"Les psychologues, ces autres soignants 'ingrats et irresponsables'" - BLOG

Maintenant que nous savons que les psychologues sont bassement intéressés par leur propre intérêt, quelle autre raison valable peut-on entendre de leur bouche vile et capitaliste?

SANTÉ MENTALE - Ouvrir les vannes de la consultation psychologique en cette fin de quinquennat ne peut que nous faire penser à tout un tas de paradoxes vus ici où là ces quatre dernières années, ou plutôt de doubles liens, à savoir dire une chose et son inverse, “en même temps” pour reprendre les mots du principal intéressé.

Nous le savons, ordres et contre-ordres font partie des désordres les plus importants dans le monde du travail. Et comme notre grand pays est une « Start-up Nation », le voici désormais en proie aux mêmes risques que ceux des entreprises.

Pourquoi proposer des consultations psychologiques remboursées par la sécurité sociale?

Les rapports sur la santé mentale sont formels concernant l’augmentation des troubles dépressifs et anxieux chez l’adulte, mais également l’enfant et l’adolescent. Dans ce contexte difficile, ces consultations remboursées apparaissent comme une réponse parfaitement appropriée. Pourquoi diable s’en offusquer ? Et d’ailleurs qui et pour quelles raisons ?

Eh oui chères et chers collègues soignants, dans une "start-up Nation", le service public n’est pas géré par l’État, vous n’êtes pas des bébés, il est temps de grandir.Maxime Bellego

Management autocratique, et non régime dictatorial

Il s’avère que les psychologues eux-mêmes, dans un premier temps, acceptent difficilement cette proposition, ou plutôt décision puisque nous évoluons dans un mode managérial autocratique et non pas dictatorial comme certaines mauvaises langues voudraient le laisser entendre. En effet, le régime dictatorial concernerait un régime politique, ici comme il s’agit d’une “Start-up Nation”, nous parlerons plus volontiers d’un mode managérial. Soyons précis. Par ailleurs, lorsque les sciences humaines et sociales se sont intéressées au management, elles ont pu en distinguer trois types: participatif, autocratique et laisser faire. Dans le premier, la décision est discutée et le groupe a le dernier mot. Dans le deuxième, le manager décide sans le consentement de son groupe. Enfin, dans le troisième, le manager est très éloigné de la vie du groupe et ne prend tantôt aucune décision, tantôt en prend sans l’en informer.

Maintenant que nous sommes bien d’accord sur le vocabulaire, nous pouvons nous demander pourquoi les psychologues résistent-ils ? Plusieurs raisons.

La première concernerait le prix de la séance: 30 euros, sans dépassement d’honoraire possible, alors que la moyenne se situe actuellement à 60 euros, soit le double. Une mesure qui facilitera très grandement l’accès du soin aux plus nécessiteux, c’est incontestablement une bonne nouvelle les concernant. Comment les psychologues osent-ils alors refuser cette décision sous prétexte de gagner deux fois moins? Cette réaction très proche de leur pouvoir d’achat, première considération des Français selon les derniers sondages, nous invite à les trouver finalement assez matérialistes, voir près de leurs sous et finalement très éloignés de la notion de bien commun. Premier double lien donc, demander au groupe d’être au service du bien commun aux dépens de leur pouvoir d’achat. Nous serons par la même occasion très heureux d’apprendre qu’une “Start-up Nation” peut-être mue par un intérêt supérieur, et que ceux qui la composent ne doivent pas accorder d’importance à l’argent. Cela nous fera sans doute penser au modèle de l’ONG, par sa noblesse de cœur. Peut-être par là serions-nous plus proches d’une “ONG Nation”. À creuser.

Maintenant que nous savons que les psychologues sont bassement intéressés par leur propre intérêt, quelle autre raison valable peut-on entendre de leur bouche vile et capitaliste?

La deuxième raison viserait le mode de fonctionnement de ce remboursement par la sécurité sociale. Pourtant, comme tout processus administratif de notre pays, tout est pensé pour simplifier les choses et faciliter l’accès au soin: d’abord le médecin généraliste, bien au fait de la dimension psychologique et psychiatrique de l’être humain, puisque c’est sa spécialité du fait même qu’il est généraliste, doit prescrire directement le nombre de séances. Le psychologue se situerait donc en exécution de la prescription. Ensuite, il est indiqué au psychologue que la première séance est facturée 40 € au patient et dure une heure, les suivantes à 30 € durent, elles, trente minutes. Puis, après quelques séances, le médecin généraliste se voit remettre un rapport psychologique arguant de l’intérêt de poursuivre les séances, afin d’en prescrire, ou non, d’autres. Cela tombe bien, et est tout à fait réaliste puisque chacun sait que le médecin généraliste a beaucoup de temps dans sa journée, en effet il doit peut être recevoir quatre ou cinq patients par jour pendant les grosses périodes, pas plus, à 25 € la séance, et sera sans nul doute, particulièrement heureux de prendre quelques heures par semaine pour lire des rapports psychologiques. Cela étant, il est toujours assez triste de constater que certains médecins libéraux prennent plus de cinq patients par jour, au nom d’une soi-disant impossibilité de s’y retrouver financièrement au vu du prix de la consultation et des charges inhérentes à leur activité. Eux aussi sont, quelque part, des radins libéraux bien éloignés du bien commun.

Dès lors, d’où pourrait bien venir l’insatisfaction des psychologues?

Il faut bien noter que, jusqu’à présent, le psychologue clinicien a toujours été très libre de disposer du temps qu’il juge être nécessaire pour le patient, sans aucune interférence médicale, y compris dans le milieu hospitalier. Pour rappel, le supérieur hiérarchique du psychologue à l’hôpital est le directeur d’établissement lui-même.

Mais dans quel monde vit le psychologue? Depuis quand pouvons-nous jouir d’une autonomie au travail? Cette bande de poètes idéalistes pensait vraiment pouvoir travailler dans l’intérêt du patient? Dans un pays prônant le service public peut-être, mais pas dans une “Start-up Nation” qui essaie de les aider en leur indiquant la durée de la consultation, au cas où ils soient perdus dans l’exercice. Décidément, la philanthropie du gouvernement n’est jamais bien reçue par ces ingrats de soignants.

Nous voyons donc que les psychologues n’ont aucune raison valable de refuser cette proposition/décision, sauf à passer pour des fanatiques de l’autonomie et des pingres affligeants de bassesse spirituelle. C’est cela la beauté du double lien, tout se passe “en même temps”: faciliter l’accès au soin des plus nécessiteux et appauvrir et contrôler l’activité psychologique.

“Choix illusoire-Nation”

Poursuivons si vous le voulez bien. Cette mesure n’est pas obligatoire, donc les psychologues qui le souhaitent pourront dès janvier 2022 continuer à pratiquer leur tarif. Autrement dit, les patients auront le choix entre des consultations à 60 € non remboursées et des consultations à 30 € remboursées. Voilà, “en même temps”. Les sciences sociales, toujours elles, nous montrent que la meilleure formule pour introduire un choix illusoire est “vous êtes libre de…”. À lire sur le sujet le magnifique “petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens” de l’illustre Robert Vincent Joule.

Profitant de toute cette liberté qui lui est accordée, le vil psychologue libéral, depuis sa position bourgeoise déconnectée de la dure réalité du terrain, pourra également se tourner vers l’hôpital public si toutefois, par caprice de riche, ses nouvelles conditions de travail ne lui convenaient pas.

Cela tombe bien, car l’hôpital public se porte très bien en ce moment. Tout va bien. Par exemple, les soignants qui ne souhaitent pas se faire vacciner sont mis à la porte, bien fait pour cette bande d’égoïstes. “Vous êtes libre de” ne pas vous faire vacciner, mais vous perdrez alors votre emploi.

D’ailleurs, 20% des lits sont fermés à cause de ces irresponsables du bien commun. Ce sont vraiment les ennemis de l’intérêt supérieur. C’est très certainement à cause d’eux si la crise COVID, bien gérée par ailleurs, dure encore. Yves Calvi nous rappelait il y a quelque temps sur une chaîne du service public, son ras-le-bol concernant les”pleurnicheries hospitalières” sur un ton fort justement moralisateur. Une pensée empathique pour notre gouvernement et la difficulté à gouverner autant d’ingrats.

Les soignants, les responsables de la crise et ennemis de la liberté?

Finalement, si l’hôpital va si mal, si la crise COVID s’éternise, peut-être pouvons-nous penser à raison qu’il en est de la responsabilité des soignants et des patients eux-mêmes. Penser qu’il s’agirait d’une soi-disant dégradation progressive de la gestion des hôpitaux depuis plus de vingt ans serait une réflexion bien déplacée. Rappelons-nous d’ailleurs que les soignants, ces bien vils personnages, sont même allés jusqu’à nous donner l’illusion de dépasser leur propre intérêt personnel au début de cette crise. Quelle manipulation des esprits! Souvenons-nous pourtant de ce moment émouvant du début de crise, lorsque le gouvernement ne savait pas encore si les masques étaient utiles, si d’ailleurs le peuple savait les mettre correctement, lorsque le COVID était présenté sur les chaînes du service public comme une “simple grippe” par de grands spécialistes en épidémiologie, comme le Dr Michel Cymès. Souvenons-nous, avec émotion, du moment où la ministre de la Santé, madame Agnès Buzyn, faisait passer l’intérêt supérieur de la nation en mettant de côté le sujet d’une apparente petite épidémie “en même temps” considérée comme potentiellement très grave, pour se lancer dans la candidature de la Mairie de Paris. Une belle leçon d’abnégation.

Pendant ce temps, rappelons-nous avec effroi l’empressement des soignants à aller au contact du virus sans équipement, vêtus parfois de sacs poubelle, sans masque: quels irresponsables! Et comme si cette irresponsabilité criminelle ne suffisait pas, ils se prenaient pour des vedettes à se faire applaudir tous les soirs. Le dégoût ne peut que monter face à ce genre de comportements égocentriques dans une crise sanitaire de cette ampleur.

Et maintenant ce sont aux psychologues de se mettre en avant? Il n’y a donc plus aucune retenue chez les soignants?

À la limite, si la hausse des problèmes de santé mentale était due à des incohérences décisionnelles, des privations de liberté comme des confinements ou un pass sanitaire, ou encore des fermetures de services psychiatriques. Mais rien d’officiel n’indique de lien sérieux. D’ailleurs, pour rester dans l’aspect psychiatrique des choses, imaginer un lien entre le mode de gestion autocratique et l’apparition de souffrance psychologique serait une interprétation parfaitement paranoïaque.

“Je compte sur vous”

C’est sur ce propos ô combien charismatique d’un grand homme de guerre, une guerre sanitaire, que je vous proposerais de conclure ces quelques idées. Un jour, un médecin s’est plaint, encore et toujours, des conditions de travail hospitalières, et ce bien avant la crise COVID, à notre Président de la République alors en visite sur le terrain. Ce à quoi le Chef de l’État avait répondu: “je compte sur vous”. Difficile d’imaginer l’effet d’un tel éclairage sur notre collègue médecin, une forme de bain de lumière à laquelle très certainement son esprit médiocre, matérialiste et étriqué n’était-il pas prêt. Eh oui chères et chers collègues soignants, dans une “start-up Nation”, le service public n’est pas géré par l’État, vous n’êtes pas des bébés, il est temps de grandir. Vous êtes responsables de la bonne gestion des hôpitaux, pas le gouvernement.

Idem concernant les patients qui ont souvent la fâcheuse habitude de tomber malades ou de décompenser des pathologies psychiatriques.

Alors, au nom de l’hôpital public, s’il vous plaît, ne tombez pas malades, ne soyez pas fous, et arrêtez d’être égoïstes. Il serait temps de prendre vos responsabilités.

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