Le report des régionales 2021, nouveau casse-tête pour le gouvernement

Le gouvernement face au casse-tête d'un nouveau report des régionales (photo d'illustration prise le 3 juillet 2020 à Paris)

POLITIQUE - Mauvais choix ou choix mauvais. Le gouvernement s’apprête à trancher la question d’un nouveau report des élections régionales, prévues les 13 et 20 juin, sur la foi de l’avis du Conseil scientifique que Jean Castex a promis de “suivre strictement.” Jean-François Delfraissy et ses collègues doivent faire parvenir leur rapport ce dimanche 28 mars au Premier ministre. 

Mais quelle que soit la décision finalement prise par l’exécutif, chaque option comporte son lot de risques. D’un côté, l’opposition ne veut pas entendre parler d’un nouveau changement de calendrier et agite le spectre d’une “manipulation politique.” Même la majorité LREM veut que le scrutin se tienne “coûte que coûte” au printemps.

De l’autre, les Français se disent massivement favorables à un nouveau report, alors que la troisième vague de coronavirus -et les restrictions qu’elle entraine- est au centre des débats et des attentions. Au milieu, le gouvernement, qui n’a pas grand-chose de positif à espérer de cette élection -au vu des rapports de force en présence- va avoir du mal à satisfaire tout le monde.

Les oppositions font monter la pression...

Concrètement, l’avis que doit rendre le Conseil scientifique est prévu dans le cadre de la loi, votée en février dernier par l’Assemblée nationale, portant sur le premier report des élections régionales et départementales de mars à juin. L’instance doit éclairer le gouvernement “sur l’état de l’épidémie de Covid-19, sur les risques sanitaires à prendre en compte et sur les adaptations nécessaires à la tenue des scrutins et des campagnes électorales les précédant”, selon le texte.

Si l’on ignore encore le contenu de ce rapport, Jean Castex a déclaré la semaine dernière qu’il s’en remettrait “strictement à l’avis du Conseil scientifique” quant à la possibilité d’organiser le vote, selon des propos rapportés par l’AFP, ajoutant: “pas de calculs politiques, la santé d’abord.” Une façon de déminer par avance d’éventuelles futures polémiques.

Suffisant? Pas tellement, à en croire les dernières prises de position des ténors de l’opposition et autres patrons de région dont certains s’attachent à critiquer le rôle prépondérant des scientifiques dans l’exercice démocratique. “Si le Conseil scientifique dicte le calendrier des élections, alors nous avons changé de régime politique sans l’avouer”, s’insurgeaient par exemple François Baroin, le président de l’Association des maires de France, Dominique Bussereau, de l’Assemblée des départements de France, et Renaud Muselier, de Régions de France, (trois responsables LR), dans un communiqué commun diffusé lundi 22 mars sous l’étiquette “Territoires unis”. 

Pour eux, les échéances électorales doivent ”être respectées pour que les Françaises et les Français choisissent leurs élus locaux, et expriment ainsi leurs aspirations à plus d’écoute et de proximité.” 

...Debré et la majorité aussi

“Une évidence démocratique qui doit faire consensus”, disaient-ils, dans la lignée d’une tribune signée par dix présidents de région, de droite ou de gauche, publiée la veille, dimanche 21 mars, dans Le Figaro. “Ce n’est pas au Conseil scientifique de confiner la démocratie!”, tonnaient l’ancien ministre LR Xavier Bertrand ou la socialiste Carole Delga, tous deux candidats à leur réélection dans les Hauts-de-France et en Occitanie, alors que les “sortants” devraient partir avec une forme de longueur d’avance pour ce scrutin. Pour le premier, qui vient d’officialiser sa candidature à l’Élysée, la question d’un nouveau report revêt d’ailleurs une importance particulière... lui qui voit les régionales comme sa “primaire” avant la grande élection.

Plus largement, chez Les Républicains, ces incertitudes ravivent les critiques déjà formulées à l’automne contre la majorité et le président de la République, accusés de vouloir renvoyer à plus tard des scrutins qui pourraient leur être défavorables avant la présidentielle de 2022. “L’intérêt d’Emmanuel Macron est d’essayer d’éviter les élections territoriales, qui pourraient être une nouvelle défaite avant la présidentielle”, assurait le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau le 22 mars dernier à L’Opinion.

Rien de tel, assure-t-on pourtant du côté de la majorité. “Il n’y a pas d’intention cachée, tout le monde est d’accord, ces élections doivent avoir lieu en juin”, expliquait le délégué général de La République en marche Stanislas Guerini sur franceinfo, lundi, en réponse à ces critiques.

Plus globalement, nombreux responsables du parti majoritaire sont hostiles à tout nouveau changement. “La torgnole, vaut mieux se la prendre en juin que tout près de l’élection présidentielle”, résumait par exemple un conseiller ministériel à Politico vendredi, alors que l’option du report entraînerait de nouvelles questions de calendrier. À savoir: organiser les scrutins locaux à l’automne 2021, ou après la présidentielle 2022? 

Pour le patron des sénateurs LREM, François Patriat, pas de doute, il faut ”à tout prix” que les régionales et départementales se tiennent en juin comme prévu, malgré les indicateurs épidémiques. “On ne pourra pas expliquer qu’on va travailler, qu’on va à l’école et qu’on ne va pas voter”, faisait valoir l’élu de Côte d’Or mercredi 24 mars, devant l’Association des journalistes parlementaires.

Les Français très favorables à un report

Pour compléter le tableau, quasi unanime, Jean-Louis Debré l’ancien président du Conseil constitutionnel, qui avait été missionné par le gouvernement sur le sujet, est sur la même ligne. Pas question pour lui d’accepter tout nouveau décalage depuis qu’il a rendu son rapport en novembre 2020, après avoir consulté les différentes forces politiques. “Comment expliquer qu’en pleine pandémie les Américains arrivent à faire des élections? Que d’autres pays européens en aient fait aussi? On ne confine pas la démocratie”, s’agace-t-il, dans des propos rapportés le 22 mars dernier par Le Monde. 

Il est vrai que plusieurs de nos voisins ont fait le choix de maintenir leurs différents scrutins, malgré une situation épidémique délicate. Dans le détail, sur les neuf États de l’Union européenne concernés par des élections au premier semestre 2021, cinq (le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas, la Bulgarie ou encore Chypre) ont décidé de ne pas toucher leur calendrier. 

Oui mais voilà, si la très grande majorité du personnel politique veut que le scrutin ait lieu dans trois mois, ce n’est pas forcément le cas des électeurs. C’est en tout cas le principal enseignement d’un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour franceinfo et Le Figaro publié vendredi 26 mars. Sept Français sur dix se disent favorables à l’idée d’un report des régionales et départementales, alors que les restrictions sanitaires perdurent face à la pandémie de coronavirus. Les législatives partielles prévues les 4 et 11 avril à Paris et dans le Pas-de-Calais vont d’ailleurs sans doute être remises à plus tard pour ces raisons.

On se souvient également des débats, aussi âpres que nombreux, provoqués par le maintien du premier tour des élections municipales, au printemps 2020. Plusieurs responsables politiques, dont Olivier Véran ou Édouard Philippe ont même été l’objet de plaintes pour “abstention de combattre un sinistre”, et sont aujourd’hui visés par une enquête de la Cour de justice de la République. C’est donc dans ce contexte, conscient du caractère éruptif de la décision qu’il doit prendre, que Jean Castex promet de coller à l’avis des scientifiques. Une chance pour l’exécutif, qui avait plutôt tendance, dans ces dernières décisions, à repousser les recommandations de Jean-François Delfraissy et ses troupes.

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