Pas facile de solder les comptes et les mécomptes de l’Histoire. L’exemple du génocide rwandais est là pour nous le rappeler. La visite d’Emmanuel Macron était donc très attendue. Pouvait-il faire acte de repentance en raison de la passivité de l’armée française ? Pouvait-il au contraire dégager totalement la responsabilité de la France, en arguant du fait que le massacre organisé des Tutsis par les Hutus était une affaire intérieure rwandaise ? Le chef de l’Etat a choisi une voie moyenne : reconnaître la responsabilité de notre pays, en rejetant toute idée de complicité. De fait, l’armée française n’a pas participé, ni de près ni de loin, au massacre. Mais elle a laissé faire. Or cela faisait des mois que le génocide se préparait presque au vu et au su de tout le monde. La classe politique française a préféré détourner le regard, avec un exécutif en pleine cohabitation, donc peu enclin à se diviser sur le dossier d’un petit pays africain. Résultat : la France traîne ce boulet depuis 1994. Le déplacement présidentiel, on s’en doute, n’a pas satisfait les extrêmes. A gauche, on aurait préféré que Macron demande pardon. A droite, on dénonce une repentance perpétuelle. Ping-pong idéologique classique…
L’affaire rwandaise est aussi l’une des conséquences de la politique française à l’égard de l’Afrique. Elle démontre les limites de la « Françafrique », ce concept bizarroïde qui permet d’adouber des dirigeants favorables à la France, au nom de la sempiternelle raison d’Etat. Au Rwanda il a justifié de jouer les Ponce Pilate. Au Mali, après une intervention légitime contre les djihadistes, il rend notre pays prisonnier des réglements de comptes à la tête de l’Etat malien. Cela fait des années que des voix se font entendre pour tourner la page et établir des relations plus équilibrées avec les pays africains. La morale serait sauve, mais un danger pointerait tout de suite. L’Afrique, avec ses richesses minières, suscite les convoitises des grandes puissances comme la Chine et les Etats-Unis.
L’article Tourner la page – L’édito de Patrice Chabanet est apparu en premier sur LE JOURNAL DE LA HAUTE-MARNE.
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