Le pass sanitaire, un "outil dangereux" pour les personnes trans?

Illustration d'un pass sanitaire.

TRANSIDENTITÉ - “La dernière fois que quelqu’un a compris que j’étais trans, j’ai été agressée.”  Zelie, 25 ans, redoute l’extension du pass sanitaire, prévue par le projet de loi adopté dans la nuit du dimanche 25 au lundi 26 juillet et qui devrait être effectif début août. Le fameux sésame sera notamment demandé pour se rendre dans un bar, au restaurant ou pour prendre le train et l’avion.

Sur ce pass - qui doit présenter un test Covid négatif, attestation de vaccination ou certificat de rétablissement -, on retrouve des informations identifiantes sur la personne tels que l’âge, le nom de famille ou le prénom. Et c’est ce dernier point qui inquiète particulièrement les personnes trans n’ayant pas - ou seulement récemment - réalisé leur changement d’état civil.

C’est justement le cas de Zelie. Si elle a officiellement modifié son prénom il y a près d’un an, elle vient seulement de lancer les démarches auprès de la Sécurité sociale. Des retards, selon elle, dus à la crise sanitaire. Conséquence: son pass sanitaire indique encore son “dead name” (ancien prénom, NDLR). 

Ainsi, lorsqu’un commerçant scannera son QR code, c’est un prénom masculin qui s’affichera. “C’est clairement un coming-out forcé, souffle-t-elle. Cela va nous forcer à devoir expliquer notre situation à de nombreuses personnes, pas toujours très compréhensives, ou qui pourraient nous juger et ricaner”.

“Certaines personnes vont se couper de la société et n’oseront plus sortir”

Une crainte partagée par Victor, 22 ans, qui possède lui aussi un pass sanitaire ave son “dead name”. “Vu que mon apparence est plutôt masculine et que 99% des gens me perçoivent désormais comme un garçon, j’appréhende le fait que ceux qui contrôlent mon pass sanitaire se disent qu’il y a un ‘décalage’ entre le prénom féminin figurant dessus et mon apparence, dit-il. En gros qu’ils puissent se dire que ce n’est pas moi, tout simplement”.

Et d’ajouter: “Il suffit que le contrôleur ne soit pas éduqué sur la question, et ça peut donner lieu à de la transphobie, mais là encore, comme à chaque fois que l’on doit présenter nos papiers au final”.

“Le pass sanitaire me semble un outil dangereux pour une personne trans comme moi, abonde Maddy, 35 ans. Je vais devoir expliquer pourquoi mon prénom et mon expression de genre ne correspondent pas, me laissant dans l’attente de la réaction, transphobe ou non, de la personne qui me contrôlera”.

Auprès du HuffPost, la co-présidente de SOS Homophobie, Lucile Jomat, “craint une hausse des cas de transphobie”. “Les personnes qui contrôleront ses pass sanitaires ne connaitront peut-être rien à la transidentité et pourraient avoir des comportements déplacés, voire violents”. “Certaines vont complètement se couper de la société et n’oseront plus sortir”, abonde-t-elle. Eden, un garçon trans de 15 ans, confirme ce pressentiment, assurant qu’il “se sentira mal à l’aise dans ces lieux, pourtant censés être là pour du divertissement ou de la relaxation”.

Face à ces risques, Lucile Jomat plaide pour “une anonymisation du pass sanitaire ou un système qui permettrait de faire apparaître seulement le nom de famille ou la première lettre du prénom”. “Il faut à tout prix limiter les risques de discriminations que pourraient subir les personnes trans”. Mais les chances qu’une telle proposition aboutisse sont très minces.

Difficultés administratives

Malgré les difficultés, certains tentent tant bien que mal de modifier leur pass. Maddy a changé son prénom à l’état civil en octobre 2020 et a contacté toutes les administrations dans la foulée. Pourtant, c’est encore son “dead name” qui est indiqué sur son pass sanitaire. “Il semble que la Sécurité sociale ait envoyé de vieilles listes aux différents centres de vaccination”, souffle-t-elle.

“J’en ai parlé aux personnes du centre de vaccination qui ont barré mon ancien prénom sur les attestations papier et m’ont conseillé de contacter l’antenne de ma CPAM, raconte-t-elle. Pour l’instant en vain...”

Sollicitée par Le HuffPost, la Direction générale de la santé (DGS) assure que “si l’état civil de la personne a été modifié, et que l’attestation de vaccination ou de dépistage comporte le prénom initial, il est possible de le faire modifier dans les systèmes d’information Vaccin Covid et dans SI-DEP et donc in fine dans le pass sanitaire”.

Concrètement, il faudra demander à sa caisse d’assurance maladie de mettre à jour son prénom, en produisant les documents administratifs. “La caisse d’assurance maladie d’affiliation sera alors en mesure de procéder à la mise à jour de sa base de données, puis de transmettre à la Cnam la modification opérée”, précise la DGS.

Cette même source confirme qu’il est en revanche impossible d’utiliser son prénom d’usage sur son attestation de vaccination “tant que le changement d’état civil n’a pas été fait”.

Un nouveau pass sanitaire généré?

Pour ce qui est du résultat de test négatif, “le prénom restitué sur le pass sanitaire est celui communiqué à la saisie par le professionnel de santé, assure la DGS. Si cette collecte du prénom par le professionnel de santé est directement faite à partir de la Carte vitale non à jour, il faut que la personne précise auprès du professionnel qu’elle souhaite indiquer un autre prénom”.

Pour le certificat de rétablissement, les personnes souhaitant modifier leur prénom peuvent “retourner vers le professionnel ayant réalisé le test pour qu’il fasse la rectification et génère un nouveau pass sanitaire”, ajoute la DGS. La démarche doit toutefois être réalisée dans les trois mois suivant l’établissement du certificat.

Des démarches administratives compliquées dont les personnes concernées n’ont pas forcément connaissance. Et même si elles savent comment faire, est-ce que ça fonctionne à chaque fois? Noémie, 16 ans, dit ne pas parvenir à faire changer son pass sanitaire, malgré son changement officiel de prénom.

“Lorsque j’ai fait ma deuxième dose, la carte vitale n’était pas encore à jour à cause d’une erreur de la Sécurité sociale, explique-t-elle Mais maintenant que tout est à jour, je n’arrive pas toujours pas à faire modifier mon prénom”.

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