À Los Angeles, le Covid-19 a laissé des traces, mais la vie reprend le dessus [REPORTAGE]

Un cours collectif de sport délocalisé sur la plage, à Santa Monica, le 24 mars 2021.

LOS ANGELES - “For Lease” (”À louer”), “Space available” (“Espace disponible”): en arpentant les rues de Los Angeles en ce mois de mars 2021, difficile de rater ces pancartes sur les devantures de magasins et restaurants qui ont mis la clé sous la porte avec la pandémie de Covid-19.

La ville et ses 4 millions d’habitants, mais plus globalement l’État de Californie, ont particulièrement souffert de la pandémie. Sanitairement tout d’abord, quand durant les quatre semaines du mois de décembre dernier, juste après Thanksgiving qui a engendré des millions de déplacements d’Américains à travers tout le pays, la Californie a enregistré 400.000 cas de contaminations, pour passer à 800.000 personnes infectées depuis le début de la pandémie. Et en cette toute fin d’année 2020, on pouvait y enregistrer jusqu’à 500 morts par jour. Cela a eu pour conséquence de submerger les services d’urgence, de créer un manque d’oxygène pour les services de réanimation ou de surpeupler les morgues, notait Le Figaro dans un article alarmant paru le 19 janvier.

À Los Angeles, où les habitants devaient respecter l’ordre “restez chez vous”, la peur de sortir s’était installée dès la mi-mars 2020, date plus ou moins mondiale du début du confinement, comme le raconte au HuffPost Nancy, une Française de 39 ans installée à L.A. depuis 2016.

“Les gens se sont barricadés chez eux. Les courses se faisaient en ligne, mais les sites internet, pris d’assaut, n’ont pas pu gérer le flux. Il fallait parfois une bonne semaine pour récupérer un plein de courses. Et encore, c’était pour les chanceux qui arrivaient à obtenir un créneau sur les sites...”, se remémore-t-elle. 

“Los Angeles, qui est une des villes les plus embouteillées au monde, est devenue déserte”, témoigne encore Nancy. Dans cette ville ou très peu de gens se déplacent à pied à cause de son immensité tentaculaire (1300 km², soit treize fois la taille de Paris intra-muros) et de son réseau de métro peu développé, les rues ont pris des allures de ville fantôme et les fermetures de commerce se sont multipliées.

En ce mois de mars, pour en constater les stigmates, il suffit par exemple de marcher quelques centaines de mètres sur Melrose Avenue, l’une des artères principales de la ville et temple du shopping vestimentaire et design, pour s’en rendre compte: parfois, presque une boutique sur deux a mis la clé sous la porte. Sur Fairfax Avenue, repaire des collectionneurs de sneakers et baskets, même l’emblématique “Flight Club”, l’un des magasins de resell les plus célèbres du pays, a été contraint de fermer.

Des commerces ayant définitivement fermé pendant la pandémie de Covid-19, à Los Angeles et Santa Monica, le 23 mars 2021.

Des campements de sans-abri qui ont poussé en pleine ville

À cette crise sanitaire et économique, s’est aussi ajouté un volet social particulièrement visible et commenté des habitants: l’augmentation massive du nombre de sans-abri dans les rues de la ville. Ils étaient 66.000 dans le comté de Los Angeles (qui comprend 10 millions d’habitants et 88 municipalités), selon un décompte effectué en janvier 2020, avant la pandémie.

Si, à cause de celle-ci, aucun décompte n’a été fait sur l’année 2020, “nous savons que la pandémie n’a fait qu’aggraver la crise des sans-abri”, conséquente aux États-Unis, a indiqué le ministère du Logement et du Développement le 18 mars. “Je pense que nous avons 20.000 sans-abri de plus dans les rues (du comté de Los Angeles, NDLR) depuis le dernier décompte”, a lui chiffré Andy Bales, président de l’Union Rescue Mission de Skid Row, le quartier le plus défavorisé de Los Angeles, rapporte CBS.

“Nous voyons tous plus de tentes et plus de campements dans des endroits où nous n’avions pas l’habitude de les voir à travers la ville”, constate de son côté le Los Angeles Homeless Services Authority. En effet, alors qu’historiquement, les campements principaux de sans-abri trouvaient place dans le quartier de Skid Row ainsi qu’aux abords de Venice Beach, il est désormais fréquent de trouver des enfilades de tentes dans des parcs publics de la ville, comme à Echo Park (voir la vidéo ci-dessous), ou sur des trottoirs entiers, parfois à quelques dizaines de mètres seulement de zones résidentielles aux demeures cossues.

Un campement de sans-abri sur un trottoir dans le quartier de Venice, à Los Angeles, le 23 mars 2021.

“Certains quartiers, avant animés -Santa Monica par exemple-, ont attiré les démunis qui ont investi les rues”, témoigne Nancy auprès du HuffPost. Le climat, ensoleillé toute l’année avec des températures qui descendent à peine sous les 10 degrés au plus froid de l’hiver, favorise aussi l’arrivée régulière de sans-abri venus de tout le pays.

Restaurants en terrasses, cours de sport sur la plage et casinos sous des tentes

Malgré ce tableau noir, la vie a repris le dessus depuis plusieurs semaines à Los Angeles, en grande partie grâce à la campagne de vaccination -et l’efficacité de ses immenses vaccinodromes- qui avance à un rythme très soutenu aux États-Unis.

Le climat local et ses douces températures hivernales jouent certes pour beaucoup dans ce retour à la vie. Le 29 janvier, la réouverture des terrasses des bars et restaurants a été autorisée, une première depuis Thanksgiving fin novembre. Ces patios et terrasses éphémères, aménagés sur les trottoirs ou parkings au cours de l’année 2020, ont été retrouvés avec plaisir par les habitants. Et depuis le 14 mars, les salles intérieures des restaurants ont même rouvert à 25% de leur capacité, une limite qui pourrait être augmentée dès le mois d’avril avec le déclin significatif des cas de Covid dans le comté de Los Angeles.

Des restaurants ouverts à Los Angeles et Santa Monica, le 23 mars 2021.

Le comté de Los Angeles a aussi décidé de rouvrir les musées, zoos et aquariums à 25% de leur capacité. Certains établissements ne se sont toutefois pas forcément (re)lancés tête baissée dans la mêlée dès la mi-mars. Le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) a ainsi annoncé qu’il ne rouvrirait que le 1er avril, avec six nouvelles expositions à l’affiche.

Parmi les réouvertures de la mi-mars, on note encore les salles de cinéma, à 25% de leur capacité, et les salles de gym et de yoga, à 10% de leur capacité. Pour cette dernière catégorie, il faut préciser que l’activité n’avait pas forcément disparu pour autant ces dernières semaines. Il était et reste en effet fréquent de voir à toute heure de la journée des cours collectifs délocalisés en extérieur, sur des parkings, dans des parcs ou sur la plage, plus particulièrement à Santa Monica.

Des cours collectifs de sport délocalisés en extérieur, à Los Angeles et Santa Monica, le 24 mars 2021.

Même les grands casinos de Los Angeles se sont mis depuis février à l’“outdoor gaming” (“jeu en extérieur”), transférant leurs tables de jeu sous d’immenses tentes chauffées installées sur leurs parkings. Prise de température à l’entrée, masque obligatoire, gel hydroalcoolique sur chaque table et plexiglas de rigueur entre chaque joueur viennent rassurer les clients, qui répondent présents.

12.000 spectateurs pour la reprise des Dodgers en baseball

Les deux parcs d’attractions Disney de Californie (Disneyland Park et Disney California Adventure Park), fermés depuis plus d’un, rouvriront eux le 30 avril avec des capacités limitées.

Enfin, et cela apparaît comme un symbole pour cette ville où le sport est roi, les franchises professionnelles vont pouvoir de nouveau à accueillir leurs fans. Alors que les rencontres se disputaient jusque-ici à huis clos, le public sera par exemple autorisé pour le début de la saison de baseball, à partir du 1er avril. Douze mille spectateurs -soit 20% de la capacité du stade- pourront ainsi s’asseoir dans les travées du Dodger Stadium, qui surplombe le quartier de Downtown, pour voir évoluer leur équipe des Dodgers, championne en titre. Des décisions similaires pourraient bientôt être prises pour le basket (deux franchises avec les Lakers et les Clippers) et le hockey sur glace (Kings).

“Aujourd’hui, je dirais qu’on a repris une vie plus ou moins normale. Tout a rouvert”, résume l’expatriée française Nancy. “Et les embouteillages sont de retour, ce qui est malheureusement bon signe!”

Malgré tout, les légendaires embouteillages de la “Cité des Anges” devraient être encore plus importants dans les semaines et mois à venir. En effet, la plupart des travailleurs du secteur tertiaire sont encore en télétravail, parfois jusqu’au mois de septembre prochain. C’est notamment le cas pour des employés de grands groupes tels Amazon, Google ou Facebook.

Les enfants, adolescents et étudiants, eux, reprennent tout juste le chemin de leur établissement scolaire après un an de cours à domicile. Ce retour en classe reste très progressif et n’importe quel élève peut choisir de continuer à suivre les cours à domicile, ce qui est est le cas en majorité. Au 25 mars, 8% des élèves du comté de Los Angeles avaient ainsi la possibilité de retourner en classe ou de suivre un enseignement hybride en classe et à domicile, selon le LA Times.

Ophélie, une Française expatriée de 25 ans, explique ainsi au HuffPost qu’elle donne actuellement cours en français à domicile pour un groupe de cinq enfants de 4 et 5 ans d’un institut privé franco-américain. “La classe se tient dans le garage, porte ouverte, ou dans le jardin d’un des parents du groupe d’élèves”, explique-t-elle. Et les précautions sanitaires sont drastiques: “Température prise tous les jours à l’arrivée des enfants, lavage de mains toutes les 30 minutes, port du masque...”, énumère-t-elle, précisant qu’elle se fait régulièrement tester.

Jeudi 25 mars, les autorités californiennes ont annoncé que toutes les personnes de plus de 16 ans résidant dans l’État seront éligibles à la vaccination à partir du 15 avril. “Nous sommes de plus en plus proches de la fin de la pandémie, avec l’annonce faite aujourd’hui et les approvisionnements en vaccin qui doivent fortement augmenter dans les mois à venir. Mais nous n’y sommes pas encore”, a souligné Mark Ghaly, responsable de la santé publique de Californie.

Pourtant, si l’on excepte la vision des masques sanitaires, à voir le week-end le nombre impressionnant de joggeurs, marcheurs, cyclistes ou skateurs évoluant sur la célèbre promenade s’étirant sur une dizaine de kilomètres le long de l’océan entre Santa Monica et Venice Beach, on jurerait que la pandémie fait désormais (presque) partie du passé.

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