
POLITIQUE - Séminaire gouvernemental ou atelier de campagne? Emmanuel Macron réunit ses ministres et secrétaires d’État ce mercredi 8 septembre pour parler réforme à court, moyen et long termes. Tous, chacun dans leurs couloirs, ont planché sur les priorités à donner aux “100 derniers jours” restants avant le début de la campagne présidentielle... et sur le plan d’investissement, baptisé “France 2030″, voulu par le président.
C’est le chef de l’État, lui-même, qui annoncera les contours de cette nouvelle enveloppe de 30 milliards d’euros, si ce n’est plus, dans les semaines à venir. “En octobre”, selon son conseiller Stéphane Séjourné dans Le Journal du Dimanche.
L’occasion pour le locataire de l’Élysée de dessiner sa vision de la France pour la décennie à venir, juste après avoir esquissé son école “du futur” à Marseille. Emmanuel Macron a choisi d’occuper les terrains politiques, économiques, internationaux et médiatiques pour la dernière rentrée de son quinquennat. Soit d’être présent sur tous les fronts.
Macron au centre du jeu...
Et il va falloir s’habituer à cette omniprésence. Après avoir enfilé son costume d’influenceur, en août, depuis ses vacances au fort de Brégançon, pour répondre aux fake news autour du Covid, le président de la République a revêtu celui d’un -presque- candidat, pour faire sa rentrée, sur trois jours, dans la cité phocéenne. Une durée exceptionnellement longue pour une visite présidentielle dans l’hexagone, au cours de laquelle il a multiplié les bains de foule, les prises de parole, les rencontres et promis l’aide de l’État à Marseille sur de nombreux sujets différents, de l’éducation à la sécurité. Un vrai déplacement de président-candidat.
De retour à Paris, Emmanuel Macron devait présenter et porter, ce mois-ci, le plan d’investissements de son gouvernement. Ce sera pour plus tard: insatisfait de la première ébauche, selon plusieurs médias, il en a repoussé les annonces. Qu’importe, le chef de l’État va pouvoir développer un autre de ses thèmes chers, ou crucial en vue du printemps 2022, dès la semaine prochaine, lors de la conclusion du Beauvau de la sécurité. “Il faut que chaque séquence vive”, résume un conseiller présidentiel au Monde à propos de cette rentrée chargée; offensive du côté de l’Élysée.
Signe que l’offensive fonctionne, l’opposition commence de son côté à s’agacer de cette double-casquette. “Tout le monde comprend qu’il est en campagne électorale, on est tous priés de faire semblant de ne pas l’avoir vu”, grinçait Jean-Luc Mélenchon, le chef de file des Insoumis à l’arrivée d’Emmanuel Macron à Marseille, le 1er septembre.
...et des affiches
Des critiques partagées, depuis, par des figures de droite ou de gauche... et balayées par la majorité. “Si agir en étant au contact des Français, c’est être en campagne, alors il est en campagne depuis quatre ans! On a trop été habitué à voir des politiques se tourner vers les Français uniquement pendant les campagnes électorales”, répliquait Stéphane Séjourné, dimanche dernier, dans le JDD, usant des mêmes éléments de langages que ceux déployés par Gabriel Attal deux jours plus tard, mardi, dans les colonnes du Monde.
“S’il faut attendre d’être en campagne pour aller sur le terrain et engager des réformes, attendez-vous à ne pas beaucoup les croiser (les opposants, NDLR) s’ils prennent les rênes du pays. (...) nous manquerions cruellement à nos devoirs en ne nous consacrant pas aux enjeux du pays”, fait opportunément valoir le porte-parole du gouvernement, pour qui Emmanuel Macron est “le seul qui peut incarner le camp des artisans de la conquête face à celui des partisans du repli.”
Et pour l’officialisation? À en croire les réponses du ministre, le chef de l’État pourrait patienter jusqu’à la fin de ces fameux “100 derniers jours” pour sortir du bois, soit au début de l’année 2022.
En attendant, la Macronie se met en ordre de marche. En coulisse, les soutiens s’activent, comme en témoigne la campagne d’affiches lancée par les “Jeunes avec Macron” ou le tract que s’apprêtent à distribuer les militants de la majorité présidentielle.
Lancement de la campagne pour la candidature d’Emmanuel Macron, avec le nouveau tract : 5 ans de plus #5ansdeplus#lrempic.twitter.com/L9tpR5ezQx
— En Marche Le Havre Seine Metropole (@EnMarcheLeHavre) September 7, 2021
Sur ce dernier, dévoilé par la presse, pas de bilan, ni de mesures phares et encore moins de propositions: juste l’image d’Emmanuel Macron, avec la mention “cinq ans de plus pour les Français.”
Fixer le tempo
Mais pourquoi se presser? Qu’il soit officiellement lancé ou non, le président de la République fixe le tempo de cette rentrée. De tracts en tribune, de déplacements en discours, il sature l’espace médiatique et tente d’imposer ses thèmes: la sécurité, la relance, la jeunesse. Autant d’opportunités pour préempter le débat, éviter d’être sur la défensive vis-à-vis des oppositions et réduire l’espace des candidats déclarés.
À ses adversaires, “il donne l’impression de dire: ’pendant que vous vous déchirez, moi je fais le job, je parle sécurité, je mets des moyens sur la table”, analyse la directrice de l’institut BVA, Adélaïde Zulfikarpasic, à l’AFP.
Suffisant pour garder la pole position? Tous les voyants sont au vert pour Emmanuel Macron et ses troupes. Les oppositions sont divisées, à droite comme à gauche et le président de la République, qui caracole en tête des intentions de vote, voit sa cote de popularité grimper en flèche pour s’établir à 33%, selon notre baromètre YouGov pour cette rentrée. Ce qui n’était pas le cas pour ses prédécesseurs François Hollande et Nicolas Sarkozy, loin derrière à la même époque.
Reste à savoir ce qu’il en sera à l’issu des “100 derniers jours” de 2021, alors que l’exécutif n’a visiblement pas renoncé à certaines de ses réformes impopulaires, celle des retraites en tête. C’est à ce moment-là que la France prendra la présidence de l’Union européenne. Une occasion rêvée pour Emmanuel Macron de mettre en avant sa stature internationale et d’investir le terrain européen, cette fois-ci. Avec combien de casquettes?
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