Vaccination anti-Covid: pourquoi la France encourage les "loteries"

Pour pousser les Français à se faire vacciner, des

CORONAVIRUS - Une voiture à Moscou, 100.000 dollars au Canada, un spliff à Seattle... et un weekend à Argenteuil. Pour inciter les populations à se faire vacciner contre le covid-19 et ainsi se rapprocher d’un retour à la vie normale, sans mesures sanitaires ni interdictions en tout genre, des “loteries” sont mises en place partout dans le monde.

Le principe est simple: à partir du moment où l’on reçoit le sérum (à certaines dates ou si l’on appartient à certaines catégories de population par exemple), on a une chance d’être tiré au sort et de recevoir un lot.

Un concept déjà très développé dans certains pays et qui commence à faire son apparition en France. La ville d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise a par exemple lancé “Destination vaccination”, une loterie de ce type pensée pour séduire et convaincre les 18-25 ans. S’ils reçoivent une première dose au mois de juillet, ces jeunes pourront peut-être décrocher un week-end de vacances, mais aussi des places de cinéma ou de concert.

Des initiatives validées par le gouvernement

De la même manière, à Nîmes, les 18-25 ans de l’agglomération ont jusqu’au 18 juillet pour présenter une preuve de leur première injection, et éventuellement gagner des chèques-cadeaux ou des abonnements de bus. Une initiative que les élus locaux de la métropole nîmoise justifient par la nécessité “d’impliquer les jeunes dans une démarche collective” avant un été déconfiné durant lequel la crainte de la forte diffusion du variant Delta menace chaque jour un peu plus.

Deux exemples qui sont loin de déplaire aux autorités, qui ne cessent de marteler, à l’image d’Olivier Véran ce vendredi 2 juillet, que la vaccination massive est la seule solution garantissant une sortie de crise pérenne.

Au sein du gouvernement, on ne regarde donc pas ces initiatives d’un mauvais œil. “Il n’y a pas de réflexion concrète en cours, mais ça peut être intéressant, si ça reste dans le cadre de la loi. Il ne faut pas seulement passer par la contrainte pour mobiliser les non-vaccinés”, souffle au HuffPost un proche de Jean Castex. “Si un jour on se dit que c’est pertinent de lancer ce genre de chose au niveau national, dans le cadre de la loi et de l’éthique, pourquoi pas. D’autres pays le font”, appuie-t-on encore dans l’entourage du Premier ministre.

Et c’est le même son de cloche du côté du ministère de la Santé et de l’entourage d’Olivier Véran, où l’on nous explique que “toute initiative visant à inciter à la vaccination est bienvenue, dans la mesure où elle s’exerce dans le champ de la légalité”. En clair, les collectivités qui voudraient initier ce type de proposition semblent avoir le blanc-seing du gouvernement.

La santé instrumentalisée? 

Sauf que ces loteries sont loin de susciter un tel enthousiasme chez tout le monde dans la sphère politique. Mercredi 30 juin, la députée ex-LREM (et désormais rattachée à EELV à l’Assemblée nationale) du Val-d’Oise, Fiona Lazaar, a ainsi dénoncé sur Twitter le loto mis en place par la ville d’Argenteuil, située sur sa circonscription. 

 “La santé n’est ni un jeu, ni un bien de consommation”, écrit l’élue dans son message, qu’elle précise auprès du HuffPost. “Je trouve ces loteries profondément choquantes. C’est une question de santé publique, ça ne doit aucunement devenir un cadeau, sinon on entre dans un schéma où l’on instrumentalise la vaccination et la question de l’accès à la santé”, déplore-t-elle.

Et de dresser un parallèle éloquent, quelques jours après des élections régionales marquées par une abstention historique. “Qu’est-ce que ça veut dire? Que pour lutter contre l’abstention, on va faire gagner des week-end si les gens se déplacent pour aller voter?”  

“La santé et la vaccination sont des sujets très sérieux, on ne joue pas avec ça”, poursuit Fiona Lazaar. “Alors même que l’on doit rassurer sur la vaccination, que des gens se posent des questions sur les effets secondaires, je pense qu’il vaudrait mieux expliquer plutôt que pousser les gens à tenter de gagner des lots. Là c’est contreproductif.” Se disant “circonspecte”, la députée s’inquiète même que les collectivités concernées et ceux qui les encouragent “mettent le doigt dans un engrenage très dangereux”.

Des alternatives sont possibles

Néanmoins, l’élue concède que les villes et agglomération sont libres de proposer de telles loteries. “Les collectivités ont une forme de liberté d’administration, et je pense que ces initiatives doivent a minima être concertées avec les ARS (Agences régionales de Santé, ndlr).” En l’occurrence, l’ARS d’Île-de-France a fait savoir au HuffPost qu’à Argenteuil, si la loterie émane d’une démarche spontanée, le maire en a prévenu à la fois ses services et la préfecture.

Mais pour la députée Fiona Lazaar, d’autres pistes devraient toutefois primer sur ces loteries à l’heure d’inciter la population à recevoir le vaccin. Elle préfère notamment la démarche de l’ARS francilienne qui lui expliquait, plus tôt dans la semaine, qu’elle était “prête à faire des déplacements pour aller vers certains publics, dans les Ehpad, dans les foyers, là où les gens ont du mal à se faire vacciner. Ça, c’est bien plus intéressant!” 

Dans la même veine, l’élue du Val-d’Oise évoque la possibilité pour les collectivités de “s’emparer des campagnes de communication”, à l’image de ce qu’a par exemple fait la région Paca avec des affiches plébiscitées. “Avec leurs réseaux sociaux, leurs bulletins d’information, la possibilité de s’appuyer sur les associations de terrain, elles peuvent encourager la vaccination.” Reste qu’avec l’appui du gouvernement, les loteries pourraient se multiplier dans les jours et semaines à venir, surtout si le plateau que semble avoir atteint la vaccination auprès du grand public se confirme.

À voir également sur le HuffPost: Covid-19: À l’étranger, on ne sait plus quoi inventer pour inciter les gens à se faire vacciner

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