POLITIQUE - Vendredi 10 janvier, Paris, 8e arrondissement. Dans son très chic QG de campagne, Éric Zemmour lance, sûr de lui, devant une poignée de journalistes présents: “je suis un mix entre le RN et LR. C’est pour ça que je serai au second tour”. Si le polémiste a encore beaucoup de chemin à faire pour traduire ce rêve en réalité électorale, son arrivée dans la course à l’élection présidentielle esquisse un schéma de cet ordre sur Twitter.
Le réseau social, miroir déformant particulièrement scruté par les journalistes et les politiques à l’affut de la moindre tendance à exploiter, a effectivement changé de visage depuis que l’hypothèse Zemmour s’est solidement installée. Depuis la fin du mois d’août, la communauté de Marine Le Pen a vu son nombre d’utilisateurs quasiment divisé par deux. Même chose pour le bloc LR. À l’inverse, celui d’Éric Zemmour a quasiment doublé, selon les travaux des chercheurs au CNRS David Chavalarias, Victor Chomel et Maziyar Panahi, qui placent la consolidation de sa communauté à la fin du mois de septembre. Soit juste après le fameux débat face à Jean-Luc Mélenchon.
Éric Zemmour, “qui était depuis plusieurs semaines dans la sphère informationnelle du Rassemblement National”, a alors commencé ”à faire communauté à part, emportant une partie des militants RN et une partie des militants LR”, notent les chercheurs. Ils soulignent que cette communauté “s’est stabilisée au fil des semaines, confirmant l’effet de surprise de la montée du polémiste dans les sondages”.
“LOPA de Zemmour”
Et malgré une séquence médiatique dominée politiquement par le Congrès LR, l’essayiste d’extrême droite a continué d’attirer sur sa candidature des utilisateurs jusqu’alors acquis aux Républicains, dont la communauté Twitter s’est “fractionnée” en plusieurs sous-communautés.
Résultat, “au 6 décembre, la communauté LR autour de Ciotti ne s’était toujours pas rassemblée autour de Pécresse, restant dans le giron de la sphère informationnelle de Zemmour”, poursuivent les chercheurs soulignant les divers épisodes qui ont secoué la droite depuis la victoire de la présidente de la région Île-de-France à la primaire LR. Une position centrale entre le RN et LR, que l’on peut observer dans la cartographie ci-dessous.
“La communauté RN en ligne a été réduite à portion congrue suite à l’OPA de Zemmour. Cela ne veut pas dire que l’ensemble des militants qui se retrouvent maintenant du côté de Reconquête! ne militent plus pour le RN, mais cela souligne une réelle compatibilité entre ces deux communautés”, notent encore les spécialistes du militantisme en ligne, précisant que le phénomène s’observe de la même façon chez la communauté LR.
Autre spécificité liée à la candidature du polémiste, sa communauté Twitter est celle qui a “la plus forte densité de liens internes, avec une moyenne de 7,28 connexions par membre”. Ce qui signifie que “l’information y circule en vase clos”. À noter toutefois que ce dernier point peut être tout a fait trompeur.
Les soutiens numériques du polémiste sont soupçonnés d’avoir recours à l’astrosurfing, une technique visant à booster artificiellement son audience sur les réseaux sociaux en multipliant les comptes et les messages de soutiens. Exemple ci-dessous avec une série de comptes pro-Zemmour tweetant -et au même moment- exactement la même chose.
D’où cette nuance de taille mise en exergue par les chercheurs: “ceci n’est pas un sondage mais une représentation du militantisme en ligne, qui est très différent du militantisme hors-ligne, lui-même différent du comportement de la population française”. Par ailleurs “il est notoire que les communautés aux extrêmes du spectre politique sont sur-représentées dans l’activisme en ligne”, tout comme il est admis que “faire partie d’une communauté informationnelle ne veut pas dire militer pour le parti associé”.
Pour autant, avoir une importante visibilité (même si elle est artificielle) au sein d’un réseau social sur lequel sont branchés médias et équipes de campagne, n’est pas sans conséquence puisque cela donnera forcément plus de force aux messages émis. Autre avantage: le fait de pouvoir observer sur quelle communauté un discours fait mouche peut confirmer (ou infirmer) une stratégie politique, et donc électorale. Ce qui, pour un candidat qui entend justement aspirer deux électorats, est loin d’être anodin.
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