Je suis papa et j’ai souffert de dépression post-partum paternelle – oui, ça existe vraiment - BLOG

Photo taken in Augsburg, Germany

PATERNITÉ - J’étais assis sous mon bureau en pleine crise d’hyperventilation, quand j’ai entendu mon patron entrer déposer du courrier. Je ne saurais pas dire s’il m’a vu ou non, tandis que je m’efforçais d’endiguer (sans succès) l’irrépressible flot d’émotions et de larmes.

Je n’aurais jamais cru vivre le métier de mes rêves ainsi. J’ai travaillé dur pour instaurer un équilibre entre mes responsabilités de rédacteur dans un hebdomadaire alternatif local et celles de père de deux garçons, dont l’un de moins d’un an, et j’avais le sentiment d’échouer à le maintenir.

Seul membre de l’équipe à être parent de jeunes enfants, je craignais toujours que mes collègues ne considèrent mes fils comme un frein m’empêchant de trouver de bons sujets d’articles.

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L’impression de se noyer

Dès que je croyais avoir tout sous contrôle, un nouveau mail arrivait, avec un énième problème à résoudre, que je me reprochais toujours de ne pas avoir anticipé. Chaque jour de cette vie de parent, j’avais l’impression de me noyer. Si je passais du temps avec mes fils, je me languissais de cet instant où je saurais que le jeu en valait la chandelle. Si ce moment n’arrivait pas, j’allais me coucher persuadé d’avoir déçu ma famille faute d’avoir mieux assumé mon rôle de père.

De temps à autre survenait une nouvelle crise de panique qui me plongeait dans une dépression telle qu’elle me clouait au lit. Je ne me sentais pas à la hauteur et j’ignorais combien de temps je pourrais continuer à vivre si je me révélais incapable d’être présent pour ma femme et mes enfants.

J’ai exprimé mon désespoir auprès d’une connaissance après la naissance de mon aîné. Elle m’a orienté vers un ami thérapeute en me disant: “Tu sais, on parle toujours des femmes qui tombent en dépression après l’accouchement, mais les hommes vivent la même épreuve.” En toute franchise, j’ai cru qu’elle plaisantait, et je n’en ai même pas parlé à mon épouse, de peur de minimiser les bouleversements physiques et émotionnels qu’elle traversait, avant comme après la naissance de notre premier enfant.

J’avais lu que certaines célébrités devenues mères, comme Brooke Shields et Chrissy Teigen, avaient fait une dépression post-partum (DPP) et partagé publiquement leur expérience pour sensibiliser les gens aux symptômes. Il s’avère que, selon la clinique de Cleveland, les pères subissent aussi parfois des changements hormonaux entraînant des variations d’humeur, avant ou après la naissance de leurs enfants. Un syndrome connu sous le nom de dépression post-partum paternelle.

Les symptômes semblaient correspondre à ce que je vivais: colère, désespoir, sentiment d’éloignement vis-à-vis de mes proches, anxiété professionnelle et culpabilité engendrée par une impression de désinvestissement familial.

Mon épouse, inquiète, constatait que mon état ne pesait pas seulement sur notre relation, mais affectait la façon dont je faisais la discipline à nos fils et m’adressais à eux.

D’après la National Alliance on Mental Illness [Alliance nationale pour la santé mentale], les hommes seraient moins enclins à faire soigner leur dépression, en raison de la stigmatisation entourant la santé mentale. Je me comptais parmi les réticents, mais je n’étais pas le père que j’aurais voulu être. À contrecœur, j’ai suivi le conseil de mon amie et pris rendez-vous pour trouver de l’aide.

Toutefois, quand je repense à ces séances de thérapie, je sais que j’ai érigé un mur autour de moi. J’avais lu toutes sortes de témoignages horribles de patients qui avaient reçu un diagnostic erroné ou à qui on avait prescrit des médicaments aux effets secondaires inquiétants. Je ne voulais pas être de ceux-là, alors je ne fournissais au médecin que des bribes de vie privée à analyser avant de remonter aussitôt ma garde.

La technique a si bien fonctionné que mon thérapeute m’a libéré au bout de six séances. Je pleurais pourtant toujours la vie que j’avais perdue en devenant père, une époque sans baby-sitter où ma femme et moi étions libres de nos mouvements, où j’étais en forme et actif. Désormais, j’étais en surpoids, épuisé, aigri et pessimiste. Quand je pensais à tous les films où l’amour d’un jeune enfant sauvait le protagoniste égoïste, je n’y voyais qu’un monceau de foutaises.

Et puis mon deuxième enfant est né et, l’an passé, je me suis retrouvé sous mon bureau en pleine crise de panique. Quelques mois plus tard, mon patron m’a appelé pour m’annoncer que j’avais perdu le poste de mes rêves, en raison des réductions de personnel liées à la pandémie. Quand il a raccroché, j’ai ressenti de l’amertume, de la tristesse, mais aussi du soulagement, car cela me donnait le temps de revoir mes priorités.

Apprendre à partager son ressenti

Mon anxiété ne s’est pas dissipée pour autant. J’étais toujours aigri et en colère. Je passais des jours au lit, paralysé par mes émotions. Au bout du compte, j’ai pris la résolution de sortir de la quarantaine en meilleure forme que je n’y étais entré et j’ai consulté un thérapeute et un psychiatre. J’ai abandonné toute retenue. J’ai enfin compris que mon amie disait vrai au sujet de la DPP paternelle et que ce n’était pas incurable.

Grâce à la thérapie, j’ai appris à partager davantage mon ressenti avec ma femme, ce qui a été source de soulagement pour elle. Loin de la protéger, garder mon angoisse pour moi lui causait finalement plus de stress inutile. Nous arrivons aujourd’hui à travailler en équipe pour élever nos enfants. Sans compter que, comme j’ai exprimé ouvertement mes craintes au sujet des médicaments, mon psychiatre m’a prescrit un traitement léger sans effet secondaire qui a mis fin à mes crises de panique.

Tous les parents vous le diront: la frustration qu’engendrent occasionnellement les enfants ne disparaît jamais. Mais mes fils ne me voient plus comme un adulte toujours en colère et inaccessible. J’adore passer du temps avec eux, qu’il s’agisse de leur apprendre à jouer au baseball ou de regarder un film ensemble. Je deviens petit à petit le père que j’aspire à être.

Je m’efforce de prendre du temps pour moi et d’aller courir de temps en temps. Et je commence aussi à comprendre que ces films aux protagonistes égoïstes ne sont pas entièrement absurdes. Parfois, il faut simplement plus de temps et une pandémie pour atteindre la fin heureuse.

Je n’ai jamais été du genre à me confier sur ma vie personnelle, mais écrire sur mon expérience et en parler m’a permis de découvrir que je suis loin d’être le seul papa à traverser cette épreuve. Nombreux sont les pères à ne pas encore savoir ce qu’est la dépression post-partum paternelle, mais si d’autres libèrent la parole, non seulement plus de gens reconnaître les symptômes, mais il sera aussi possible de trouver la joie à l’autre bout du tunnel.

Ce blog, publié sur le Huffpost Américain, a été traduit par Mathilde Montier pour Fast ForWord.

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