UNION EUROPÉENNE - C’est la rentrée. Pour les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne en tout cas. Les Vingt-Sept se retrouvent pour la première fois de l’année ces lundi 24 et mardi 25 mai pour un Conseil européen “en présentiel” après plusieurs rendez-vous organisés à distance depuis décembre 2020.
Cinq mois plus tard, les dirigeants du Vieux Continent devaient initialement parler climat pour donner quelques orientations à la Commission en vue de son plan législatif “Fit for 55” sur la réduction des gaz à effet de serre. Il en sera bien question à Bruxelles, mais l’actualité internationale mouvementée est venue étoffer un programme déjà dense, ajoutant ainsi la lutte contre les variants du Covid-19, la politique vaccinale, les affrontements au Proche-Orient, ou l’attitude à adopter vis-à-vis de la Russie, à l’ordre du jour.
Le tout à quelques encablures de la première visite de Joe Biden sur le continent, et d’une réunion États-Unis - Union européenne prévue pour la mi-juin -au lendemain du sommet du G7 en Cornouailles, au sud-ouest de l’Angleterre- pour lequel les Vingt-Sept feraient mieux de parler d’une seule voix.
À la recherche d’une alternative à la levée des brevets
Car si le nouveau président démocrate n’a pas encore quitté le sol américain, certaines de ses prises de position ont déjà changé la donne à l’échelle internationale, sur la taxation des multinationales ou la fameuse levée des brevets des vaccins contre le Covid-19. Les Vingt-Sept devraient débattre de ce sujet délicat, même si l’Élysée préfère parler de “solidarité internationale”, dans la lignée des reproches formulés par Emmanuel Macron à l’encontre de son homologue américain sur son refus, dans un premier temps, d’exporter des doses vers les pays pauvres.
“Dans ce débat-là, pour nous, il a toujours été question, au regard des annonces américaines, de savoir ce qui est le plus efficace à court terme”, fait valoir la présidence de la République quant à la question des brevets mise sur la table par Joe Biden le 6 mai dernier. Ajoutant, dans une nouvelle pique aux États-Unis: “le plus efficace à court terme, ce sont les exports et les dons de doses, et tous nos grands partenaires ne le font pas.”
L’UE, qui n’a pas caché son scepticisme, va même proposer une alternative auprès de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à l’option poussée outre-Atlantique, à en croire le Commissaire au Commerce qui s’exprimait mercredi 19 mai devant le Parlement européen. La Commission soumettra “bientôt” une “proposition” pour “faciliter les échanges et mettre de l’ordre dans les restrictions d’exportation” des pays producteurs, a ainsi promis Valdis Dombrovskisdit au moment où les eurodéputés votaient au contraire, et malgré leurs divisions, une résolution demandant à l’Union de soutenir cette fameuse levée.
Mais cette nouvelle approche, prônée par l’exécutif européen, “mérite d’être partagée avec les États-membres pour qu’on en connaisse le détail”, temporise de son côté l’Élysée, en expliquant que cette option devrait être débattue à Bruxelles lors du Conseil européen. L’idée serait de “travailler à l’utilisation de toutes les flexibilités qui sont autorisées par les accords TRIPS (sur les des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) en cas de pandémie plutôt que se limiter à une initiative ad hoc” et ainsi ne pas “créer une sorte de régime d’exception pour la seule pandémie de Covid-19.”
Inaudible sur le Proche-Orient
Outre l’épineuse question des brevets, les Vingt-Sept vont également discuter du retour à la libre circulation sur le continent ou de la stratégie vaccinale à adopter pour le futur, entre autres sujets liés de près ou de loin à la pandémie. Mais, l’actualité internationale bouleversant les ordres du jour diplomatiques, les dirigeants vont également échanger autour des tensions au Proche-Orient, dossier sur lequel l’Europe est restée inaudible, parce que divisée, et les États-Unis particulièrement discrets jusqu’à l’adoption d’un cessez-le-feu vendredi 21 mai.
Premier partenaire économique d’Israël et soutien clé dans le développement de la Palestine, l’UE dispose dans l’absolu de plusieurs moyens de pression. Mais ils sont difficilement utilisables à cause de divergences de vues internes, la Hongrie a par exemple refusé de se joindre à une déclaration commune au cours de la semaine. “Les divisions se sont accrues entre les États membres sous l’influence de l’administration Trump qui a beaucoup radicalisé le dossier (...) les États membres sont tout autant divisés pour utiliser les leviers”, analyse Pierre Vimont, diplomate français et expert au centre Carnegie Europe, pour l’AFP, déplorant “une absence totale d’initiative”.
Outre-Atlantique, l’administration Biden a de son côté privilégié les canaux bilatéraux au détriment de l’ONU -et au grand dam d’Emmanuel Macron- où elle a bloqué toute initiative appelant à la cessation des hostilités, avant que l’Égypte ne joue un rôle majeur dans le conflit. Désormais, l’Union européenne et plusieurs dirigeants du Vieux Continent appellent à la nécessaire relance du processus de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne, stoppé en 2014, à l’heure où les États-Unis semblent se désengager de la question.
Autant de dossiers chauds pour l’Union, auxquels s’ajoutent les tensions avec la Grande-Bretagne ou la “dégradation marquée” de la relation avec la Russie, selon les mots de l’Élysée. Deux jours intenses de retrouvailles, donc, pour les dirigeants européens, qui remettront ça un mois plus tard en recevant Joe Biden, avec comme objectif: “rebâtir une alliance forte” avec les États-Unis.
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