HARCÈLEMENT - Pour préserver leur carrière, ils ont tous demandé à garder l’anonymat. Huit anciens collaborateurs et six anciens étudiants de la sénatrice EELV, Esther Benbassa, dénoncent la “méthode Benbassa”, faite “d’humiliations, de menaces et de harcèlement”, dans une enquête publiée ce jeudi 8 juillet par Mediapart.
Sur une grosse dizaine de pages, les témoignages se succèdent, preuves à l’appui. Là, une capture de texto, ici d’un mail. La femme politique, longuement interrogée par Mediapart, dément l’intégralité des accusations.
Opération chirurgicale décalée
Un des témoignages particulièrement fort et qui aurait même surpris le corps médical est celui de Dany, la vingtaine. Cette dernière raconte comment sous la pression de sa sénatrice elle s’est sentie obligée de décaler une opération urgente du poumon pour rester pleinement mobilisée par le calendrier de travail de sa cheffe.
″Ma chirurgienne était très surprise et m’avait précisé que c’était la première fois qu’on lui demandait une chose pareille″, témoigne-t-elle. Cette ancienne collaboratrice raconte comment la sénatrice aurait fustigé sa santé “fragile” et comment elle lui aurait fait part de son souhait de la licencier. Des scènes que l’intéressée nie. Elle lui aurait “seulement″ demandé de ″décaler aux vacances de février ou de mars″.
Pourtant, son ancienne collaboratrice décrit de vives discussions desquelles elle ressortait avec des sentiments d’incompréhension et d’angoisse. Dany finit par accepter une rupture conventionnelle proposée par sa responsable: “J’ai fini par accepter, car il était hors de question pour moi de retravailler pour elle [après l’opération, ndlr]”, raconte-t-elle. Pendant toute cette enquête, Mediapart relate comment la santé de ceux qui l’entouraient est passée après le travail de la sénatrice EELV.
Dénigrement permanent
D’après l’enquête, une des spécialités d’Esther Benbassa était d’envoyer de longs mails rabaissant le travail d’un de ses collaborateurs devant toute son équipe. Le plus souvent, l’orthographe était critiquée avec une orthographe elle-même fort douteuse. Écrits violents, intempestifs, agressifs... Tout est matière à reproches et plusieurs témoignages décrivent l’humeur de la sénatrice pouvant changer du tout au tout en un rien de temps.
“Elle s’agace de coquilles laissées par l’un de ses assistants, reproche leur utilisation du téléphone personnel, un problème d’agenda, l’incapacité de l’un de ses assistants à modifier sa photo Wikipédia ou des miettes non ramassées dans son bureau”, écrit Médiapart.
Un autre collaborateur, Grégoire, témoigne de messages qu’il a reçus et qui ont été consultés par le journaliste David Perrotin qui a mené cette enquête: ″Vous me mettez en difficulté, un de ces jours je vais perdre patience″, écrit ainsi la sénatrice à Grégoire en avril 2020. Et d’ajouter un mois plus tard : “Chaque chose que vous faites devient un fardeau pour moi (...) Je désespère.” “Je le vivais très mal”, reconnaît Grégoire, “mais une partie de moi pensait qu’il y avait une part de vrai.”
Turn-over important, pressions que ce soit sur le télétravail pendant le confinement ou sur des absences liées à un deuil... La liste d’exemples nourrissant le malaise au sein du cabinet de la sénatrice est longue. Certains avaient fini par alerter la CGT. Face à leur détresse, cette dernière avait tenu à leur envoyer un courrier en 2020 “pour résumer la situation et laisser une trace écrite dans le cas où ils entameraient une procédure”, peut-on ainsi lire.
Du Sénat à l’École pratique des hautes études
D’après l’enquête, ce “climat de terreur” ne s’arrête pas aux portes du Sénat. Toujours selon Mediapart, plusieurs étudiants qui l’ont côtoyée à l’École pratique des hautes études (EPHE) où elle y est directrice d’études tiennent des accusations similaires. Au moins six d’entre eux qui l’avaient choisie pour diriger leur thèse ont finalement renoncé entre 2007 et 2011.
Grégoire, l’ancien collaborateur mentionné plus haut, a fini par alerter la commission anti-harcèlement du Sénat, sans aller jusqu’au bout des démarches. “J’ai été en arrêt maladie, complètement déprimé”, explique-t-il. “Une attestation médicale confirme que son ‘état de santé a nécessité un suivi médical régulier entre septembre et décembre 2020′”, précise Médiapart. L’ancien collaborateur a également justifié qu’il n’avait plus assez de forces pour s’“engager là-dedans”: ”Ma priorité était de trouver un autre boulot″, raconte-t-il. L’enquête explique que plusieurs élus ont par ailleurs fini par aider certains collaborateurs à trouver un autre poste.
Les ex-assistants parlementaires et les anciens étudiants contactés expliquent parler aujourd’hui pour éviter de nouvelles victimes. Deux d’entre eux songent à porter plainte contre l’élue. Le nouveau président du groupe EELV au Sénat, Guillaume Gontard, n’a pour l’instant pas répondu aux sollicitations du site d’informations.
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