Pourquoi “Shang-Chi et la légende des dix anneaux” est bien plus qu’un “film de super-héros”

CINÉMA - Ce 1er septembre sort au cinéma le dernier film des productions Marvel: “Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux”. Après visionnage, Le HuffPost a pu trouver plusieurs raisons susceptibles de (re)motiver les fans de Marvel, et de films d’action asiatique, à se rendre en salles.

  • Enfin de la fraîcheur dans l’univers Marvel

Shang-Chi est un héros relativement inconnu du grand public. Il est né sur papier dans les années 70, quand Marvel a voulu profiter de l’engouement de l’époque pour les films de kung-fu: la première BD Shang-Chi est sortie en décembre 1973, la même année où sortait le dernier film de Bruce Lee, “Enter The Dragon”. La série “Shang-Chi - Master of Kung Fu” a ensuite duré dix ans, jusqu’à son arrêt en 1983.

Depuis, seuls les mordus de BD américaine avaient pu croiser Shang-Chi dans certaines cases aux côtés de Spider-Man, des X-Men ou des Avengers dans les années 2000, comme le rappelle IGN.

En 2008, les projets de la grande fresque cinématographique Marvel réinitiée autour des Avengers semblaient prévoir un film sur “Shang-Chi”. Il n’a jamais abouti… jusqu’à être réactivé fin 2018 après le succès phénoménal de “Black Panther”, comme l’explique le site spécialisé Deadspin

Marvel a alors contacté le scénariste David Callaham, un Californien d’origine chinoise ayant travaillé à la fois pour des films de super-héros (AntMan, Wonder Woman 1984) et d’action (The Expendables, Zombieland 2...). Mission lui a été confiée d’écrire un film sur un nouveau super-héros Marvel, et ce faisant, inscrire l’univers culturel chinois dans la saga du MCU - jusqu’ici bien absent.

“Shang Chi et la Légende des Dix Anneaux” est donc une “origin story”, un film de présentation, où l’on découvre un personnage que la plupart n’auront jamais vu auparavant. On se plonge dans l’histoire, la famille, les amis et les ennemis d’un jeune homme a priori timide, mais doué pour la bagarre, dans des mondes fantastiques inédits, aux fins fonds d’un royaume magique des campagnes chinoises.

L’originalité de l’ensemble n’est pas excessive. Mais après 23 films Marvel sortis depuis 2008 mettant en scène à n’en plus finir des Captain America, Iron Man, Thor et compagnie, autant dire que cela fait du bien. Mieux : les personnes n’ayant jamais regardé de Marvel pourront tout de même apprécier un film d’action fantastique solide, dont le scénario tient sur lui-même et n’est pas entièrement dépendant des arcs narratifs des autres films ou séries Marvel. On respire.

Les fans, en revanche, apprécieront les quelques connexions avec le MCU, dont des révélations liées à “Iron Man” et “Iron Man 3″ (sur les origines du Mandarin et de l’organisation de Dix Anneaux), ou les apparitions de quelques personnages clés. 

  • Des chorégraphies magnifiques

C’est bien simple : on a rarement vu d’aussi belles scènes de combats à mains nues dans un film récent de super-héros. Les moments d’actions de “Shang Chi et la Légende des Dix Anneaux” sont souvent spectaculaires, mais laissent aussi toute la place à des affrontements à mains nues d’une grande clarté visuelle, comme on peut déjà le voir dans les extraits publiés sur Youtube:

Ce faisant, le film rend à la fois hommage à la spécificité de Shang-Chi dans l’univers Marvel (le héros n’a pas de pouvoirs et ne se construit qu’à la force de ses poings), mais aussi aux films d’arts martiaux de manière générale. Comme l’a noté BuzzFeed, les références aux films de Jackie Chan sont particulièrement notables, et c’est normal : l’équipe de tournage comptait en effet d’anciens membres de la “Jackie Chan Stunt Team”, une équipe de cascadeurs qui suivait l’acteur dans des films comme “Rush Hour”.

Dans une interview au site Fandango, le réalisateur hawaïen, Destin Daniel Cretton,a expliqué de son côté avoir puisé son inspiration dans “tous les films de Jackie Chan jamais tournés” mais aussi avoir cherché à s’intégrer “dans la longue tradition des films d’arts martiaux”, citant “Tigre et Dragon” ou “Tai Chi Master” dans ses influences.

Résultat:  si les décors, effets spéciaux et ambiances de “Shang-Chi” sont souvent soignés, mais finalement conformes à ce que peuvent sortir habituellement les studios Marvel, on garde surtout en mémoire des combats impressionnants dans leur grâce et leurs interprétations.

Extrait de
  • Parce qu’il s’attaque au racisme anti-asiatique

“Shang-Chi” est un manifeste pour mettre en avant une culture chinoise sous-représentée à Hollywood. Il le réussit en étant avant tout un bon film, nerveux et captivant: loin d’être une roue de secours pour Marvel, on en ressort avec l’idée que ce super-héros chinois pourra bel et bien trouver sa place aux côtés de futurs Avengers.

Pour autant, la question de l’intégration de la diaspora chinoise dans les pays occidentaux est aussi un sujet central du film. Le réalisateur Destin Daniel Cretton explique dans les notes de production envoyées à la presse avoir voulu “considérer chaque personnage comme un être humain multidimensionnel pour éviter les stéréotypes qui planent depuis longtemps sur les personnages asiatiques et américano-asiatiques”. 

Alors que les dialogues naviguent indifféremment entre Anglais et Chinois, une partie du film raconte la manière dont Shang-Chi a quitté son univers familial pour vivre, pendant dix ans, à San Francisco. On le voit notamment au bar avec ses amis d’origine asiatique se partageant diverses anecdotes sur leur intégration dans le pays, et on y apprend qu’il y a été victime de racisme, en se faisant appeler Gangnam Style par un client la première fois qu’il a travaillé.

Un souvenir qu’il partage avec sa meilleure amie Katy, un second rôle central et attachant du film, incarné par l’actrice et rappeuse Awkwafina (croisée notamment dans “Crazy Rich Asians”).

Extrait de

Le choix de Simu Liu comme acteur principal, tant pour incarner Shang-Chi que pour prononcer de tels dialogues, est loin d’être anodin.  Ambassadeur de l’Unicef, né en Chine avant d’avoir émigré dans sa jeunesse au Canada, il signait le 11 mars dernier une tribune virulente contre l’indifférence occidentale face au racisme anti-asiatique et à ses manifestations violentes depuis le début de la pandémie de Covid-19.

Le 16 août, Liu Simu s’énervait encore mais cette fois contre le patron de Disney directement, Bob Chapeck, qui avait parlé d’une “expérimentation” à propos de la diffusion de “Shang-Chi” (il sera visible sur Disney+ 45 jours après sa sortie en salles début septembre). “Nous ne sommes pas une expérience. Nous sommes des outsiders, des sous-estimés. Mais nous allons casser le plafond de verre. (...) Nous sommes la surprise. Je suis p…. de chaud pour faire l’histoire”, a-t-il posté sur Twitter, créant un début d’incendie avec Disney - mais réaffirmant surtout sa manière de considérer Shang-Chi comme une manière de mettre enfin sa communauté au premier plan. 

Un engagement raccord avec le projet de “Shang-Chi”. Dans une interview au site Inverse, le scénariste David Callaham a raconté de son côté avoir fixé “une liste des stéréotypes à exploser” dans le film contre la représentation des Asiatiques au cinéma et dans les médias. “Le problème n’a pas seulement été que nous avons été invisibles pendant longtemps. Cela va plus loin que ça. Nous sommes les cibles de blagues et de stéréotypes qui nous font du mal”, estime le scénariste : “nous savions que nous voulions changer tout ça”.

Le défi semble avoir été relevé: en Californie, des campagnes de financement en ligne sont même déjà lancées pour que des enfants d’origines asiatiques puissent aller voir un film avec “enfin un héros Marvel asiatique”, rapporte CNN.

Les équipes de “Shang-Chi” partaient pourtant avec un défi de taille: tenter de faire oublier, dans cette adaptation, les premières origines du super-héros. Lorsqu’il apparaît chez Marvel en 1973, c’est en effet en tant que fils caché du Dr. Fu Manchu: une figure stéréotypée de “super vilain chinois” machiavélique inventée au début du XXe siècle par l’écrivain britannique Sax Rohmeer, aujourd’hui très critiquée pour avoir propagé l’image raciste du “péril jaune” chinois dans la culture populaire occidentale.

Dans le film “Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux”, le Dr. Fu Manchu est complètement absent. Le père de Shang-Chi s’appelle désormais Xu Wenwu, et, s’il continue d’être un super vilain à la tête de mercenaires, ayant élevé son fils dans des conditions pour le moins critiquables il présente aussi certaines émotions et failles psychologiques qui n’empêchent pas une forme de rédemption. Le tout est interprété avec justesse par l’acteur Tony Leung Chiu-wai, qu’on connaissait davantage jusqu’ici pour son travail avec Wong Kar-Wai (par exemple en rôle principal d’“In the Mood for Love”, qui lui a valu la palme du meilleur acteur à Cannes en 2000).  

Extrait de

Faire oublier le Dr. Fu Manchu était essentiel du côté de Marvel et Disney. D’abord pour continuer à s’affirmer à la pointe des thématiques progressistes concernant les représentations modernes des super-héros (comme dans la récente série “The Falcon and the Winter Soldier” sur Disney+, qui explore pourquoi il était urgent que Captain America soit noir).

Mais c’était aussi nécessaire… pour que le film puisse sortir en Chine, ce qui n’est toujours pas certain à l’heure actuelle selon les médias américains, alors qu’“Avengers Endgame” avait réalisé un record d’audience dans le pays.

Le 20 août dernier, le site spécialisé Screenrant dressait la liste des reproches possibles que peuvent avoir les censeurs chinois contre le film: par exemple, le fait que Shang-Chi a malgré tout été le fils de Fu Manchu à sa création, ce que n’oublie pas Pékin. Mais aussi la présence à l’écran de Tony Leung, l’une des stars de cinéma les plus connues... de Hong-Kong ; et de Simu Liu, qui a désormais la nationalité canadienne et qui a pu déjà remercier publiquement ses parents de lui avoir construit une nouvelle vie en dehors de la Chine communiste.

Au point où Marvel a dû se lancer activement en campagne dans le pays: le 18 août, rapporte Variety, le producteur Kevin Feige donnait lui-même une interview à un critique reconnu de cinéma chinois, Raymond Zhou, pour lui assurer à nouveau que le Dr. Fu Manchu n’apparaîtra pas à l’écran. Mais la question demeure, à l’heure actuelle, de savoir si les Chinois pourront un jour juger directement dans leur pays les aventures du premier super-héros chinois des films Marvel.

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