Édouard Philippe "Aux manettes": Trois raisons de regarder le documentaire

POLITIQUE - C’était un film attendu. Le résultat est au rendez-vous. Ce dimanche 4 juillet, à 20h50, France 5 diffuse le troisième volet de la série documentaire “Édouard, mon pote de droite”, du réalisateur Laurent Cibien.

“Aux manettes”, retrace les trois années d’Édouard Philippe à Matignon. Après l’épisode 1, “Le Havre”, marqué par le début de carrière du maire du Havre qui dormait sur la moquette de son bureau et écoutait du rock entre deux coups de fil à sa fille ou à des personnes à virer de sa liste municipale; après l’épisode 2, consacré à la primaire de la droite quand Édouard Philippe était le porte-parole d’Alain Juppé, voici donc “Aux manettes”, le volet le plus passionnant des trois. Et voici trois raisons de le regarder.

1- Pour les coulisses de Matignon (et du Covid)

Il vaut surtout parce que les moments historico-politiques qu’il nous montre sont bien plus exceptionnels que les précédents. Pendant trois heures, le réalisateur nous embarque dans les coulisses des trois années d’Édouard Philippe à Matignon. De son arrivée en sifflotant rue de Varenne à la crise des gilets jaunes vécue dans son bureau, jusqu’au coronavirus qui écrase tout - et le reste du film - en passant par la réforme des retraites.

Les moments sont précieux, car l’ami journaliste réussit à capter l’attention - et le temps - de son ami de droite du lycée arrivé au plus haut sommet de sa carrière actuelle. Par une habile réalisation, on voit Philippe, assis toujours à la même place de son bureau, parfois en bras de chemise, mangeant des pâtes sans sauce (on ne verra pas les festins du pouvoir), parfois en pull à zip maronnasse du dimanche après-midi, parfois en costume impeccable. “Allez, je vais mettre mon habit de lumière”, dit-il à ses conseillers, surtout des hommes, qui le briefent avant chaque plateau télé. 

Ces moments de communication sont sincères, le stress lié à la crise du Covid-19 aussi. C’est la partie la plus puissante du film qui montre l’angoisse de prendre des décisions “qui sont toutes mauvaises”, selon le Premier ministre d’alors qui s’applique à prendre “les moins mauvaises de toutes”. Là encore, la parole est maîtrisée, mais c’est la première fois qu’on voit les coulisses du premier confinement. Et les images du Paris déserté au ralenti filmé par Cibien n’enlèvent rien.

2- Pour son récit de la démission de Hulot

C’est l’une des scènes marquantes du quinquennat et du film. Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, Édouard Philippe n’était pas au courant de la démission surprise de son ministre emblématique de la Transition écologique. Il n’est même pas branché sur France Inter quand il l’apprend, par SMS et par les bruits de pas dans son cabinet. La séquence est forte, les mots sont durs. “Mon premier sentiment, c’est que c’était une façon un peu cavalière. (...) Moi dans mon parcours, le plus important c’est l’école, je ne vais pas supprimer l’école! (...) Le président n’avait pas le programme de Yannick Jadot ou du plus grand écologiste de la terre, ça, Hulot le savait”. On comprend que l’écologie attendra pendant la première partie du quinquennat. 

On voit aussi que Philippe qui s’intéresse de près à la notion “d’effondrement”, prédit à sa façon le coronavirus en expliquant, en 2018, à propos du climat, qu’il lui faut aussi de l’argent pour les écoles, donc, et pour les hôpitaux. “Peut-être que dans cinq ans on me reprochera de ne pas avoir augmenté les efforts dans la recherche parce qu’on aura un virus qu’on n’a pas vu venir”, pressent-il.

3- Pour la réalisation

Caméra souvent embarquée, image impeccable, musique marquante et envoûtante. Le meilleur ami de gauche d’Édouard Philippe sait y faire. On observe avec émotion les plans de Matignon à toutes les saisons, la neige qui tombe et les couleurs d’automne. On s’amuse de la caméra fixe placée devant le bureau du Premier ministre devant laquelle passent, sans la voir, Nicole Belloubet, l’ex-ministre de la Justice, qui se recoiffe, les huissiers en habits et les conseillers qui s’affairent. 

Le film vit au rythme des salons dorés de Matignon et du café de la Poste de Montreuil, où doit vivre le pote de gauche d’Édouard Philippe. Les deux espaces racontent au mieux la vie politique des Français. Avec d’un côté les habitués du bistro où passe BFMTV en continu qui ne s’étonnent pas, devant leur tarte aux pommes, de la crise des gilets jaunes. “C’est 1789. Macron, il agit comme un empereur romain, là il est complètement dépassé”, dit l’un. “Quand tu sors de l’Ena et que t’as pas réfléchi ça devient grave”, tance le second.

De l’autre, les conseillers du pouvoir qui cherchent les meilleurs éléments de langage pour répondre aux angoisses du pays. Et un Philippe qui ne voit pas tout venir: “Allons-y Alonso”, dit-il sans inquiétude avant la manifestation du 17 novembre, la première. “Au moment de la présidentielle tout le monde est pour la taxe carbone”, rappelle-t-il, sans trop douter. 

C’est ensuite, au quatrième samedi de manifestation jaune que la pointe blanche de sa barbe apparaît en même temps que la fatigue -“J’ai le teint cireux, là non?”. On verra grossir la tâche tout au long des événements, et s’atténuer, un petit peu, au moment de partir.

L’exercice a sa limite

C’est aussi là qu’arrive le biais du film. Et ses manquements. On ressent l’angoisse du départ vers l’Élysée pour un ultime rendez-vous avec Emmanuel Macron afin d’être fixé sur son sort, en juin 2020. On a la scène de l’escalier de Matignon, descendu, seul, sur un air de musique à suspense. Et puis, on n’a plus rien. C’est là, la limite de l’exercice. On n’aura pas la déception, la colère ou les mots durs, sans doute, à l’égard du président. On passera directement aux applaudissements de la passation de pouvoirs et à des phrases toutes faites comme “c’est ça la République, la continuité”.

Laurent Cibien est journaliste, mais il est surtout l’ami de Philippe et ne dévoile rien de ce qui pourrait, d’une manière ou d’une autre, le mettre dans l’embarras. Le film pourra aider son ami, mais jusqu’où? La question reste en suspens. Cibien la pose à Philippe, une nouvelle fois, “tu veux être président de la République?”. Philippe ne répond pas. Ce qui, en politique, ne veut vraiment pas dire non.

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