La candidate voilée renvoie LREM à ses dangereux non-dits sur la laïcité

Le délégué général de LREM, Stanislas Guérini, photographié à l'Assemblée nationale en mars 2020 (illustration)

POLITIQUE - À quoi ça tient, une polémique ? Lundi 10 mai en fin de journée, il a fallu que le numéro 2 du Rassemblement national, Jordan Bardella, partage sur Twitter une affiche LREM sur laquelle apparaît Sara Zemmahi, une candidate aux élections départementales portant le voile, pour que le patron du parti présidentiel s’empresse de répondre, déclenchant une profonde crise au sein des troupes macronistes. Au point que certains, à l’image du député de la Vienne Sacha Houlié, demandent désormais la démission du député de Paris de ses fonctions de chef de parti.   

Sur Twitter, plusieurs élus macronistes ont publiquement affiché leur désaccord avec Stanislas Guérini, jugeant qu’écarter une candidate à la suite d’une injonction venant du RN et sur la seule base de son port du voile revient à commettre une “discrimination”. En réunion de groupe ce mardi matin, le sujet a enflammé les discussions et le patron du parti présidentiel a finalement admis avoir commis “une erreur” en répondant ainsi au RN.

Contradictions 

Ce qui, dit autrement, revient à se faire dicter son agenda par le parti de Marine Le Pen. Pas forcément l’idéal de la part d’une formation qui se présente justement comme un rempart face au RN, et qui s’émeut que des électeurs de gauche puissent hésiter à glisser un bulletin Emmanuel Macron au deuxième tour en cas de duel contre la députée du Pas-de-Calais.

Si cette polémique a (encore) jeté une lumière crue sur les divisions qui minent le parti macroniste, elle rappelle que le parti fondé en 2016 n’a jamais tranché la question sensible de son rapport au religieux et à la laïcité, et que coexistent en son sein des personnalités affichant des convictions radicalement différentes sur le sujet. Des contradictions explosives qui avaient conduit le gouvernement à tuer dans l’œuf les amendements hostiles au port du voile portés par plusieurs députés LREM proches de Jean-Michel Blanquer, également partisan d’une ligne intransigeante sur la laïcité.

“Manifestement, il nous manque une concertation militante ou un congrès sur le sujet, qui mettrait en place des débats et d’où découleraient des décisions prises collectivement”, reconnaît auprès de L’Express la députée de l’Hérault, Coralie Dubost, qui considère que “des femmes peuvent à la fois porter le voile et être engagées sur des idées progressistes”. Une position très éloignée de celle défendue par la députée des Yvelines Aurore Bergé ou par le député de l’Essonne Francis Chouat, tous deux partisans d’une ligne ferme et opposés à ce qu’une femme voilée puisse apparaître sur une affiche LREM.

Effet boomerang

Au-delà de ces contradictions étalées publiquement, l’affaire souligne la fragile ligne de crête sur laquelle chemine le parti macroniste, de plus en plus tenté de coller à la droite en vue de 2022. Car la coexistence de ces deux visions de la laïcité, permise par les non-dits installés depuis la création du mouvement, offre un formidable angle d’attaque au Rassemblement national et aux Républicains, qui ont beau jeu de souligner ce “en même temps” difficile, sinon impossible, à tenir sur un sujet aussi clivant. 

“Avant de ‘conforter les principes républicains’ en France, Marlène Schiappa devrait les conforter au sein de son parti. Porter un voile sur une affiche électorale c’est en faire un étendard militant et politique. En Marche accompagne le séparatisme”, a ironisé Jordan Bardella, en commentant le tweet de la députée LREM Naïma Moutchou contestant la position de Stanislas Guérini. Un effet boomerang assez prévisible, la droite et l’extrême droite ayant l’habitude de surenchérir sur ce terrain, comme la réécriture du projet de loi “séparatisme” par le Sénat dominé par LR l’a récemment montré.

Ce qui, inéluctablement, expose la formation macroniste à des procès en ambiguïté venant de la droite et de l’extrême droite ou à des accusations en droitisation venant des élus de son aile gauche, fidèles aux promesses de progressisme et d’inclusion formulées en 2017 par Emmanuel Macron. Faute de ligne de claire, LREM reste, pour le moment, prise entre ces deux feux. 

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