Vaccin anti-Covid: accélérer sans renoncer aux priorités, la ligne de crête du gouvernement

SCIENCE - Toujours plus vite, toujours plus loin. C’est ce qui définit la position du gouvernement sur la vaccination ces dernières semaines. Après le seuil des 20 millions de primovaccinés franchi pile samedi 15 mai, Jean Castex a rappelé le prochain objectif. D’ici au 15 juin, 30 millions de Français devront avoir reçu au moins une dose de vaccin contre le Covid-19.

Et pour s’assurer d’arriver à cet objectif, le gouvernement a décidé d’ouvrir plus tôt que prévu la vaccination à l’ensemble des adultes dès le 31 mai (le 24 pour les professions prioritaires).

Une décision étonnante, car si l’on regarde le nombre cumulé de vaccinés et que l’on fait une simple projection, il semblerait que les 30 millions d’ici au 15 juin sont aisément atteignables (Doctolib table pour sa part sur le 14 juin si l’on reste à ce rythme). D’autant que dans le même temps, la France aura reçu plus de 16 millions de doses de vaccin. Pour autant, le diable se cache dans les détails.

 

Des jeunes qui se vaccinent déjà beaucoup

Si l’on regarde en détail le nombre d’injections quotidiennes par classe d’âge, on se rend compte que les moins de 50 ans se vaccinent de plus en plus depuis les ouvertures partielles (le 1er mai en raison de comorbidités et le 11 mai pour les rendez-vous encore disponibles du jour ou du lendemain). De plus, l’absence de pièce justificative pour se faire vacciner permet également à beaucoup de personnes non éligibles de tricher.

Sur la journée du 19 mai, 168.626 personnes de 50 ans et plus ont été vaccinées, contre 278.716 en dessous de cet âge. Un chiffre en hausse continue ces derniers temps. Dans le même temps, le nombre de personnes de plus de 50 ans se faisant vacciner diminue, comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous.

Mais les personnes qui présentent le plus de risques de faire une forme grave de la maladie ne sont pas encore toutes vaccinées. Si les plus de 70 ans sont très fortement couverts, seuls 46% des 50-59 ans ont reçu leur première dose, par exemple.

Il ne faudrait pas qu’en ouvrant encore plus vite la vaccination, le gouvernement prive des personnes plus à risque, mais moins à l’aise avec le système de réservation en ligne de rendez-vous. Car actuellement, les créneaux dans les centres de vaccination ne restent pas libres très longtemps.

 

AstraZeneca et Janssen, cas particuliers

Reste également un dernier problème dans la course à la vaccination. Si les centres sont pleins, les pharmacies se vident. Les vaccin d’AstraZeneca et de Janssen sont de plus en plus boudés par les Français.

Le graphique suivant permet de voir le nombre de doses injectées quotidiennement, en fonction du vaccin. On voit que si les vaccins à ARN messager Pfizer et Moderna battent des records, c’est tout l’inverse pour AstraZeneca et Janssen.

Or, si doses de Pfizer sont consommées en flux tendu, ce n’est pas le cas pour les deux vaccins réservés aux 55 ans. Ci-dessous, on voit le nombre de doses reçues par la France comparé au nombre d’injections réalisées depuis le début de l’année. L’écart se creuse fortement pour AstraZeneca et Janssen ces dernières semaines.

Interrogé sur la question, le ministère de la Santé concède que “c’est un problème, un frein à la croissance potentielle volume maximal injection”, mais que cela ne “remet pas en cause l’objectif des 30 millions”. Logique en un sens: sur les 16 millions de doses attendues, 14 millions seront des vaccins à ARN.

Le fait qu’une grande partie de la population âgée soit déjà vaccinée explique peut-être en partie le faible engouement pour ces vaccins?

Mais la réalité semble toute autre, à en croire la dernière étude de Santé publique France réalisée fin avril sur l’intention de se faire vacciner (chez les non-vaccinés). Certes, la volonté d’avoir une dose baisse chez les 65 ans et plus par rapport au précédent sondage. Pour autant, 63% des seniors non vaccinés souhaitent recevoir une injection. Pour les 50-64 ans, le score est similaire, 62%, en progression cette fois.

Le désaveu pour AstraZeneca et Janssen ne peut pas être simplement lié à la cible de ces vaccins. Il a certainement à voir avec l’origine de ce ciblage: à l’inverse des vaccins à ARN, ces vaccins à vecteur viral peuvent entraîner des effets indésirables graves, mais extrêmement rares.

Il est scientifiquement très clair que la balance bénéfice risque reste favorable, notamment pour les personnes âgées. Le schéma ci-dessous réalisé par l’Agence européenne du médicament est limpide. En bleu, le nombre d’hospitalisations pour Covid-19 évitées en cas de vague épidémique, si l’on vaccine avec AstraZeneca. En rouge, le nombre d’hospitalisations pour thrombose causées par les effets indésirables du vaccin.

Comparaison risque bénéfices en termes d'hospitalisation sur l'utilisation du vaccin AstraZeneca.

Malheureusement, au vu de toute la mauvaise presse qu’a reçu AstraZeneca et, surtout, avec la compétition des vaccins à ARN qui surperforment, difficile d’en vouloir à tous les Français qui veulent “le meilleur vaccin”. D’ailleurs, dans l’enquête de Santé publique France, 20% des Français qui ne voulaient pas se faire vacciner expliquaient justifiaient leur choix parce qu’“on ne peut pas choisir son vaccin”.

En ouvrant encore plus vite la vaccination pour tous, le gouvernement espère réaliser son objectif en poussant les jeunes à se faire vacciner plus vite. Mais si les plus âgés qui ne sont pas encore protégés ne se rabattent pas sur les vaccins efficaces qui leur sont réservés, la vaccination ne progressera pas plus vite que la livraison des doses de Pfizer ou Moderna, et les plus âgés risqueront même d’être moins vaccinés.

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