Meurtre de la famille Troadec: le procès de Hubert Caouissin s'ouvre

La police escortant Hubert Caouissin lors d'une reconstitution dans l'enquête sur le meurtre de la famille Troadec le 12 mars 2019 à Pont-de-Buis.

JUSTICE - Quatre ans et demi après le quadruple meurtre de la famille Troadec à coups de pied de biche, Hubert Caouissin comparait ce mardi 22 juin devant la cour d’assises de Loire-Atlantique, où ses avocats auront fort à faire pour lui éviter la réclusion à perpétuité.

Après le tirage au sort des jurés, la première journée d’audience de ce procès de trois semaines doit être consacrée à la personnalité de la compagne de Hubert Caouissin, Lydie Troadec, qui comparaît libre et encourt trois ans de prison et 45.000 euros d’amende pour modification de scène de crimes et recel de cadavre.

Trésor de lingots d’or prétendument volé

Ce n’est que mercredi que la cour se penchera sur le profil du principal accusé, ancien ouvrier chaudronnier de l’arsenal de Brest, obsédé au moment des faits par son beau-frère Pascal Troadec, qu’il accusait d’avoir volé un trésor familial de lingots d’or.

Le trésor de lingots d’or prétendument volé par Pascal Troadec, et censé être le mobile des crimes, n’a sans doute jamais existé, selon les juges d’instruction. “Une fable”, “un argument qu’il a essayé d’utiliser au maximum”,selon Me de Oliveira. “A l’époque des faits, il n’est plus dans la réalité”, objecte son avocat Me Thierry Fillion.

Hubert Caouissin est un homme à la personnalité “mystérieuse”, selon Me Cécile de Oliveira, avocate des parties civiles. Un “monsieur tout le monde qui n’avait pas vocation à devenir (...) un meurtrier”, rectifie Me Fillion.

La fin de la première semaine sera consacrée aux auditions des enquêteurs et des parties civiles. La cour entendra notamment Martine V., la première à contacter la gendarmerie le 23 février 2017, après plusieurs jours sans nouvelles de sa sœur et de son beau-frère, Brigitte et Pascal Troadec, 49 ans tous les deux. Leurs enfants Charlotte (18 ans) et Sébastien (20 ans) étaient eux aussi injoignables.

Au domicile familial, un pavillon d’Orvault, dans la banlieue nantaise, la police avait découvert des traces de sang et plusieurs membres de la famille avaient immédiatement orienté les enquêteurs vers Hubert Caouissin et sa compagne.

“Délire chronique”

Hubert Caouissin, 50 ans, ne doit être entendu sur les faits qu’au début de la deuxième semaine d’audience. Aux policiers, l’accusé avait raconté s’être rendu chez les Troadec dans la nuit du 16 au 17 février pour chercher “des informations” sur le différend qui les oppose. Se disant assailli par la famille dès son entrée dans le garage, il avait affirmé les avoir tués l’un après l’autre, à coups de pied de biche, pour se défendre.

Il avait aussi raconté avec force détails avoir travaillé “comme un forcené” pendant deux jours et demi, dans un hangar de sa ferme dans le Finistère, pour dépecer minutieusement les corps au couteau de cuisine. Les muscles et les viscères avaient été jetés dans les ronciers, dans l’espoir qu’ils soient mangés par des animaux sauvages. Les os, la peau et le gras étaient incinérés dans la chaudière et les crânes brûlés puis enfouis sur une plage pour que la marée les emporte.

“M. Caouissin a toujours accepté de répondre aux questions des enquêteurs (...) Il y a répondu de manière extrêmement précise, extrêmement détaillée, quelques fois en donnant des éléments qui n’étaient pas en sa faveur”, admet Me Fillion.

Après cette séquence éprouvante, la défense espère trouver quelque secours dans le témoignage des experts psychiatres, entendus en fin de deuxième semaine. Deux collèges d’experts ont en effet décrit le “délire chronique” de “type paranoïaque” et à “thématique persécutive” dont souffrait l’accusé au moment des faits. 

Si la cour estimait que son discernement était altéré au moment des crimes, M. Caouissin, qui est écroué depuis mars 2017, pourrait échapper à la réclusion à perpétuité. Le verdict est attendu le 8 ou le 9 juillet.

Mesures sanitaires strictes

Jauge limitée, jurés et magistrats suppléants, port du masque obligatoire: la justice a multiplié les précautions pour éviter que le procès, prévu sur trois semaines avec plus de 70 journalistes, ne soit interrompu par l’épidémie de Covid-19.

“L’objectif, c’est que l’audience puisse se tenir quoi qu’il arrive”, a expliqué à l’AFP Emmanuelle Proteau, cheffe de cabinet du procureur de Nantes.

Avec un procès aussi médiatique que celui du quadruple meurtre de la famille Troadec, la tâche était ardue: 73 journalistes sont accrédités, 18 témoins et experts cités et une vingtaine de personnes se sont portées parties civiles. Le tout sur trois semaines d’audience du 22 juin au 9 juillet.

Première précaution: une entrée spéciale a été aménagée au palais de justice de Nantes pour accueillir la presse et le public souhaitant assister à ce procès hors norme. 

Avec une jauge limitée à 65%, la salle d’assises ne pourra accueillir que 79 personnes. Deux autres salles ont donc dû être aménagées pour retransmettre les débats: une salle de presse de 24 places et une salle pour le public (117 places) construite spécialement pour l’occasion dans l’immense salle des pas perdus de ce bâtiment conçu par Jean Nouvel en 2000.

Port du masque, sens de circulation, gel hydroalcoolique et lingettes ont été également prévus par les services judiciaires, et les filtres de la ventilation changés en début de crise sanitaire. 

Pour la cour d’assises elle-même, qui doit siéger 14 jours, six jurés suppléants seront tirés au sort (en plus des six titulaires) pour pallier une éventuelle absence. La justice ne peut pas réclamer de certificat de vaccination ou de test PCR aux jurés, qui sont susceptibles de se contaminer en rentrant chez eux, le soir ou le week-end. “On compte sur leur civisme, leur sens des responsabilités”, explique Emmanuelle Proteau. “Au moindre doute, on leur demandera de se faire porter pâle.”

Des précautions ont également été prises du côté des quatre magistrats professionnels (dont un suppléant) qui composent la cour. L’une des magistrates a déjà présidé une cour d’assises et pourra remplacer la présidente en titre en cas de maladie. Deux avocats généraux et deux greffières siègeront aussi au procès. Rare exception au protocole sanitaire, les avocats devraient pouvoir faire tomber le masque lors de leur plaidoirie. 

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