SCIENCE - Ce mercredi 30 juin marque théoriquement une nouvelle étape du déconfinement en France, même si le port du masque en extérieur est déjà derrière nous. L’été qui s’annonce fait furieusement penser à celui de 2020, où tout semblait aller pour le mieux. Avec les suites que l’on connaît: une vague épidémique à l’automne. Car si les chiffres de l’épidémie de Covid-19 sont “extrêmement bas”, ils sont surtout “faussement rassurants”, a mis en garde ce mercredi sur RTL Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique.
“On doit se souvenir de ce qui s’est passé l’été dernier: on était à des chiffres à peu près comparables... et on a vu la deuxième vague en septembre”, a-t-il rappelé, alors que de nouvelles modélisations de l’Institut Pasteur viennent justement de démontrer ce risque.
Et la vague de l’automne pourrait bien se préparer et démarrer dans les semaines à venir, avec un relâchement bien logique de la part des Français. Après tout, les cartes sont au vert, les courbes sont en chute libre. Sauf une: celle de la progression du variant Delta (indien). “Il est déjà à un niveau de pourcentage qui va augmenter progressivement dans un niveau d’infection générale qui est bas, et qui va rester bas pendant longtemps”, a rappelé Jean-François Delfraissy.
L’épidémie au point mort (ou presque)
Quoi qu’il arrive, les chiffres de l’épidémie vont en effet rester bas pendant quelque temps. Il suffit de regarder les indicateurs de suivi du Covid-19 pour s’en convaincre. De l’incidence au taux de positivité en passant par les indicateurs hospitaliers, nous n’avons plus vu de chiffres aussi bas depuis l’été 2020. Le R effectif n’a même jamais été aussi faible depuis le début de l’épidémie.
Résumé des différents indicateurs
- Taux d’incidence: c’est le nombre de cas détectés pour 100.000 habitants. Il est très utile, car il donne un état des lieux de l’épidémie en quasi-temps réel (quelques jours de décalage pour l’apparition des symptômes, voire avant leur apparition pour les cas contacts). Mais il est dépendant des capacités de dépistage.
- Taux de positivité: c’est le nombre de tests positifs par rapport aux tests totaux effectués. Il permet de “contrôler” le taux d’incidence. S’il y a beaucoup de cas dans un territoire (taux d’incidence), mais que cela est uniquement dû à un dépistage très développé, le taux de positivité sera faible. À l’inverse, s’il augmente, cela veut dire qu’une part plus importante des gens testés sont positifs, mais surtout que les personnes contaminées qui ne sont pas testées, qui passent entre les mailles du filet, sont potentiellement plus nombreuses.
- Taux d’occupation des lits de réanimation par des patients Covid-19: C’est un chiffre scruté, car il permet de savoir si les hôpitaux sont capables de gérer l’afflux de patients. Il est très utile, car il y a peu de risque de biais: il ne dépend pas du dépistage et les occupations de lits sont bien remontées aux autorités. Son désavantage: il y a un délai important entre la contamination et le passage en réanimation, d’environ deux à trois semaines.
- Entrées en réanimation et nouvelles hospitalisations: moyenne lissée sur 7 jours des personnes entrant à l’hôpital
- Décès à l’hôpital: Comme les réanimations, c’est un indicateur plutôt fiable, mais avec un délai important.
- R effectif: cet indicateur représente le “taux de reproduction du virus” réel, c’est-à-dire le nombre de personnes infectées par un cas contagieux. Il est calculé par des épidémiologistes et a lui aussi un délai important.
À l’échelle départementale, certains territoires sont scrutés de près, comme les Landes, du fait de la présence du variant Delta. Mais pour le moment, aucune hausse nette et, surtout, durable n’est observée. Les foyers locaux semblent être relativement maîtrisés.
Du côté des indicateurs hospitaliers, la vague est clairement passée et la pression est retombée partout. Même dans les régions les plus touchées, comme les Hauts-de-France et l’Île-de-France, le taux d’occupation des lits de réanimation est inférieur à 40%.
Un variant Delta qui va s’imposer avec certitude
Pourtant, ces chiffres au beau fixe ne doivent pas faire oublier que 50% de la population française seulement a reçu une première dose de vaccins. Ni que les prises de rendez-vous commencent à baisser, tout comme le rythme des premières injections.
Or, sans une couverture vaccinale très importante, il est peu probable que le coronavirus disparaisse et nous laisse tranquilles, une fois l’automne revenu. Surtout, la situation ne va pas s’améliorer dans les semaines à venir à cause de la progression du variant Delta. Bien plus contaminant, il a déjà participé à la survenue d’une nouvelle vague en Inde, au Royaume-Uni, au Portugal, en Russie, ou encore au Vietnam.
Présente sur le territoire depuis la fin avril, cette souche du coronavirus a longtemps été considérée comme circonscrite par les autorités de santé françaises, qui étaient pourtant quasiment aveugles pour suivre avec précision l’émergence de Delta et son implantation en France.
Résultat, ce variant représente au 19 juin 19% des tests criblés pour cerner des mutations clés du coronavirus, notamment celle liée au variant Delta (L452R). Il ne représentait que 4,6% des cas 12 jours plus tôt.
Et si l’épidémie continue de décroître, ce n’est pas le cas du nombre de cas Delta, qui augmente à chaque nouvelles données (dévoilées sporadiquement) par Santé publique France. À l’inverse, les deux autres mutations cernées par les tests de criblage (censées alerter sur des variants échappant à l’immunité, comme Beta et Gamma) sont stables ou en baisse.
Évidemment, de meilleures données avec un suivi plus exhaustif seraient nécessaires pour mieux comprendre la part de Delta et son évolution. Quoi qu’il en soit, cette souche plus contaminante devrait s’imposer à un moment ou à un autre en France. Reste à voir combien de temps Delta va mettre avant de devenir dominant.
Si c’est le cas, reste à voir si cela entraînera une nouvelle hausse des cas, comme dans de nombreux pays. Cela commencera très bas, avec une incidence semblant à peine augmenter. Mais c’est le principe d’une croissance exponentielle, elle peut démarrer très bas, mais double régulièrement en taille. C’est exactement ce qu’il s’est passé à l’été 2020, avec pour conclusion une vague hospitalière à l’automne. La différence, c’est que nous avons aujourd’hui accès aux vaccins pour tenter de limiter au maximum ce risque.
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