Le monde change, le regard sur la santé des femmes doit évoluer avec lui - BLOG

La définition de ce qui est normal ou pathologique relève du normatif. Ce qui fut hier jugé normal (ou l’inverse) évolue. Voilà pourquoi la santé des femmes ne se saurait rester plus longtemps à l’écart du mouvement d’émancipation!

FEMMES - La “bonne santé” est un concept qui fluctue, marqué par des normes. Il serait illusoire de penser la santé autrement.

Si la situation des femmes a considérablement évolué, leur santé, elle, mérite un examen approfondi. Des poches de résistance existent et l’entravent.

C’est simple: l’idée que l’on se fait de quelqu’un conditionne le regard que l’on porte sur cette personne et, en tout premier lieu, sur la façon dont elle se considère elle-même.

C’est la question de la normalité qui se trouve posée.

Les professionnels de santé sont parfois -et à leur insu- des courroies de transmission de préjugés. J’ai souvent entendu des femmes dont la morphologie ne correspond pas aux standards dire qu’elles repoussaient des examens médicaux tant elles sont gênées face à des regards ou des commentaires désobligeants.

La santé physique

L’obésité est l’aspect le plus révélateur du poids des normes sur la santé des femmes, car c’est le regard de l’autre qui s’introduit, des critères esthétiques prennent le pas sur tous les autres. C’est un symbole.

On va commencer par un petit test. Savez-vous qu’en une seule nuit les normes d’IMC ont été changées?

En 1998, aux États-Unis, l’OMS modifie la frontière entre surpoids et poids normal: l’IMC passe 27 à 25 sans la moindre distinction de sexe, d’âge. En une nuit, pas moins de 35 millions d’Américains deviennent en surpoids. À l’inverse, la limite entre poids normal et maigreur passe de 20 à 18 donc “normalise” certains corps et “pathologise” certains autres individus*. Vous remarquerez au passage la nuance entre les corps et les individus. Personne ne se réduit à un seul de ses critères!

Le regard des autres, connus comme inconnus, entre dans notre vie. Ce regard a une influence sur la perception de soi et sur la façon dont on s’estime en bonne ou mauvaise santé. On l’écoute ce regard!

On peut se poser des questions. Pourquoi les femmes ont envie d’être minces?

Quelques mots sur le rapport intime à son propre corps sont indispensables pour préciser que l’introjection des normes se fait inconsciemment. À force d’entendre répéter ce qui est normal ou pas, l’enfant se construit. Quand on vous regarde de travers, quand on se moque, quand on valorise au contraire quelque chose du corps, l’évaluation de soi évolue. Certains comportements sont encouragés d’autres, découragés.

Quelle idée de la beauté se cache derrière? Eh bien, celle qui est véhiculée par les magazines. À partir de 11 ans, les fillettes se trouvent trop grosses et démarrent des régimes, y compris lorsque leur poids est on ne peut plus normal! Pourquoi cette fabrique de l’obésité via un seul type de beauté diffusé par les médias, les podiums? Nous savons les ravages tant au niveau individuel que collectif et pourtant le body beach** recommence ce printemps comme d’habitude. La santé, là-dedans?

Est-ce qu’il vient à l’idée qu’une femme qui souffre d’obésité a peut-être eu recours à des compensations pour supporter les difficultés de sa vie? Il serait alors pertinent de résoudre les causes plutôt que la laisser dans les mêmes conditions de vie tout en lui prescrivant abstinence, régimes ou chirurgie de l’obésité. Lorsque celle-ci est néanmoins nécessaire, les 40% d’échecs seraient quasi tous évités si le rapport au corps et à la nourriture étaient travaillés. Pourquoi une majorité de femmes sont opérées alors que les incidences d’obésité sont à peu près identiques entre hommes et femmes? Quelles normes pèsent lourd sur les femmes? Pourquoi le ministère de la Santé n’impose pas des normes de production aux industriels? Est-ce bien sérieux de culpabiliser les personnes qui sont concernées?

Toutes ces sujets sont à mettre en avant en 2021. La fabrique de l’obésité pèse sur les femmes à cause de normes complètement sexistes. Elles sont encore ramenées à leurs corps qui doit plaire selon certains critères.

La santé mentale 

Elle a commencé à bouger quand un psychiatre a dit à ses collègues qu’il fallait commencer par écouter les femmes avant de leur prescrire on ne sait quoi. Il s’agissait de Sigmund Freud.

Toute la santé mentale en a été chamboulée. Malheureusement, homme de son époque, il fut limité par des convictions qui paraissent aujourd’hui d’un autre temps. Novateur un jour, dépassé un autre!

La santé mentale a un impact sur la santé physique et inversement. Ça s’appelle psychosomatiser. Agir sur le psychisme c’est indirectement soigner le corps!

La santé sexuelle

Pourtant reconnue par l’Unesco, elle est davantage abordée sous forme de sous-entendus, de grivoiseries que sérieusement, celle des femmes de plus de 50 ans est un autre symbole. Tant de stéréotypes circulent qu’il est compliqué d’avoir un rapport sain à sa propre libido.

La ménopause est-ce une question de santé ou une question de société***?  Une énorme réflexion est à démarrer ! J’ai écrit un livre entier sur le sujet en 2020, on y approfondit tous les aspects de cette étape de la vie des femmes.

Les femmes de plus de 50 ans refusent d’être considérées comme obsolètes parce que leur fécondité est terminée. Cette discrimination est sexiste, encore une fois !

En cela, le corps est politique.

Autre exemple. L’homosexualité faisait partie des perversions. Elle l’est toujours dans certains endroits de la planète. Ainsi la géographie comme l’histoire ont une influence. Ce n’est que le 17 mai 1990 que l’OMS l’a retirée des maladies mentales.

Nous avons vu comment les normes se font et se défont, sous l’influence de groupes sociaux, pour le meilleur comme pour le pire… Ainsi notre santé évolue selon la fièvre exprimée par des militants. Prenons la légalisation de l’avortement, elle en améliore les conditions et empêche des mutilations, des souffrances et des morts… Mon corps ne m’appartient pas tout à fait puisque les rapports de force peuvent défaire ce qui a été fait. Ainsi on a assisté dernièrement à des reculs pour l’IVG. Des critères autres que ceux concernant la santé des femmes s’en mêlant.

Il en va de même pour l’accouchement, les épisiotomies…

Les conditions de vie

Elles ont évidemment un effet crucial. Les soucis atteignent profondément. La précarité a des effets sur la santé, tout le monde le sait !

Telle femme débordée par ses difficultés conjugales, maltraitées d’une façon ou d’une autre, a davantage besoin de faire le point sur son couple que d’antidépresseurs. Une autre harcelée en entreprise par un chefaillon va rapidement mieux si celui-ci est sanctionné ou si elle change de travail. Ces femmes ont besoin d’être aidée pour mettre un terme aux violences qu’elles subissent et qui ont des effets négatifs sur la santé. Et cela commence seulement à être entendu. Cette approche de leur santé est tout à fait différente !

La santé est un terme générique. C’est bien plus qu’un état de non-maladie. La santé mentale, sexuelle et physique concernent un seul et même être. Et un être humain ne peut être en bonne santé que se considérant comme ne souffrant pas, sous ces différents aspects. C’est subjectif. Rien n’a moins de sens que de dire : Vous allez très bien ! Regardant les analyses, les radios alors que la personne est en train de vous dire qu’elle se sent mal !

En réalité, on ne consulte le médecin que lorsqu’un symptôme se manifeste. La santé ne relève pas du strict domaine médical. Nous l’avons rapidement vu, les conditions de vie, sociales, collectives et singulières, personnelles sont aussi importantes que le capital génétique. D’autres nombreuses situations mériteraient d’être développées. Un seul article ne peut y suffire. Voilà pourquoi une journée internationale permet d’alerter.

La définition de ce qui est normal ou pathologique relève du normatif. Ce qui fut hier jugé normal (ou l’inverse) évolue. Voilà pourquoi la santé des femmes ne se saurait rester plus longtemps à l’écart du mouvement d’émancipation !

Pour s’affranchir de diktats, c’est essentiel de commencer par relativiser les normes les induisant.

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* C. Grangeard Comprendre l’obésité. Une question de personne, un problème de société. Albin Michel 2012
** Préparer son corps pour aller à la plage, faire des régimes, sculpter ses abdos et éliminer les bourrelets indécents…
*** C. Grangeard  Il n’y a pas d’âge pour jouir Larousse, octobre 2020
 

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