POLITIQUE - “Ce que j’aurai à y dire, je le dirai à ce moment-là”, prévenait Emmanuel Macron le 18 mai. Près de 10 jours plus tard, le moment est venu pour le chef de l’État qui se rend au Rwanda ce jeudi 27 mai avec l’ambition de normaliser enfin des relations bilatérales empoisonnées depuis plus d’un quart de siècle par le rôle joué par la France dans le génocide des Tutsi de 1994.
Ce court déplacement au “pays des mille collines” s’ouvre dans un climat d’optimisme aussi bien à Paris qu’à Kigali. Le président français a affirmé la semaine dernière qu’il aura ”à cœur d’écrire une nouvelle page” entre la France et le Rwanda, deux pays qui, selon son homologue Paul Kagame, “ont désormais l’opportunité” de “créer une bonne relation”.
Une visite qui devrait consacrer l’”étape finale de normalisation des relations”, résume de son côté la présidence française. Pour cela, Emmanuel Macron aura à trouver les mots dans ce déplacement à la charge mémorielle très forte.
Il se rendra directement au Mémorial du génocide, situé à Gisozi, un quartier de la capitale, où sont inhumés les restes de plus de 250.000 victimes. Au cours de ce moment de “solennité particulière” selon l’Élysée, il prononcera un discours très attendu en s’adressant notamment aux “rescapés” de ce génocide qui a fait plus de 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi, entre avril et juillet 1994.
La délicate question des excuses
Reste alors à savoir à quoi ressemblera cette expression présidentielle, dans un contexte où plusieurs observateurs pressent Paris d’adresser des excuses pour le rôle joué par la France dans la commission de ce crime contre l’Humanité. Interrogé sur le sujet dans la revue Zadig, Emmanuel Macron a laissé entendre qu’il préférait la reconnaissance aux excuses. “Je pense d’abord que les Français ont besoin de porter sur [leur passé] un regard lucide décomplexé. Je ne suis pas du tout dans la repentance”, a répondu le chef de l’État.
Une ligne qui correspond, sur un autre sujet, aux préconisations de l’historien Benjamin Stora sur l’Algérie, préférant regarder “l’histoire en face” afin de réparer les injustices qui en découlent, plutôt que de formuler des excuses qui “ne contribuent pas à apaiser la relation à notre passé”.
“Des excuses ne peuvent venir à la demande. Elles doivent être sincères. Ce n’est pas à moi, ou à quiconque, de demander des excuses”, a estimé Paul Kagame dans un récent entretien au Monde. Le précédent président à s’être rendu à Kigali, Nicolas Sarkozy, n’avait pas été aussi loin en 2010: il avait reconnu de “graves erreurs” et “une forme d’aveuglement” des autorités françaises ayant eu des conséquences “absolument dramatiques”.
“Responsabilités lourdes et accablantes”
Malgré ces déclarations, les relations entre Paris et Kigali sont depuis restées difficiles, passant par des phases de fortes tensions. À son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron relance le travail de rapprochement, notamment en développant de bonnes relations avec Paul Kagame, qui se présente en champion africain de l’environnement et du numérique.
Après l’élection - avec le soutien de Paris - de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie, une nouvelle étape est franchie avec la remise en mars du rapport dirigé par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France dans le génocide.
Ce rapport conclut aux “responsabilités lourdes et accablantes” et à l’“aveuglement” du président socialiste de l’époque François Mitterrand et de son entourage face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu que soutenait alors Paris. “Je peux m’accommoder” de ces conclusions, qui écartent la “complicité” de la France, a commenté Paul Kagame, qui dirigeait en 1994 la rébellion tutsi ayant mis fin au génocide.
Message global
Pour concrétiser la normalisation, les deux présidents pourraient s’entendre sur le retour d’un ambassadeur français à Kigali, où le poste est vacant depuis 2015. Une autre étape sera l’inauguration par Emmanuel Macron du “centre culturel francophone” de Kigali, un établissement qui “aura vocation à faire rayonner non seulement la culture française mais aussi toutes les ressources de la francophonie, notamment des artistes de la région”, selon la présidence.
Car, pour Paris, il s’agit d’envoyer un message global d’ouverture à la jeunesse africaine, qui peine à être convaincue de la volonté de l’ancienne puissance coloniale de tourner la page de la “Françafrique”. Plus ouvert que ses prédécesseurs vers l’Afrique anglophone, Emmanuel Macron est ensuite attendu vendredi en Afrique du Sud pour une courte visite axée sur la lutte contre la pandémie de Covid-19 et la crise économique qu’elle provoque. À Pretoria, il rencontrera son homologue Cyril Ramaphosa qu’il a récemment accueilli à Paris à l’occasion du sommet sur le soutien aux économies africaines.
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