Afghanistan: Comment les États-Unis se préparent à évacuer Kaboul

Les États-Unis sont en train d'organiser l'évacuation de leurs ressortissants d'Afghanistan, contraints par l'avancée furieuse des talibans (photo prise à l'ambassade américaine à Kaboul).

AFGHANISTAN - Tout s’enchaîne très rapidement. En à peine plus d’une semaine, les talibans ont pris le contrôle de presque tout le nord, l’ouest et le sud de l’Afghanistan, et sont arrivés aux portes de Kaboul. Ce qui contraint les puissances occidentales présentes sur place à organiser dans la précipitation le rapatriement de leurs ressortissants. 

À commencer par les États-Unis, qui accélèrent les préparatifs. Le président Joe Biden a en effet décidé d’envoyer 3.000 soldats à l’aéroport de Kaboul pour sécuriser l’évacuation du personnel américain de l’ambassade américaine à Kaboul, et des travaux sont en cours pour déplacer l’ambassade à l’aéroport même.

Les fantômes de Saïgon et Benghazi 

Par ailleurs, un autre millier de militaires américains vont être envoyés au Qatar en soutien technique et logistique, tandis que 3.500 à 4.000 vont être pré-positionnés au Koweït pour faire face à une éventuelle dégradation de la situation. Un déploiement important alors que les États-Unis sont censés avoir retiré toutes leurs troupes de la région à la date du 31 août, vingt ans après l’intervention militaire internationale consécutive des attentats du 11 septembre.

Les Américains craignent effectivement de revivre la catastrophe de Saïgon (devenue depuis Hô Chi Minh-Ville) où, en 1975, les États-Unis avaient fini par évacuer en catastrophe au moyen d’hélicoptères qui embarquaient directement sur le toit de l’ambassade les derniers fonctionnaires et civils vietnamiens, alors que l’armée populaire vietnamienne conquérait la ville. 

Un premier bataillon de marines est donc arrivé à Kaboul dès le vendredi 13 août à l’aéroport international de Kaboul. L’objectif des États-Unis est d’évacuer la capitale afghane par voie aérienne à raison de “milliers de personnes par jour”, a affirmé le porte-parole du Pentagone John Kirby lors d’une conférence de presse.

Ce dernier a cependant affirmé vendredi que Kaboul ne faisait pas face à une “menace imminente”. L’administration Biden prend néanmoins toutes les précautions pour protéger les diplomates américains en Afghanistan, neuf ans après l’attaque du 11 septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi, en Libye. Quatre Américains avaient été tués, dont l’ambassadeur Chris Stevens.

Au total, près de 4.200 personnes travaillaient encore cette semaine à l’ambassade américaine. Plusieurs milliers d’Afghans ayant servi comme interprètes ou dans d’autres rôles de support pour la mission américaine longue de deux décennies sont également soucieux de quitter le pays dès que possible, par peur de représailles des talibans.

Pour permettre ce pont aérien au départ de Kaboul, la mission la plus ardue est de sécuriser l’aéroport international et ses accès. La Turquie a proposé de se charger de cette mission, a précisé un diplomate de l’Otan.

Les Américains préparent l’après

Autre signe de la fin imminent de la présence américaine en Afghanistan, l’ambassade des États-Unis dans la capitale afghane a ordonné dès vendredi à son personnel de détruire des documents sensibles et des symboles américains qui pourraient être utilisés par les talibans à des fins de propagande, alors que les insurgés approchaient de la capitale afghane.

 

Dans une note de service consultée par l’AFP, un responsable de l’ambassade a indiqué au personnel où se trouvent l’incinérateur de l’ambassade ainsi que les autres équipements de destruction de documents. “Merci d’inclure les articles portant le logo de l’ambassade ou du ministère, les drapeaux américains et les autres articles qui pourraient être utilisés à des fins de propagande”, précise la note de service. Un porte-parole du département d’État a assuré qu’il s’agissait d’une procédure normale en cas de réduction de la présence diplomatique des Etats-Unis dans un pays.

D’ailleurs, les Américains sont loin d’être les seuls à se préparer à de telles extrémités. Après l’annonce venue des États-Unis, le reste du monde occidental a emboîté le pas aux Américains. Londres a ainsi parallèlement annoncé le redéploiement de 600 militaires pour aider les ressortissants britanniques à quitter l’Afghanistan.  

L’Italie quant à elle est prête à évacuer “rapidement” ses diplomates et ressortissants de Kaboul, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio dans un entretien au journal Il Corriere della Sera publié ce samedi 14 août.

Le reste des Occidentaux suivent

“Nous nous préparons à toute éventualité, y compris celle de l’évacuation. Nous devons penser à la sécurité du personnel de notre ambassade et de nos compatriotes. Si cela s’avère nécessaire (...) nous les rapatrierons tous en sécurité en Italie rapidement”, a-t-il affirmé. “En cas d’évacuation, l’ambassade restera opérationnelle depuis Rome et les fonds destinés au soutien des forces de sécurité afghanes pourront être réaffectés à la protection des collaborateurs de nos services diplomatiques, militaires et civils”, a-t-il précisé.

L’Espagne de son côté a annoncé vendredi le début du rapatriement du personnel de son ambassade à Kaboul et de ses expatriés. Le ministre José des Affaires étrangères Manuel Albares a signalé “le début du rapatriement du personnel de l’ambassade, des Espagnols restés dans le pays, et des Afghans et leurs familles qui travaillés à nos côtés”, dans un communiqué.

“L’Espagne est prête à tout éventualité, y compris celle de vider l’ambassade si nécessaire”, a ajouté le chef de la diplomatie espagnole. Hors ambassade, il restait six citoyens Espagnols en Afghanistan vendredi d’après le ministère. Par ailleurs, depuis 2014, 55 traducteurs et leurs familles ont obtenu le statut de réfugié en Espagne. Une source du ministère de l’Intérieur espagnol a expliqué à l’AFP qu’ils traiteront “les demandes de protection internationale que peuvent faire les interprètes ou collaborateurs afghans et leurs familles après leur arrivée en Espagne”. L’idée de rapatrier est notamment évoquée. 

Comme ces différents pays, le Royaume-uni, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark et la Finlande ont annoncé l’évacuation de personnel et d’expatriés. Norvégiens et Danois ont en outre officialisé la fermeture “temporaire” de leur ambassade sur place. 

C’est notamment via l’Otan que ses États membres organisent l’évacuation de son personnel diplomatique et de ses ressortissants. “Il s’agit de déterminer qui fait quoi, quand, comment et quel soutien est accordé pour cela”, a décrit une source diplomatique au sein de l’Alliance atlantique.

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