disparaître, comme l’explique cette étude, publiée en 2001 dans Molecular and Cellular Biology

Autrement dit, l’ARN messager n’aurait que quelques jours pour causer du mal (s’il devait en causer). Voilà pourquoi on cite souvent le fait que 3,5 milliards de doses ont déjà été injectées sans problèmes (au-delà de très rares effets indésirables non prévus, largement évoqués dans la presse, et au-delà des effets indésirables connus, résumé dans ce flyer de l’ANSM, téléchargeable ici).

“L’ARN messager ne persiste pas dans le corps humain au-delà de quelques heures, il n’y a donc aucun risque d’effet secondaire tardif au bout de plusieurs mois ou de plusieurs années”, résume Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses de l’Hôpital Saint-Antoine à Paris, ce jeudi 5 août sur France Inter. 

Et les autres ingrédients? 

Il est vrai qu’on découvre régulièrement la toxicité de produits considérés jusqu’à présent comme sans danger. Rien ne prouve que cela n’arrivera jamais avec l’un des ingrédients présents dans le vaccin à ARNm. Mais comme rien ne prouve non plus que ce que vous mangez, vos soins beauté, et toute la matière qui vous entoure ne vont pas se révéler dangereux à un moment donné. 

Des produits considérés comme anodins s’avèrent parfois plus toxiques que l’on ne croyait. Le risque zéro n’existe pas. Le vaccin n’échappe pas à cette règle. Concernant les vaccins à ARN messager, les autres ingrédients sont néanmoins fiables et également dégradés rapidement dans l’organisme: l’ARN est entouré de gras, qui disparaît en deux heures. La liste des ingrédients du vaccin Pfizer est par exemple disponible en ligne. Q’y trouve-t-on? Saccharose, cholestérol, eau, les excipients sont connus et sûrs, cela fait partie des vérifications des institutions.

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