CLIMAT - Un gaz peut en cacher un autre. Dans un nouveau rapport publié ce lundi 9 août, le Groupe d’Expert Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) alerte sur les émissions de méthane, en forte hausse ces dix dernières années (+6%), et depuis 1750 (+156%).
“En 2019, les concentrations de CH4 n’ont jamais été aussi élevées depuis au moins 800.000 ans”, déplorent les scientifiques du GIEC, dans ce premier volet du 6e rapport du GIEC, portant sur les preuves scientifiques du réchauffement climatique et la mesure de ses effets.
Pour permettre aux gouvernements des 195 pays membres du GIEC de mieux comprendre et de lutter contre le réchauffement climatique, le GIEC a agrégé les études scientifiques parues depuis son dernier rapport en 2013. L’organisation détaille en plusieurs scénarios les impacts directs des variations d’émissions de gaz à effet de serre sur le climat, dans lesquelles le méthane est mis en exergue.
Réduction du CO2 ET du méthane
“Nous avons besoin de réduire drastiquement les émissions de CO2, pour enrayer le réchauffement climatique. Mais si le méthane augmente en parallèle, nous n’y arriverons pas”, détaille au HuffPost Joeri Rogelj, un des auteurs principaux du rapport. Le méthane est 230 fois moins présent dans l’atmosphère, mais son effet de serre est bien plus fort.
“La lutte contre le méthane fait déjà partie des objectifs de l’accord de Paris, mais les actions menées n’ont pas suffi, résume le chercheur. Face à la hausse de ces dernières années, l’ONU et plusieurs ONG tentent régulièrement de renouveler l’attention des décideurs et du grand public portée sur ce gaz.
S’il est principalement émis durant la digestion des vaches et lors de l’usage de certains produits chimiques dans le secteur agricole, le méthane est aussi associé au gaz de schiste, une technologie qui, en fracturant les sous-sols, libère toutes sortes de gaz naturels, parfois mal filtrés par les exploitants, ce qui pourrait expliquer les hausses actuelles.
Une stratégie très efficace
“Réduire les émissions de méthane est la meilleure stratégie dont nous disposons à très court terme pour lutter contre le réchauffement climatique″, indique pour LeHuffPost Sarah Smith, membre de l’ONG Clean Air Task Force, spécialisée dans la lutte contre les “super polluants”.
“Le méthane est un composé à courte durée de vie, si on abaisse drastiquement ses émissions, on peut espérer une baisse rapide des concentrations atmosphériques, et donc des résultats plus immédiats qu’avec le CO2”, détaille en conférence de presse Sophie Szopa, une des auteurs du rapport du GIEC.
En juin, le rapport Global Methane Assesment de l’ONU expliquait qu’il était possible de réduire de 40% les émissions de méthane en 2030, principalement à l’aide de méthodes facilement déployables, peu coûteuses ou rémunératrices dans 85% des cas.
Gagnant - Gagnant
Car lutter contre le méthane permettrait par exemple de réaliser des économies de santé publique, souligne l’ONU. Dans l’atmosphère ce gaz se dégrade en d’autres particules, dangereuses pour l’homme. Chaque année, 255.000 personnes meurent prématurément dans le monde à cause de ce gaz. Réduire les émissions de CH4 pourrait aussi rapporter de l’argent s’il est par exemple piégé à sa libération, car on peut ensuite le brûler pour faire de l’énergie. Certaines centrales se nourrissent de déchets qui, en pourrissant, rejettent ce gaz.
Autre incitation à agir: jusqu’à présent, les politiques de santé publique visant à réduire la pollution de l’air se sont concentrées sur les particules fines. Or, le GIEC explique que la disparition de ces polluants participe à la hausse des températures, car elles assombrissent le ciel et réduisent ainsi le rayonnement solaire. “On ne peut pas choisir ses combats, il faut tout mener de front et lutter contre toutes les sources de gaz à effet de serre en même temps”, résume Sarah Smith, de Clean Air Task Force.
La France a récemment réaffirmé sa volonté de réduire ses émissions de méthane. Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a par exemple publié le 26 juin 2021 un “plan d’action climat”, qui doit montrer que ses décisions sont en accord avec les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Interrogées sur ce sujet à l’époque, les ONG climatiques, représentées par le Réseau Action Climat ont indiqué être déçues, par le manque d’ambition de ce plan.
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