En télétravail, vous adorez ou détestez vous regarder en visio ? Voici ce que ça dit de vous

La caméra peut avoir des conséquences sur l'attitude ou sur le regard que portent les télétravailleurs sur eux-mêmes. 

VIE DE BUREAU - Vous devez faire face à votre image tous les jours. Plus que jamais depuis la mise en place des nouvelles restrictions qui concernent tout le territoire métropolitain et l’instauration, quasi systématique, du télétravail. L’époque lointaine des réunions professionnelles sur le lieu de travail est révolue depuis le début de la crise sanitaire, il y a plus d’un an, et s’accompagne d’une démocratisation des visioconférences.

Place aux logiciels tels que Zoom, Skype, Teams... De votre canapé, salle à manger, chambre ou bureau, vous faites face à votre image au travers de la webcam. Vous pouvez regarder vos collègues intervenir lors des réunions et un panel de visages vous observe lorsque c’est à votre tour de prendre la parole. Oui, on vous regarde et vous le savez. Avec l’absence de perception des signes de communication non verbale (gestes, attitudes corporelles, etc.), l’apparence physique est devenue le cœur de tous les échanges. 

“C’est une nouvelle habitude qui est bien différente de celles d’avant. Auparavant, lors des réunions, l’attention était centrée sur celui ou celle qui prenait la parole. À présent, en visio, il est possible d’observer tout le monde, ceux qui parlent et ceux qui ne parlent pas, et de s’observer soi-même”, analyse Agnès Bonnet-Suard, psychologue clinicienne engagée dans la prévention des risques psychosociaux et la qualité de vie au travail. “Il y a aussi un réel poids psychologique à faire face à son apparence chaque jour”, ajoute-t-elle. 

Pendant les visioconférences, vous sentez-vous observés? Vous regardez-vous? Cela, a-t-il des conséquences sur votre attitude ou sur le regard que vous portez sur vous-même? Alizée, Ludovic et Thomas* témoignent de leur expérience avec la webcam pour Le HuffPost.  

La plus belle pour aller visionner 

“Déjà que je passe une grande partie de mes semaines en jogging, je ne vais pas en plus me montrer comme ça devant mes collègues”, s’amuse Alizée, cheffe de projet marketing. 

Elle ne s’en cache pas. Depuis la mise en place du télétravail, et donc, des réunions en visioconférence, elle ne s’est jamais autant apprêtée. Coiffure, tenue, maquillage... Tout est calculé. “Je crois que je ne prenais pas autant soin de moi auparavant, lorsque je me rendais encore au bureau. Puisque je dois faire face à mon image avec la webcam et au regard des autres, j’ai envie de faire bonne impression”, confie la Parisienne de 28 ans.

Avant chaque réunion, elle passe devant le miroir de sa salle de bain pour s’assurer que sa coiffure soit bien en place. Pendant la visioconférence, elle scrute le retour caméra pour débusquer la moindre mèche rebelle. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle agit ainsi, Alizée a son analyse toute trouvée: “Je pense que la période actuelle est tellement difficile que j’ai envie de montrer aux autres que pour moi, tout va bien. C’est mentir, car ce n’est pas forcément le cas, mais ça me fait me sentir plus forte.” 

Pour Agnès Bonnet-Suard, cette attitude n’a rien d’étonnant. Selon la professionnelle, différents comportements peuvent se dégager lors de ces réunions en distanciel. Le cas le plus répandu: “Une personne qui va être à l’aise, qui aura confiance en elle et ne se regardera pas forcément dans le retour caméra et ne le fuira pas pour autant”. 

Le second type de comportement, toujours selon la psychologue, se rapproche davantage de celui d’Alizée: “Une personne étant à l’aise, qui va chercher à plaire, à agir sur son interlocuteur au travers de sa webcam. Elle va avoir tendance à s’admirer et à se saisir de ce média”. Pour d’autres, faire face à la caméra au quotidien n’est pas une chance, encore moins opportunité pour “agir sur son interlocuteur”.  

“Je ne me regarde plus”

Ses complexes ont pris le dessus. “Ma confiance a tellement chuté ces derniers mois que je ne me regarde plus. J’ai plein d’amis qui sont dans le même cas que moi, ça fait peur”, confie Ludovic, responsable d’une start-up bordelaise. 

Se voir une fois dans le miroir le matin, en se préparant, ça lui suffit amplement. “Au départ, lors des réunions en visio, j’avais tendance à me regarder. Petit à petit, j’ai commencé à me faire des complexes. Nez trop gros, rides sur le front, cernes énormes... Franchement, j’ai abandonné! Je ne prête plus aucune attention au retour caméra”, raconte le trentenaire. 

Se focaliser sur les “défauts” de son visage n’est pas surprenant lorsque l’on est confronté à son physique chaque jour, d’après Agnès Bonnet-Suard. “Certaines personnes vont avoir tendance à perdre confiance en elles et à complexer sur l’image qu’elles renvoient”, ajoute-t-elle. 

Ces complexes qui peuvent parfois aller plus loin et mener jusqu’à des actes chirurgicaux. Pour la clinique des Champs-Élysées, les opérations chirurgicales ont augmenté de 30% depuis l’année dernière. “Le recours quasi quotidien à la visio a renvoyé une image à des gens qui n’avaient pas l’habitude de se regarder pendant des heures devant un écran”, a expliqué la directrice générale de la clinique pour 20 Minutes

Vivons mieux, vivons caché

Thomas* a trouvé la solution pour ne plus être confronté à son image. C’est simple, il ne met plus sa webcam. “J’ai de la chance d’avoir des employeurs compréhensifs. Je dis que ma caméra est cassée, comme ça, je suis excusé”, raconte le jeune homme de 24 ans travaillant pour une boite de production parisienne. 

“Avec mon métier, c’est moi qui suis derrière la caméra habituellement. J’ai vite compris que les réunions hebdomadaires en visio n’allaient pas me plaire. Je ne supporte pas de me voir et je me sens tellement vulnérable à la vue de tous”, rajoute-t-il.

Depuis le début de la crise sanitaire, en mars dernier, Thomas a pris “énormément de poids”. Un changement physique qu’il a du mal à accepter. “C’est dur de devoir faire face à son image lorsque l’on a du mal à s’aimer”, conclut-il. 

“Des attitudes phobiques peuvent naître chez certaines personnes”, analyse Agnès Bonnet-Suard, “des phobies envers les autres ou envers soi-même”. Pour ces personnes, la solution n’est pas forcément de mettre la caméra sur “ON” pour sortir de sa zone de confort. Pour la psychologue clinicienne, “il faut simplement se dire que, lors des visioconférences, tout le monde est dans le même cas, sur le même pied d’égalité”.

*Le prénom a été modifié

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