Primaire écologiste: ce que cachent les inscriptions records

Ce que cache le record d'électeurs de la primaire écolo (photo d'illustration prise le 29 juin 2020).

POLITIQUE - Vert l’infini? Jamais les Français n’auront été aussi nombreux à vouloir voter pour une primaire de l’écologie politique. Avec 122.670 inscrits pour cette édition 2021, EELV et ses partenaires pulvérisent leur précédent record de 2011 et ses 33.000 électeurs.

Plus marquant encore, le collège électoral de ce scrutin est sept à huit fois plus massif que cinq ans auparavant (17.000), lorsque Yannick Jadot était préféré à Cécile Duflot. Un engouement inédit, donc, à quelques mois de la présidentielle, qui motive les différents candidats et ravi l’état-major d’Europe Écologie-Les Verts. 

D’autant que la partie n’était pas gagnée d’avance: le chiffre des participants est resté bloqué autour des 35.000, avant de tripler en dix jours au fil des différents débats. Comment, dès lors, expliquer cet intérêt soudain pour le départage écolo? Et quelles conséquences sur le résultat? 

Incertitude générale

Le premier tour débute ce jeudi 16 septembre, en ligne, et s’achève dimanche 19. Les électeurs ont donc trois jours pour choisir entre l’eurodéputé Yannick Jadot, le maire de Grenoble Éric Piolle, l’ancienne vice-présidente de la région Hauts-de-France Sandrine Rousseau, la députée Delphine Batho et l’entrepreneur Jean-Marc Governatori. Et bien malin celui qui peut prédire les résultats de ce scrutin à l’issue particulièrement incertaine pour une primaire.

C’est l’un des effets secondaires d’une telle participation: les militants membres de l’un des cinq mouvements du pôle écologiste représentent moins de 14% des inscrits, selon les chiffres de l’organisation.

“On ne sait absolument rien de ce corps électoral. Or cela change tout”, résume Brice Teinturier, le directeur général délégué de l’institut Ipsos, dans les colonnes deOuest-France, alors que tous les Français avaient la possibilité de s’inscrire à ce processus “ouvert.” Ce qui n’était pas le cas pour les primaires de 2011 et 2016, réservées aux adhérents et aux “coopérateurs” d’EELV. 

“Peut-être (les électeurs) sont-ils plus radicaux, plus à gauche et donc plus en faveur de Piolle ou de Rousseau. Peut-être qu’au contraire, les inscrits sont plus nombreux à vouloir voter pour celui qui peut le plus peser, Jadot?” s’interroge le sondeur, pour qui “on peut avoir de grosses surprises” les 19 et 26 septembre prochains (date du second tour).

Le spectre du sabotage 

Dans ce contexte, Yannick Jadot, le seul des cinq candidats à être régulièrement testé dans les sondages (de 7 à 8%), fait tout de même office de favori. Désigné par les militants pour la présidentielle 2017, chef de file de la campagne réussie des Verts aux Européennes de 2019, il est le plus connu des prétendants.

Malgré cet avantage indéniable, une autre donnée pourrait venir contrecarrer les plans de l’ancien directeur des campagnes de Greenpeace: la présence massive, ou non, de militants identitaires parmi les votants.

Le bruit d’une ingérence venant de l’extrême droite court depuis plusieurs jours. Le porte-parole du Rassemblement national, Sébastien Chenu, a même affirmé dimanche dernier sur franceinfo qu’il allait prendre part au scrutin, après s’être inscrit. 

“En général, le vote est secret, mais vous savez que je suis un élu du Nord et par solidarité nordiste, je ne peux voter que pour Sandrine Rousseau (ancienne vice-présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, NDLR), bien sûr”, a-t-il ainsi lancé, en écho à une initiative promue par l’identitaire (et cadre du RN) Damien Rieu. Leur but: pousser la candidature de l’écoféministe pour que les Verts se retrouvent avec la candidate jugée la plus radicale.

La place grandissante de l’écologie

Une question qui revient à chaque élection interne ou presque, et devant laquelle les écolos se veulent sereins. “Les filtres statistiques utilisés par Neovote démontrent qu’il n’y a pas eu d’entrisme massif, en dépit des discours et des battages médiatiques promettant une fraude sur la primaire”, nous expliquait Sandra Regol, la porte-parole d’EELV, en début de semaine, précisant que la plateforme avait “supprimé quelques vagues d’inscriptions qui posaient problème”, mais dans des proportions habituelles.

Non, les Verts préfèrent mettre en avant le succès participatif de leur élection. “C’est un beau lancement”, se félicitait ainsi le patron Julien Bayou lundi dans les colonnes du Parisien, estimant que “la primaire constitue désormais un bel écrin, un cadre partagé pour construire l’alternative au duo Le Pen-Macron.”

Difficile également de ne pas voir en cet engouement inédit le nouveau signe de la place grandissante qu’occupe l’écologie dans le paysage politique français. Au-delà de quelques déceptions électorales aux régionales et d’une série de polémiques, EELV peut se targuer d’avoir remporté sept grandes villes aux municipales 2020 après avoir réalisé le meilleur score de la gauche aux Européennes (13%), un an auparavant.

Malgré cela, les écolos sont encore très loin du 1,6 million de participants à la primaire socialiste en 2017. Sans parler des 4 millions d’électeurs qui s’étaient déplacés pour celle des Républicains. Une question de verre à moitié plein. 

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