2022: EELV a-t-il perdu son capital politique des municipales?

Quatre des cinq candidats à la primaire écologiste, Yannick Jadot, Sandrine Rousseau, Delphine Batho et Eric Piolle, sans Jean-Marc Governatori.

POLITIQUE - Avec les écologistes, il est souvent question de surprises. “Surprise” des européennes en 2009 (16% des voix), de nouveau “surprise” à celles de 2019 derrière Yannick Jadot (13%), “surprise” des municipales quand la vague verte de 2020 emporta Marseille, Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers ou Besançon. Surprise encore, quand ils choisissent Éva Joly et pas Nicolas Hulot, pourtant porté par les sondages pour concourir à la présidentielle de 2012 ou que leur candidat désigné par le même procédé en 2017, Yannick Jadot, rallie finalement Benoît Hamon pour un score final proche de 6%.

Que nous réservent cette année les écologistes qui se réunissent à Poitiers ce jeudi 19 août pour leurs journées d’été jusqu’au dimanche 21, un mois avant leur primaire qui se tiendra à la mi-septembre, avec laquelle ils promettent de faire émerger, cette fois, un candidat unique qui ira jusqu’au bout? Surprise. Ou désenchantement?

Vague verte aux municipales, puis maladresses

Après la victoire aux municipales, les mairies vertes auraient pu devenir des vitrines locales pour porter une politique nationale, comme le maire de Grenoble, Éric Piolle, premier élu d’une grande ville en 2014 et réélu en 2020 tente de l’incarner dans sa campagne pour la primaire.

Sauf que les maires aux manettes ont enchaîné les bourdes de communication, relevées minutieusement par les médias ou citoyens. Ici, un tour de France jugé “machiste et polluant”, là un “arbre mort” interdit pour célébrer Noël, ailleurs, les rêves des enfants priés d’être modifiés pour ne plus voler... De quoi prêter le flanc aux critiques récurrentes de leurs adversaires qui ont bien compris le potentiel électoral du parti. 

“Ce ne sont pas des bourdes, c’est une autre manière de faire de la politique”, défend Sandrine Rousseau, candidate à la primaire. “Si on veut des gens qui ne soient pas des professionnels de la politique, alors il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils soient gonflés d’éléments de langage comme Emmanuel Macron”, ajoute l’économiste qui n’a rien à redire sur le fond des propos tenus.

 

Ce ne sont pas des bourdes, c'est une autre manière de faire de la politiqueSandrine Rousseau, candidate à la primaire

Les écolos ont tout de même, selon nos informations, commandé une enquête qualitative à l’institut de sondages Harris Interactive pour tester les opinions dans les villes en question. Résultat: “Ces polémiques ont conforté ceux qui n’étaient de toute façon pas convaincus par les écologistes, alors que les électeurs de gauche et écologistes y voyaient surtout des procès d’intention”, détaille le sondeur Jean-Daniel Lévy qui s’en est chargé pour le parti, quelques semaines avant les régionales.

Les cadres verts sont rassurés. “Ce serait mieux si on n’avait pas eu ces polémiques diverses, concède Alexis Braud, mais elles n’entravent en rien la qualité du travail mené dans nos villes. Les gens vont s’en rendre compte, car ils vont voir leurs villes changer”, promet le proche de Yannick Jadot. Plus récemment, ils ont avoir repris la main, sur le fond, en proposant, au même moment, d’accueillir les réfugiés Afghans dans leurs villes après avoir vertement critiqué les propos d’Emmanuel Macron à leur égard. 

Autre déception, admise par la plupart de nos interlocuteurs, les régionales de 2021, dernier scrutin avant la présidentielle en forme de test pour la gauche. Julien Bayou, le chef de file du parti, se fixe alors l’objectif de remporter “une ou plusieurs régions”. Patatras. Les sortants sont reconduits et parmi eux cinq socialistes. Olivier Faure reprend la main, désigne le PS comme “force motrice à gauche” et fustige un “plafond vert”.

“Les résultats des régionales n’ont pas été aussi flamboyants qu’on peut le penser, même si beaucoup ont fait semblant de dire que c’était super. Évidemment, par rapport à 2015, on a plus de conseillers régionaux et départementaux, mais cela ne nous a pas permis d’affirmer notre leadership à gauche”, déplore Alain Coulombel, porte-parole du parti.

Multiplication des candidatures à gauche

Depuis, les socialistes continuent de vouloir peser avant 2022. Le scrutin a donné des ailes à Olivier Faure pour pousser sa candidature favorite, celle d’Anne Hidalgo qui n’a pas confirmé ses intentions. Et ça continue. Dernier arrivé dans la course aux petits chevaux à gauche, Arnaud Montebourg. Prenant tout le monde de cours, au cœur de l’été, il fait savoir qu’il annoncera sa candidature le 4 septembre, en pleine campagne des écolos pour la primaire qui se tiendra quelques jours plus tard, le 16.

Un nouveau caillou dans la chaussure des écolos? “On est dans un moment où l’on construit quelque chose, donc il y a des candidatures dans tous les sens. Tout ça va se clarifier avant décembre”, relativise Sandrine Rousseau. 

Entre douze mille et quinze mille personnes se sont inscrites pour participer à la primaire ouverte qui a lieu dans moins d’un mois. Si Julien Bayou compte sur “les débats télévisés et les journées d’été” pour mobiliser, on est encore loin d’un grand élan populaire qui donnerait une légitimité implacable à celui ou celle qui en sortirait. “Je suis très pessimiste”, décrit d’emblée Alain Coulombel qui plaide pour l’union à tout prix à gauche. ”Quand on voit tout ce qui se passe, les feux, les avertissements des scientifiques et les bisbilles de candidatures, on se dit que collectivement, on est en dessous des enjeux”, ajoute le soutien d’Éric Piolle.

L'intérêt des Français pour l'écologie n'a jamais été aussi haut, toutes catégories de population confondues.Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d'Harris Interactive

Car les événements, eux, sont du côté du combat des écolos. Le dernier rapport du Giec a fait l’effet d’un coup de tonnerre, en plein mois d’août et l’été a été marqué par des feux de forêt et des températures anormalement élevées dans le monde. “La gauche reprend leur programme, même la droite tente de s’y mettre et le Conseil d’État décrédibilise le pouvoir en place sur sa capacité à empêcher le dérèglement climatique, relève Daniel Boy, politologue, mais vous avez un désordre dans les candidatures de gauche qui n’est pas enthousiasmant pour l’électeur de gauche écologiste”.

“Les écologistes sont dans une situation meilleure qu’il y a cinq ans. Les thématiques que nous portons et nos propositions sont beaucoup mieux entendues, il y a un terrain qui nous est favorable”, approuve le porte-parole Coulombel. Et les sondages sont aussi porteurs en la matière puisque “l’intérêt des Français pour l’écologie n’a jamais été aussi haut, toutes catégories de population confondues”, souligne Jean-Daniel Lévy, d’Harris Interactive. Il y aurait donc, pour les écologistes, des raisons d’espérer.

S'ils obtiennent entre 5 et 10% à la présidentielle, ce serait déjà une grande victoireDaniel Boy, politologue spécialiste de l'écologie politique

L’incarnation en question 

Si les candidats misent sur la primaire pour créer une dynamique et s’imposer progressivement à gauche et dans l’opinion, il reste encore un obstacle et pas des moindres: le scrutin présidentiel qui personnalise l’élection à outrance, loin des rêves collectifs d’un mouvement habitué aux congrès et aux motions aux mille et une virgules. “La présidentielle est traditionnellement plus difficile pour les écologistes, car c’est un scrutin qu’ils ne défendent pas. Ils reviennent de loin avec 5,25% pour Noël Mamère en 2001 et 2,31% pour Éva Joly en 2012. Ils pourraient cette fois faire entre 5 et 10, ce qui serait déjà une grande victoire”, prédit le spécialiste de l’écologie politique, Daniel Boy. 

Pas question de viser aussi bas pour l’équipe de campagne de Yannick Jadot, souvent présenté comme l’un des favoris. “Jusqu’ici, les écologistes faisaient semblant de vouloir gagner. Ils savaient bien qu’ils allaient perdre en votant pour Joly ou Voynet, et c’était beau en un sens. Là, c’est différent, les écologistes se présentent en se disant: ‘cette fois-ci on peut gagner’”, assure Alexis Braud, proche de Jadot.

“Toute la question est de savoir si la matrice des municipales peut se reproduire à la présidentielle”, conclut Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d’Harris Interactive, qui développe: “ce qui signifie avoir un projet politique qui les dépasse et auquel les Français peuvent adhérer même sans avoir un candidat connu”. Un défi qui semble irréel au pays des de Gaulle, Sarkozy et Mitterrand qui écrasaient tout sur leur passage. Mais les écologistes tracent leur route, en espérant la surprise. 

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