ADOPTION — En juillet 2020, après avoir réfléchi à la question de la parentalité je me décide à participer à la première réunion d’information dans le but d’entamer les démarches afin d’obtenir un agrément.
Absolument consciente des difficultés qui m’attendent (44 ans, célibataire) je me plais à croire aussi que mon métier (professeur des écoles) peut aider à contre-balancer.
Cette première réunion se fait en visio, une quinzaine de familles est présente et la personne des services sociaux est sans détour: c’est compliqué, mais pas impossible.
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Elle nous parle du grand nombre de familles au regard du très petit nombre d’enfants à adopter, de l’adoption en France vs l’adoption à l’étranger (au minimum 10. 000 euros, gloup’s).
Elle nous dit que les célibataires ou les couples homosexuels ne sont pas discriminés, que les revenus ne sont pas discriminatoires non plus.
À la fin, toujours consciente des difficultés, je décide d’entamer cette procédure d’obtention d’agrément.
Le premier entretien
Il se fait dans le bureau d’aide sociale à l’enfance avec une assistante sociale bienveillante. Le courant passe bien, nous parlons pendant 2 heures, des enfants, de leurs besoins, de leur bien-être. Mon statut d’enseignante et ma connaissance du sujet nous emmènent vers un échange entre deux professionnelles de l’enfance qui s’apportent des choses mutuellement. Je ressors ravie, enrichie, mais aussi perplexe lorsqu’à la fin, de façon très cash, elle me dit:
“Je n’ai jamais vu, à ce jour, une personne seule ou une famille homoparentale ayant l’agrément se voir proposer un enfant à l’adoption par le conseil de famille”.
Je repars avec cette phrase en tête qui ne me quitte pas, mais quand même j’avance.
Le second entretien
Il se fait chez moi et démarre comme le premier: discussions riches et bienveillantes.
Après un échange sur mon parcours personnel, voilà ce que l’assistante sociale me dit:
“Le conseil de famille demande que les familles qui accueillent un enfant se rendent disponibles comment comptez-vous faire?”
Je réponds que je suis enseignante et donc avec des avantages:
- vacances scolaires;
- la possibilité que l’enfant soit inscrit dans mon école;
- fin de journée à 16 h 30.
“Cela ne suffit pas, le conseil de famille demande que les parents qui accueillent un enfant mettent entre parenthèses leur activité professionnelle pendant 6 mois à 1 an”.
Je vis seule, ce n’est donc pas envisageable. Je suis dubitative: en couple sur Paris c’est financièrement très compliqué que l’un des deux ne travaille pas, il faut un sacré niveau de vie pour répondre aux exigences du conseil de famille!
J’ai une étrange et désagréable impression.
Elle précise (en ouvrant ouvrant mon dossier et regardant ma fiche de paie):
“Il y a cinq cents familles à Paris avec un agrément, 90% d’entre elles ont des revenus pouvant aller jusque 8000 euros par mois et comme il y a 45 enfants à adopter par an (20 en France et 25 à l’étranger) ils ont le choix.”
Tout est absurde
Sa prochaine remarque sera sur mon salaire et mes charges. Là, on passe dans un tout autre rendez-vous je suis clairement choquée et sur la défensive. Elle enchaine malgré tout:
“Pour les adoptions à l’étranger c’est au minimum 10 000 euros sans compter les voyages et le temps sur place aux dates imposées par l’orphelinat du pays
— J’ai des vacances scolaires on peut peut-être s’adapter?— Non pas d’adaptation possible, certains pays demandent que vous soyez 2, 3 semaines, voire 3 mois sur place, comment comptez-vous faire?”.
À ce moment-là, la seule chose pertinente qui me vient c’est “heu… » tellement tout ceci est absurde!
“Ah oui, mais c’est donc une sélection par l’argent! Vous savez combien de familles et/ou de femmes seules élèvent un enfant avec le même salaire que moi ?” Je suis clairement en colère!
“Je sais que c’est dur, mais c’est la réalité parisienne, je ne voudrais que vous attendiez une chose et que vous soyez déçue”
Je lui demande plus de détails sur ce conseil de famille et comment y participer.
Elle m’expliquera qu’aucun professionnel de l’enfance et de la petite enfance n’est présent, ce sont des bénévoles représentant la société civile et qu’elle n’a aucune idée de la façon dont il est constitué, que c’est très opaque même pour elle.
Elle me racontera aussi le cas de ce petit garçon de 4 ans qu’elle suit, il se voit bien avec 1 ou 2 papas. Au conseil de famille, l’une des personnes présentes fera cette remarque: “Mon cousin a été diagnostiqué (homosexuel) par un grand médecin à l’âge de 3 ans, il vaut mieux attendre”. Le placement dans une famille homoparentale (ou monoparentale) a été refusé.
J’oserai un “La famille pour tous est donc au conseil de famille! Help !” ce qui fera sourire l’assistante sociale.
À l’issue de ce second entretien, je décide donc de ne pas continuer les démarches afin de me préserver.
Ce billet est également publié sur le compte LinkedIn de Cécile Donadio.
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