POLITIQUE - “Idée délirante”, “recul terrible”, “défenseur du non-droit”... une partie de la classe politique n’a pas de mots assez durs pour qualifier la dernière proposition de Claire Hédon. La Défenseure des droits, nommée à l’été 2020 pour succéder à Jacques Toubon propose d’expérimenter des “zones sans contrôle d’identité” sur le territoire français, dont plusieurs études documentent le caractère discriminatoire.
“Dans 95% des cas, les contrôles d’identité ne donnent rien. On nous a dit que c’était trop compliqué de faire des expérimentations avec le récépissé ou en quantifiant le nombre de contrôles. Mais qu’est-ce qu’on est en train de faire en ce moment avec le couvre-feu et le confinement?”, expliquait l’ancienne présidente mouvement ATD Quart Monde vendredi 12 février sur franceinfo.
Impensable pour les syndicats de police, rejoints par la droite et la majorité. Plusieurs responsables politiques sont rapidement montés au créneau, alors que, dans le même temps, des images de forces de l’ordre prises à partie samedi à Poissy suscitent une large indignation.
“Admettre qu’il y a des zones de non-droit”
Après avoir défendu le burkini, la Défenseure des droits veut expérimenter l’arrêt des contrôles d’identité, dans la lignée d'E. Macron qui dénonçait les contrôles au faciès. Arrêtons de jeter l’opprobre sur nos policiers. Les contrôles d’identité sont là pour nous protéger. pic.twitter.com/bqTqXUlDIw
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) February 14, 2021
“Après avoir défendu le burkini, la Défenseure des droits veut expérimenter l’arrêt des contrôles d’identité”, a par exemple ironisé Nicolas Dupont-Aignan, chef de file de Debout la France dimanche dans un tweet, alors que sur franceinfo, le délégué général LREM, Stanislas Guerini, estimait qu’une telle proposition “serait un recul terrible pour la République” qui reviendrait à “admettre qu’il y a des zones de non-droit, où le droit ne s’applique pas”.
Des policiers violemment attaqués à #Poissy et menacés : « Tuez-les ! Tuez-les ! ». Madame @clairehedon@Defenseurdroits, voici le quotidien de nos policiers et de certains de nos concitoyens qui, à défaut de demander des zones sans contrôles, vivent dans des zones de non-droit.
— François Jolivet (@FJolivet36) February 14, 2021
Dans la majorité toujours, François Jolivet, le député LREM de l’Indre y est allé, lui aussi, de son commentaire. “Voici le quotidien de nos policiers et de certains de nos concitoyens qui, à défaut de demander des zones sans contrôles, vivent dans des zones de non-droit”, a ainsi écrit l’élu sur les réseaux sociaux en allusion aux images d’une patrouille de police violemment prise à partie samedi 13 février, à Poissy dans les Yvelines.
Moins de contrôle? Non, plus de caméras, répond la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse (Libres!, ex-LR). L’ancienne ministre s’est dite sur LCI “totalement défavorable” à la proposition, considérant que “rétablir le lien entre la police et la population” passe par “les caméras embarquées” qui permettent d’”être sûrs que ça ne dérape pas”.
Même désapprobation du côté du député Les Républicains Robin Reda, qualifiant, ce lundi, Claire Hédon de “défenseur du non-droit”. Son collègue des Alpes Maritimes, Éric Ciotti, y avait vu samedi une “idée délirante” et “affligeant(e) de naïveté”.
“Pour certains jeunes, cela devient insupportable”″
Des prises de position qui s’inscrivent dans la lignée de critiques déjà formulées par plusieurs syndicats de police. “Le problème de nos quartiers, ce ne sont pas les policiers. Ne facilitez pas le ‘travail’ des délinquants en créant des zones de non-droit”, a ainsi répondu Alliance dans un tract, une des principales organisations chez les gardiens de la paix, quand Synergie-Officiers, accusait sur Twitter, Claire Hédon d’être “définitivement hors sol” et de vivre “dans un monde parallèle de bobos”.
Contacté par Le HuffPost, l’entourage de la Défenseure des droits n’a pour l’heure pas donné suite. “Cela fait un moment que l’on demande que soient menées des expérimentations parce qu’au bout d’un moment dans certains quartiers, pour certains jeunes, cela devient insupportable”, expliquait-elle, vendredi à franceinfo.
Le débat est effectivement latent depuis des décennies. Dès 2009, une étude menée à Paris par Open Society Justice Initiative et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) montrait qu’en France, les personnes perçues comme “noires” et “arabes” sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme “blanches”.
En janvier 2017, un rapport du Défenseur des droits avait conclu qu’un “jeune homme perçu comme noir ou arabe (...) a une probabilité 20 fois plus élevée” d’être contrôlé que l’ensemble du reste de la population. Interrogé par Le HuffPost en juillet 2020, Jacques Toubon pointait déjà du doigt le déni des responsables politiques en la matière, regrettant une “philosophie du ‘ni vu ni connu.’” Quatre ans plus tôt, en 2016, c’est la Cour de cassation qui avait définitivement condamné l’Etat pour des contrôles d’identité “au faciès”, une première.
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