Avant les blobs dans l'ISS avec Thomas Pesquet, on en avait déjà fait grandir un

Des blobs au Parc Zoologique de Paris en 2019

SCIENCE - Ce n’est pas très ragoûtant un blob. C’est jaune, visqueux et ça ne sent pas la rose. Mais vivre avec finit par provoquer un certain attachement. Le blob, ou “physarum polycephalum”, est une espèce vivante unique, un organisme d’une simplicité déconcertante dont les comportements sont pourtant extrêmement complexes. Et celui-ci a rejoint la station spatiale internationale mardi 10 août pour faire l’objet d’une expérience éducative orchestrée par Thomas Pesquet.

En 2017, Le HuffPost a eu la chance de partager la vie d’un de ces organismes unicellulaires pendant un mois et quatre jours. Il nous avait été donné par Audrey Dussutour, chercheuse au CNRS et spécialiste mondiale de la question. Ce sont d’ailleurs ses blobs que Thomas Pesquet reçoit dans l’espace. Elle avait apporté des échantillons américains lors de l’Échappée volée, un événement réunissant les têtes pensantes et agissantes du futur.

Nous avons de suite mis notre nouvel ami dans une boîte en plastique transparent. Le lendemain, il avait doublé de volume. Le surlendemain, il avait quadruplé. Le jour suivant, il cherchait à s’étaler sur les bords de la boîte en plastique, le cinquième jour, il sortait de la boîte.

Jusqu’à 10 mètres carrés

Il faut dire qu’on en avait pris soin. De l’eau et de l’avoine en abondance. Les blobs raffolent de ce régime. Ils se projettent vers la nourriture, par l’intermédiaire de petites veines jaunes, s’assoient dessus et finissent par former un tout avec l’avoine.

Ça ne les rend pas plus mignons pour autant. Mais les articles sur le blob ne tarissent pas d’éloges sur la finesse du réseau qu’il tisse en allant chercher à manger et à boire. Au jour le jour, la réalité est moins sympathique. D’abord, on ne sait plus où le caser. Ensuite, il faut s’en occuper jour et nuit.

Afin d’en prendre soin, l’une des auteurs de cet article l’a amené chez elle un week-end. Son mari a vite déchanté quand il a appris qu’il pouvait s’étendre jusqu’à dix mètres carrés. “Allez, d’accord pour un chat”, a-t-il concédé. 

 

Mais à quoi ça sert un blob?

Le blob excite les passions parce qu’Audrey Dussutour en a dressé les multiples applications possibles dans son livre “Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander”.

Selon la chercheuse, cet organisme, qui n’a qu’une seule cellule, qui n’est ni un champignon, ni un animal, ni une plante, est capable de penser. Jusqu’ici, la science considérait qu’il fallait un cerveau avec de multiples connexions. Le blob, lui, échange les informations avec ses congénères par ses veines.

Mieux, il a démontré qu’une seule cellule était capable d’apprentissage. Donc de mémoire. La chercheuse se pose donc cette question: “Certaines cellules de notre corps seraient-elles capables d’apprendre? (...) Pourrions-nous (...) apprendre à nos cellules à ignorer certaines molécules thérapeutiques étrangères afin qu’elles ne soient pas détruites par l’organisme?” 

“Grâce au blob, continue Audrey Dussutour, la question se pose: n’existerait-il pas une forme d’intelligence indépendante du cerveau que l’on aurait négligée?” À la manière des microbiotes de l’intestin, désormais appelés “deuxième cerveau”.

Le blob est aussi déjà utilisé dans la production de composés anticancéreux. “Par exemple, le piment bleu vert du blob Arcyria mutans (arcyriacyanine A) possède une activité inhibitrice unique sur un large panel de lignées cellulaires de cancer humain.” Par ailleurs, “le réseau de veines du blob, en particulier sa formation, sert également d’inspiration à la recherche sur le cancer. Pour survivre et se développer, les tumeurs ont besoin d’un approvisionnement en sang. Les priver de cet afflux sanguin serait donc un moyen efficace de lutter contre le développement du cancer.” Savoir comment le blob tisse ses réseaux, puis les abandonne, serait une clé dans ce secteur. “Avec le blob, le champ des possibles s’élargit sans cesse”, précise la chercheuse.

Il est mort deux fois

En tous cas chez nous, au HuffPost, il n’aura pas eu l’occasion de démontrer son utilité, parce qu’il est mort deux fois entre nos mains. Certes, un blob ne meurt jamais vraiment, mais le nôtre n’a pas souhaité se manifester plus avant.

La première fois, nous avons tenté de le filmer pour montrer sa progression. Nous l’avons mis sur de l’essuie-tout, mais la matière a aspiré toute l’eau dont le blob avait besoin. Nous avions beau essayer de le ranimer avec des pulvérisations régulières, rien n’y faisait. D’autant que nous avions besoin de lumière pour le filmer, or le blob est un nocturne.

Nous l’avons donc mis derrière des rideaux, mais la lumière rentrait par le haut. Bref, au bout de 48 heures, il était complètement desséché et n’avait pas progressé d’un centimètre.

Notre blob est mort une seconde fois, envahi par la moisissure formée autour de lui par les flocons d’avoine imbibés d’eau. Nous avons essayé de le nettoyer. Nous avons lavé sa boîte à la javel. Nous l’avons réinstallé confortablement, mais rien n’y a fait, la moisissure est revenue l’avaler.

Un blob, cela demande du temps, de l’amour et de la persévérance. Lors de l’Echappée volée, Audrey Dussutour racontait qu’elle s’obligeait à écourter ses week-ends pour aller nourrir ses blobs au laboratoire.

Un sens du sacrifice qui lui permet aujourd’hui de faire figurer ses recherches parmi les plus prometteuses au monde, et même à 400 kilomètres de la Terre. Dans l’ISS, il va subir deux protocoles: l’un testera l’attitude de blobs privés de nourriture, l’autre fournira aux plus chanceux une source alimentaire - des flocons d’avoine.

À voir également sur Le HuffPost: Comment Thomas Pesquet essaie de faire pousser des plantes sur l’ISS

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