SCIENCE - “Il faut se préparer, car les variants finissent toujours par s’imposer”. C’est ce qu’a déclaré Jean Castex mardi 14 décembre, alors que Gabriel Attal venait d’annoncer que 133 cas du variant Omicron avaient été recensés officiellement en France depuis le début du mois. Dans la soirée, ce chiffre est monté à 170, selon le récent tableau de bord de Santé publique France.
Cela peut sembler peu, voire dérisoire par rapport aux près de 50.000 cas quotidiens de Covid-19 de la cinquième vague, provoquée par le variant Delta. Mais il faut bien comprendre que ce sont ces petits chiffres qu’il faut suivre avec attention si l’on veut anticiper l’arrivée du variant Omicron, plus résistant aux vaccins que ses prédécesseurs. D’autant que ces petits chiffres sont clairement sous-estimés et que nous sommes, une fois de plus, aveugles (ou disons borgnes) dans notre traque des variants en France.
Qu’il y ait probablement davantage de cas liés à Omicron que ce chiffre officiel, Gabriel Attal le concède. Mais quand il affirme que “l’essentiel des cas sont criblés et ensuite, il y a le séquençage”, les preuves ne sont pas là.
La France toujours loin derrière le Royaume-Uni
Pour qu’un cas soit officiellement désigné comme provoqué par le variant Omicron, il faut qu’un séquençage du génome de ce cas soit réalisé. En résumé, on prend un test PCR positif et on va, dans des laboratoires spécialisés, séquencer l’ADN du coronavirus pour savoir s’il dispose ou non des mutations du variant Omicron.
Le problème, c’est que l’on ne séquence pas tous les cas, loin de là. Sur la semaine du 22 au 28 novembre, un peu plus de 11.000 cas ont été séquencés. C’est à peine plus de 5% des cas positifs sur la même période. À titre de comparaison, le Royaume-Uni, un des meilleurs élèves en la matière où le variant Omicron se répand fortement, a séquencé sur la même semaine 59.126 génomes sur 295.548 cas positifs, soit 20% du total.
De plus, les données accessibles librement en France ne permettent pas d’y voir clair. Certes, Santé publique France publie, depuis peu, chaque jour un décompte du nombre de cas. Mais il est impossible de savoir quand le dépistage a eu lieu et il est donc difficile de suivre l’évolution des cas d’Omicron. L’agence précise que ce suivi est réalisé en interne avec une surveillance renforcée, mais ces éléments ne sont, pour le moment, pas disponibles pour le public.
De plus, si le séquençage est l’outil parfait pour s’assurer de l’état des lieux des variants, il y a un autre problème: cela prend beaucoup de temps. Même au Royaume-Uni, qui séquence beaucoup et où le variant Omicron est en croissance exponentielle, les chiffres arrivent une semaine après la détection du cas.
Pour suivre la progression de variants spécifiques au plus près, il faut donc passer par le “criblage” des tests PCR. Pour faire simple, disons que certains variants entraînent une petite “erreur” lors du test, liée à certaines mutations. Une erreur de ce type permet de suspecter la présence d’une souche particulière. C’est ce qui avait été fait pour le variant Alpha. Puis, quand Delta est arrivé, Santé publique France a changé sa technique de criblage afin de s’adapter au nouveau génome de ce variant.
Criblage modifié, boussole désorientée
À l’époque, ce changement avait entraîné l’arrêt de la publication quotidienne des anciens criblages. En parallèle, le changement de technique au sein des laboratoires avait été laborieux et clairement pas assez rapide pour suivre la progression de Delta.
Aujourd’hui, Santé publique France a encore changé de criblage afin de cerner plus spécifiquement des mutations permettant de suspecter la présence d’Omicron. Et comme en juin avec Delta, cela a entraîné un dysfonctionnement dans la publication de ces données de suivi.
″Il en résulte une baisse artificielle de l’indicateur portant sur la proportion de tests criblés. Lorsque la montée en charge de la nouvelle nomenclature sera suffisante, de nouveaux indicateurs seront construits sur cette nouvelle nomenclature”, précise Santé publique France au HuffPost.
Quelle est la vitesse de cette montée en charge? Est-elle suffisante pour avoir des alertes suffisamment précoces à un échelon régional ou départemental, afin de discerner très rapidement d’importants clusters d’Omicron? Impossible à dire pour le moment, car ces données ne sont pas rendues publiques.
Dans le dernier point hebdomadaire publié le 9 décembre par Santé publique France, il est précisé que 1% des tests criblés présentaient l’une des trois mutations permettant de soupçonner la présence d’Omicron. Mais ces mutations peuvent arriver par hasard, il est donc logique qu’il y ait un “bruit de fond”. C’est l’évolution à la hausse du nombre de ces tests criblés qui permettrait de mieux cerner une possible éclosion du variant sur le territoire français.
Pour le moment, ces éléments ne sont pas accessibles, en dehors des bases de données internes à Santé publique France. Contactée par Le HuffPost, l’agence de santé ne nous a pas encore donné de détails sur l’évolution de la situation. Cet article sera mis à jour le cas échéant.
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