Comment fonctionne le rétro-tracing généralisé cet été pour éviter un rebond de l'épidémie

Lors de cet entretien avec un cas détecté de Covid-19, l'Assurance maladie espère retracer les personnes rencontrées, identifier d'éventuels clusters et freiner la progression de l'épidémie (photo: Jean Castex à la CPMA du Bas-Rhin le 13 novembre 2020).

CORONAVIRUS - Le traçage des cas du Covid-19 n’est pas mort, il évolue. Sous le feu des critiques depuis le début de la crise sanitaire, le “tracing” se voit désormais affublé d’un préfixe - “rétro”- révélateur d’une ambition nouvelle de la part de l’Assurance maladie.

Généralisé dès cet été selon un communiqué de l’organisme, le rétro-tracing promet donc un retraçage des chaînes de contaminations “à la japonaise”, pays en avance sur les questions épidémiologiques et l’identification des cas contacts. Zoom sur les rouages de cette méthode, censée éviter une nouvelle vague. 

“Le rétrotracing apporte une nouvelle pierre à l’édifice pour lutter contre l’épidémie. Il resserre un peu plus les mailles du filet mis en place pour retracer les chaines de contamination et les stopper”, déclare par communiqué Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie. 

Identifier les moments, lieux et événements à l’origine de la transmission

En expérimentation depuis le 25 mars en Côte-d’Or et Loire-Atlantique, le rétro-tracing a déjà fait ses preuves. Il permet de “remonter plus haut dans les chaînes de contamination” que ne le faisait son cousin le “tracing”, souligne le directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam) Thomas Fatôme.

L’enjeu est d’identifier, au-delà des personnes que le malade du Covid-19 a croisées, les moments, les lieux, les événements à l’origine de la transmission du Covid-19 ainsi que tous ceux qui ont été “co-exposés”. 

Jusqu’à maintenant, le tracing avait pour objectif d’identifier les cas contacts d’une personne positive au Covid-19 en remontant sur une période de 48 heures pour les symptomatiques et de 7 jours pour les asymptomatiques.

Trop lent, pas assez exhaustif, ce tracing a connu des déboires. Il fallait en moyenne 8 jours à l’Assurance maladie pour appeler les cas contacts. Un délai qui rendait totalement inopérant l’isolement des cas contacts, puisqu’il avait déjà croisé énormément de personnes durant leur phase infectieuse du Covid-19. 

Ce délai est progressivement passé à trois jours, grâce aux efforts des enquêteurs et à un meilleur usage de cette technique. “Le consensus scientifique nous dit que ce dispositif n’est valable, n’est efficace qu’au-dessous d’un seuil de circulation qui correspond à peu près à 5000 cas par jour”, a précisé Thomas Fatôme. Or, c’est le cas depuis la semaine dernière en France.

Profitant donc de ces conditions favorables pour retracer les interactions des cas identifiés, le rétro-tracing promet d’aller plus loin, en prenant en compte les 10 jours ayant précédé l’identification de la maladie, a encore expliqué Thomas Fatôme ce jeudi 17 juin lors d’une conférence de presse.

“Cette enquête sanitaire plus approfondie”, comme la décrit Pierre Rousseau, directeur général de la CPAM de Loire-Atlantique, permettra “d’aller interroger la personne positive sur les raisons, les éléments ou les moments de contamination, plus ou moins collectifs, qui ont pu être la source de cette contamination” si cette dernière s’est produite hors du foyer.

Débusquer les “co-exposés” et les clusters

L’objectif derrière cet interrogatoire est de débusquer des “co-exposés” qui ont partagé avec le positif ces événements de contamination. Avec en ligne de mire la volonté de les inciter à s’isoler. Le 1er juin, le rétro-tracing était effectif dans 17 départements, 43 autres ont été inclus le 15 juin et le dispositif sera généralisé à toute la France le 1er juillet.

Qui procédera à ce rétro-tracing? Comme pour le tracing dit “classique” ou “prospectif”, l’Assurance maladie est aux manettes. Mais avec des questions “réajustées”, “plus intrusives”, “puisque la seule question ne consiste pas à savoir quelles personnes on aurait pu contaminer, mais dans quelle situation, dans quel lieu, à quel moment”, note Pierre Rousseau.  

Selon les données obtenues lors de l’expérimentation, quand la contamination s’est produite hors du foyer, 10% des personnes sont capables d’identifier leur circonstance de contamination, “autant de situations que l’Assurance maladie va pouvoir investir”.

Et selon ces mêmes chiffres, à consolider au niveau national, cette identification permet en moyenne de débusquer une quinzaine de personnes co-exposées (dont 10%, environ deviennent positives).

En collaboration avec les ARS

Dans certains cas, les agences régionales de santé (ARS) pourront prendre la main. “Notamment quand l’événement trouvé ne permet pas à l’Assurance maladie d’identifier nominativement toutes les personnes”, explique Jean-Baptiste Calcoen, directeur de la mission nationale tracing à la Cnam, citant les compétitions sportives, les réunions culturelles, les foyers, les établissements hospitaliers...

Elles pourront également avoir à se déplacer “pour délier les langues”, quand la contamination a eu lieu lors d’un événement interdit, où “sans que les parents soient au courant”, note Pierre Rousseau.

Selon l’Assurance maladie, le rétro-tracing permettra également de renforcer la recherche de variants. Remonter aussi loin dans la chaîne de contamination pourrait stopper net les clusters de variants dans une région donnée, et ainsi freiner leur diffusion sur l’ensemble du territoire. 

Le dispositif devrait également permettre d’identifier des types d’événements et de lieux plus contaminants. “Probablement que d’ici quelques semaines, nous pourrons dire s’il y plus de risque d’être contaminé en participant à tels types d’événements ou à tel autre”, selon Jean-Baptiste Calcoen.

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