La République en marche "a montré ses limites", cinq ans après

François Patriat:

POLITIQUE - La République en marche, ce “truc”, ce “mouvement de jeunesse”, tel que l’avait qualifié Emmanuel Macron lors de sa création en 2016 pour en minimiser la portée auprès de François Hollande, fête aujourd’hui ses cinq années d’existence. 

Mais que reste-t-il des espoirs formulés en ce 6 avril 2016 à Amiens? La machine du président de la République est certes devenue le premier parti politique de France par sa fortune (23 millions d’euros), voire par son nombre d’adhérents (420.000 revendiqués, mais sans cotisation)... mais a échoué à incarner le vaste mouvement transversal qu’elle ambitionnait d’être. Pire, nombre de ses élus n’ont cessé d’étaler publiquement leurs divergences, quand ils ne décidaient pas de claquer la porte -avec plus ou moins de fracas.

En guise de bougies, certains promettent même au parti présidentiel une prochaine disparition, alors que la grande élection du printemps 2022 se profile. Le patron du groupe LREM au Sénat François Patriat, lui, prône plutôt une évolution, car, il l’admet: “le mouvement a montré ses limites.” Interrogé par Le HuffPost sur cet anniversaire, l’ancien ministre socialiste qui fut l’un des rares élus présents à Amiens il y a 5 ans et l’un des tout premiers à rejoindre Emmanuel Macron évoque ce quinquennat avec franchise. 

Quel souvenir gardez-vous du lancement d’En Marche, le 6 avril 2016 à Amiens? 
J’étais dans la salle il y a cinq ans, avec le sentiment de vivre quelque chose d’historique. Emmanuel Macron avait hésité sur le lieu, sur la présence de responsables politiques, mais j’étais convaincu de la portée de ce moment. J’avais la sensation qu’on allait y arriver, qu’on allait gagner, je l’ai dit d’ailleurs à Stéphane Séjourné (conseiller du Président devenu eurodéputé, ndlr) avec qui je suis rentré après. On a vu rapidement l’engouement avec un autre moment fort: le meeting à la Mutualité en juillet. On avait rempli la salle en à peine douze heures.

Et il y a eu plusieurs surprises, à commencer par le nom du parti, En Marche, avec les initiales du président de la République, que certains qualifiaient de ‘mégalo’. C’est à ce moment-là aussi qu’il a expliqué qu’il n’était ’ni de droite ni de gauche.’ Et les premières critiques sont arrivées.

Emmanuel Macron lors du lancement du mouvement En Marche! le 6 avril 2016 à Amiens.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du mouvement depuis?
On est resté un mouvement d’adhérents, mais pas de militants, qui est né sur le net avec des gens, parfois déçus, qui vont et qui viennent. Ce n’est pas un mouvement qui va à la rencontre des gens, qui s’implante localement. Ce n’est pas dans la mentalité des gens qui l’ont créé. Ils ont envie de donner leurs avis, mais pas de coller des affiches. 

Surtout, les marcheurs ont toujours pensé qu’on pouvait répéter la victoire des élections législatives de 2017 où il suffisait d’avoir l’étiquette En Marche pour être élu. Mais ça, ça n’arrive qu’une fois, ça ne se reproduira plus de la même façon, même pour la réélection d’Emmanuel Macron. 

Justement, La République en marche est-elle adaptée à la course pour 2022?
Le mouvement a ses limites. Je pense qu’il faut en faire un véritable parti présidentiel avec les structures habituelles d’un parti et qui, certes, utilise le numérique, mais s’implante également dans la population et ailleurs. Aujourd’hui, les marcheurs ne sont pas identifiés sur le terrain. Quand on met quelqu’un en avant pour les élections locales par exemple, on s’étonne parfois qu’il soit membre de la majorité.

Le parti doit être moins numérique et plus offensif."François Patriat, président du groupe LREM au Sénat.

Quelle forme ce parti pourrait-il prendre?
Il faut que ce parti dépasse le cadre d’En Marche. Qu’il soit plus ouvert, moins numérique et plus offensif. Il faut, demain, que l’on réunisse les marcheurs, ceux qui ont suivi le projet. Car LREM a produit des idées sur la société civile, la fiscalité, les transports ou l’écologie par exemple, mais comme le gouvernement, d’une certaine manière, on a du mal à faire en sorte que ça impacte, que ça diffuse dans l’opinion. 

Les évolutions que vous prônez induisent-elles, un changement à la tête de LREM lors du renouvellement de la direction cet été?
Un changement de direction, je ne sais pas. Mais demain, il faut que le président de la République fasse monter des ministres performants comme Julien Denormandie, Agnès Pannier-Runacher ou Olivier Dussopt, autour de lui. Que notre parti soit incarné par des hommes et des femmes qui le tirent vers le haut.

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