Je suis une femme, j’ai 25 ans, et je n’ai jamais eu d’orgasme - BLOG

Ma vie sexuelle (en solo ou avec un partenaire) était satisfaisante, mais je n’éprouvais jamais cette jouissance extrême, “hallucinante”, dont on parlait dans les magazines. Je n’atteignais jamais l’orgasme: ni seule, ni avec mes partenaires réguliers, ni avec des coups d’un soir.

SEXUALITÉ - “Tu devrais peut-être essayer de stimuler ton clitoris plus rapidement, en exerçant davantage de pression. Tu as déjà utilisé un vibromasseur?” Voilà les conseils que m’a donnés ma copine de fac un lendemain de cuite, autour d’un déjeuner bien gras.

Si elle avait ouvert le tiroir de ma table de chevet, plein à craquer de sex toys, elle aurait su qu’un vibromasseur de plus n’était pas la solution.

On s’était installées en terrasse, ce qui n’était pas le choix le plus judicieux, compte tenu de la chaleur qu’il faisait en ce dimanche de septembre, à Chicago. On descendait des carafes d’eau tout en exsudant la téquila bue la veille. Mon amie m’a raconté l’orgasme incroyable qu’elle avait eu avec un inconnu rencontré dans un bar. En général, quand on parle de sexe ou de masturbation, mes copines et moi, la conversation prend toujours le même tour: elles me racontent leurs super orgasmes, seules ou accompagnées, puis me donnent des conseils pour réussir à l’atteindre, moi aussi.

Est-ce que c’est normal?

Ma vie sexuelle (en solo ou avec un partenaire) était satisfaisante, mais je n’éprouvais jamais cette jouissance extrême, “hallucinante”, dont on parlait dans les magazines. Je n’atteignais jamais l’orgasme: ni seule, ni avec mes partenaires réguliers, ni avec des coups d’un soir.

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Je suis toujours heureuse que les personnes auxquelles je me confie me soutiennent et me conseillent, mais je ne pouvais m’empêcher de douter de moi et de m’interroger: “Est-ce que je dois me sentir gênée? Est-ce que c’est normal?”

J’étais une jeune adulte qui n’avait jamais eu d’orgasme. Et aujourd’hui, à 25 ans, ça ne m’est encore jamais arrivé.

J’ai commencé à me masturber à 14 ans. Ou, du moins, je croyais me masturber: j’éprouvais du plaisir en faisant des exercices de gainage, comme le “hollow body hold” ou le relevé de jambes.

Comme j’avais fait des compétitions de natation, je devais m’entraîner physiquement au moins cinq fois par semaine. Un jour, après l’entraînement, une séance d’abdos dans ma chambre est devenue assez chaude. Je sais que certaines femmes font ces exercices pour atteindre ce qu’on appelle le “coregasm”, mais, moi, je “m’entraînais” jusqu’à être épuisée ou lassée. C’est ma ligne d’arrivée en matière de masturbation.

À cet âge-là, j’avais déjà entendu le mot “orgasme” mais je ne savais pas vraiment ce que cela signifiait, ni comment en avoir un. La curiosité m’a poussée à faire une recherche sur Google, et je suis tombée sur de nombreux résultats: “Comment avoir des orgasmes de folie!”, “Comment atteindre l’orgasme plus vite!”, “Sept techniques infaillibles pour prendre son pied, à essayer de toute urgence”, “Ces vibromasseurs vous enverront au septième ciel en quelques minutes!”

Pour une adolescente de 14 ans en train de découvrir son corps, ces gros titres étaient très excitants, mais ils ont fini par devenir source de frustration. Aucun ne parlait des femmes qui n’atteignaient pas l’orgasme. C’était plutôt le contraire. Leur langage sexuel électrisant donnait l’impression que toutes les femmes connaissaient cette jouissance.

Je suis excitée et j’éprouve du plaisir. L’excitation monte, et je me rapproche de ce qui, d’après moi, doit ressembler à un orgasme, mais sans jamais l’atteindre.

Avec moi, rien ne marchait. Je me touchais de différentes façons, en variant le rythme et la pression, et en utilisant des techniques différentes. À l’université, j’ai essayé tout un tas de jouets, j’ai exploré le porno et je suis enfin devenue sexuellement active.

J’aime toujours me masturber, ça m’émoustille, même si c’est différent chez moi. Je suis excitée et j’éprouve du plaisir. L’excitation monte, et je me rapproche de ce qui, d’après moi, doit ressembler à un orgasme, mais sans jamais l’atteindre.

Il m’est déjà arrivé de me demander si je n’étais pas en train d’en avoir un (peut-être sont-ils seulement en demi-teinte chez moi?) mais les médecins et les amies avec lesquels j’ai parlé se sont tous montrés catégoriques: si j’en avais eu un, je le saurais.

L’impression d’avoir tout essayé

Après avoir exploré le porno, renforcé mon plancher pelvien, essayé de multiples techniques de masturbation, lu tout un tas de bouquins, eu des rapports sexuels avec des partenaires, utilisé des jouets, tenté la méditation et la pleine conscience, et lu la documentation et les ressources disponibles en ligne, j’ai l’impression d’avoir épuisé toutes mes options.

La pression que je me mets pour avoir un orgasme a atteint son paroxysme quand j’ai eu des relations sexuelles avec mon premier vrai petit copain. Je n’ai jamais eu envie de simuler l’orgasme. Je savais qu’il fallait que je m’ouvre à lui à propos de mes problèmes, de façon à avoir des relations sexuelles dépourvues de stress et à expérimenter de manière ludique.

Bien sûr, je souhaitais avoir des rapports “normaux”, où on aurait tous les deux joui, mais il fallait que je me sorte de la tête cette définition restreinte de ce que sont des “rapports sexuels normaux”, que j’évite d’avoir des pensées négatives au sujet de mon problème et que je sois dans l’instant présent. J’ai changé d’état d’esprit, mais je n’ai pas vraiment tenu compte de ce que mon partenaire pouvait ressentir face à cela.

Je n’ai jamais attendu de lui qu’il me fasse atteindre l’orgasme. Mais il était sous pression, se sentait contraint d’être celui qui y parviendrait. J’ai essayé de lui expliquer que si je n’étais pas capable de prendre mon pied seule, il ne pourrait pas m’aider non plus, et qu’il ne devrait pas s’en sentir diminué. Ces complexes ont miné la stabilité de notre couple, et on s’est vite séparés.

Il m’a trompée, pour des raisons qui restent mystérieuses à mes yeux, mais j’en ai déduit qu’il voulait trouver quelqu’un avec qui il aurait des “rapports normaux” pour combler le vide que notre vie intime lui faisait ressentir. Ça a été éprouvant, mais cela m’a montré que mon problème pouvait mettre à rude épreuve mes relations amoureuses.

Je n’ai jamais cessé d’essayer de comprendre ce qui se passait dans mon corps, ni pendant cette relation ni après. Au contraire, la manière dont elle s’est terminée m’a poussée à explorer d’autres options. Or mes infatigables recherches sur internet ont fini par me conduire à des résultats sur l’anorgasmie et d’autres formes de dysfonctionnements sexuels.

L’anorgasmie désigne l’incapacité à atteindre l’orgasme, en dépit de stimulations répétées. Elle peut avoir de multiples causes, physiques comme psychologiques. Est-ce mon problème, me suis-je demandé, et dois-je cesser d’essayer d’atteindre l’orgasme, si c’est le cas? J’ai commencé à redouter de ne jamais avoir de réponse.

Consulter un professionnel de santé m’a alors paru être la meilleure chose à faire. Mon gynécologue m’a conseillé de me concentrer sur des préliminaires plus lents et approfondis avec mes partenaires ou d’essayer de m’installer confortablement pour me masturber, de manière méthodique et relaxante. Malgré ce conseil utile, je n’ai pas eu plus de succès.

Mais c’est toujours quand on s’y attend le moins qu’on trouve un remède miracle. J’ai fini par tomber sur un livre qui ne m’a pas fait atteindre l’orgasme, mais qui a soulagé mon anxiété.

D’après Lori Brotto, l’auteure de Better Sex Through Mindfulness (“Améliorer sa vie sexuelle grâce à la pleine conscience”, non traduit), près d’une Américaine sur deux souffre d’un dysfonctionnement sexuel, y compris la difficulté à atteindre l’orgasme. Les recherches présentées dans cet ouvrage m’ont aidée à comprendre que je ne suis pas seule.

Dompter sa frustration et ses complexes

Le travail de la psychologue et sexothérapeute Erica Marchand m’a aussi aidée à surmonter une grande partie de mes complexes. Un conseil m’a particulièrement marquée: “On croit facilement qu’on doit être ‘performant’ sur le plan sexuel et avoir des rapports ‘parfaits’ pour faire plaisir à son partenaire et être désirable. Or il faut étudier et remettre en cause ce genre de perfectionnisme sexuel quand on en fait l’expérience, chez soi ou chez les autres.” 

En matière de rapports sexuels et de sexualité, la pression est forte pour être “normal.” À l’avenir, je souhaite être plus honnête envers mes partenaires et moi-même sur ce qui me donne du plaisir. J’aimerais m’adonner à la masturbation et avoir des rapports avec eux sans ressentir d’embarras, de manière plus valorisante, sûre et amusante.

J’ai douté de moi pendant des années sur le plan sexuel, à cause de ma difficulté à atteindre l’orgasme. Mon dilemme n’est pas vraiment résolu, mais je me sens apaisée, autorisée à savourer mes efforts pour connaître ce pic de plaisir. J’ai le sentiment de pouvoir me débarrasser de mes angoisses, accepter mon corps et profiter de mon cheminement vers la jouissance.

Comprendre que mon cas n’a rien d’exceptionnel m’a aidée à redéfinir ma sexualité et la revendiquer sans complexe. J’espère que tous ceux qui sont confrontés à ce genre de difficultés pourront en faire de même.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Laure Motet pour Fast ForWord.

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