En Guinée, Mamady Doumbouya, l'ancien bras armé devenu putschiste

Dimanche 5 septembre, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya est apparu à la télévision guinéenne pour annoncer le putsch ayant renversé le président Alpha Condé. Une mise en scène qui a jeté la lumière sur un militaire auparavant cantonné à l'ombre.

GUINÉE - Projeté soudainement en pleine lumière. Dimanche 5 septembre, un homme qui évoluait jusqu’alors dans l’ombre s’est retrouvé au premier plan en Guinée et au-delà: Mamady Doumbouya. Un colosse qui est le visage des putschistes auteurs d’un coup d’État contre le président Alpha Condé et qui promettent d’instaurer une démocratie véritable. 

Un homme dont le portrait se précise d’heure en heure. Militaire formé à l’école française, il est devenu le bras armé d’une force anti-terroriste de plus en plus puissante en Guinée et est donc aujourd’hui à la tête d’un changement que la population réclamait depuis la deuxième réélection d’Alpha Condé fin 2020. 

Pourtant, Mamady Doumbouya était un proche, ou du moins un fidèle du président déchu et l’une des principales figures militaires du pays. En octobre 2018, à l’occasion du soixantième anniversaire de l’indépendance de la Guinée, il était apparu pour la première fois aux yeux du grand public en défilant fièrement à la tête de son Groupement des forces spéciales (GFS), l’unité anti-terroriste dont il avait obtenu la création.

Un miliaire expérimenté et instruit

C’est cette troupe d’élite, dotée d’armes modernes et connaissant à la perfection le terrain -dans la capitale Conakry comme ailleurs dans le pays-, dont les hommes sont apparus au côté du lieutenant-colonel Doumbouya, cagoulés et lourdement armés, durant ses différentes prises de parole ayant suivi le putsch.

L’unité ne cessait de gagner en puissance ces derniers mois, au point même d’inquiéter certains responsables politiques. Le journaliste Bangaly Touré, qui a rencontré plusieurs fois Mamady Doumbouya, a expliqué sur France 24 que c’était particulièrement le cas au sein du ministère de la Défense.

Or le quadragénaire, marié à une Française et père de trois enfants d’après la presse locale, ne ressemble pas vraiment aux précédents auteurs de coups d’État dans ce pays qui en a connu plusieurs. Militaire expérimenté, opérationnel et instruit, Mamady Doumbouya a été formé à l’École de guerre de Paris, avant de combattre sous les couleurs de Légion étrangère française, notamment en Aghanistan. Il a également œuvré sur différents théâtres de guerre ou dans la protection rapprochée, d’Israël au Sénégal en passant par le Gabon, la Côte-d’Ivoire ou la Centrafrique. 

Après ce parcours, l’officier s’est progressivement immiscé dans les cercles du pouvoir guinéen à partir de l’élection d’Alpha Condé, parvenu au pouvoir en 2010 en prenant la suite d’un coup d’État militaire survenu deux ans plus tôt. Le lieutenant-colonel est ainsi arrivé dans les sphères de décision sans avoir progressé petit à petit au sein de la hiérarchie de l’armée guinéenne, mais avec une expertise et une formation reçues à l’étranger, réussissant un coup de force en obtenant finalement la création de son GFS. 

La force pour instaurer la démocratie réelle

Un passé qui lui permet aujourd’hui, après le putsch, de tenter de se démarquer des juntes militaires précédentes ou des pouvoirs déjà éprouvés par la population. C’est ainsi qu’il a affirmé au cours de ses différentes prises de parole répondre à une demande populaire en assumant le pouvoir. Une partie du peuple gronde en effet depuis qu’Alpha Condé a refusé fin 2020 de quitter la présidence comme le prévoyait la Constitution, pour s’offrir au moyen d’un référendum une troisième élection. 

Dans une interview accordée à France 24, le soldat à la large carrure a par exemple expliqué vouloir organiser une transition vers une démocratie réelle, se positionnant en opposition au pouvoir déchu. “Un système qui n’est pas inclusif, qui ne permet pas à tous les Guinéens de se rassembler, c’est un système qui ne pourra pas déboucher sur la paix”, a-t-il déclaré. 

Et c’est en ce sens qu’il est, à l’entendre, de son “devoir de sauver le pays et de rassembler les Guinéens”. Un objectif assuré et réaffirmé de “construire le pays” au contraire des dirigeants précédents. “Nous ne venons pas blaguer avec le pouvoir”, a clamé Mamady Doumbouya, référence en creux à la junte militaire ayant précédé l’arrivée d’Alpha Condé, période pendant laquelle le pouvoir était exercé en Guinée par Dadis Camara, à la fois showman lunaire durant ses allocutions télévisées et tyran violent capable de réprimer dans le sang l’opposition politique. 

Titulaire d’un Master 2 de défense et dynamiques industrielles de l’université parisienne de Panthéon-Assas, comme le rapporte l’AFP, Mamady Doumbouya a donc voulu marquer sa différence en évoquant Jerry Rawlings, arrivé par la force à la tête du Ghana dans les années 1980 après de pacifier le pays et d’instaurer une démocratie durable. Un homme que le lieutenant-colonel espère être un modèle et auquel il a repris cette phrase célèbre: “Si le peuple est écrasé par ses élites il revient à l’armée de rendre au peuple sa liberté.” 

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